mercredi 27 novembre 2024 12:38

Les immigrés font aussi les frais de la crise grecque

D’énormes baluchons bleus sont planqués dans les feuillages des mûriers. Des enfants joyeux jouent dans les escalators et les ascenseurs du métro qui débouche sur la place Victoria d’Athènes. Entre cent et deux cents clandestins, afghans pour la plupart, passent leur journée à l’ombre de ces arbres.

Assis, le regard vague, discutant, téléphonant, des hommes jeunes en majorité, attendent. Quelques semaines, des mois, plus d’un an parfois. Ils sont en transit en Grèce pour une autre destination européenne. Bloqués. Dans le quartier, ils seraient plus de 3000 selon le Centre hellénique de prévention et de soins des maladies qui se charge du suivi médical de ces populations fragiles.

«Tous les jours, il en arrive de nouveaux en provenance d’Afrique ou d’Asie», constate Irini Xanthopoulou, responsable du Centre. «Square Ameriqi, ce sont des Somaliens et des Sénégalais notamment. Dans les environs, ils sont à peu près 2000. Ces deux dernières années, ces réfugiés ont été de plus en plus nombreux. Ils dorment à dix ou vingt dans des appartements pour un euro.»

Comme 80% des immigrés clandestins d’Europe, ces sans-papiers sont passés par les 150 kilomètres de frontières entre la Grèce et la Turquie dans la région d’Evros. Cette zone est devenue la principale porte d’entrée de la zone de Schengen, depuis les accords de coopération entre l’Espagne, le Sénégal et la Mauritanie, ou entre la Libye de Kadhafi et l’Italie, qui ont eu un fort impact sur l’immigration illégale en provenance d’Afrique. Consciente du problème, l’Agence européenne des frontières extérieures Frontex a dépêché sur place 175 gardes-frontière pour aider les Grecs l’an dernier. Mais ce n’est pas encore assez.

«Ce sont les Turcs qui leur font passer la frontière terrestre», affirme Yiannis Pogas dont l’école culinaire se situe à deux pas du square Victoria. Et puis n’importe qui avec un bateau peut débarquer dans une de nos deux à trois mille îles. Comment voulez-vous les surveiller toutes?» explique encore ce quinquagénaire qui a étudié le management hôtelier en Valais.

«Il y a quinze ans, il n’y avait que des Grecs ici. Des étrangers, des Pakistanais notamment, se sont installés depuis. Le prix de l’immobilier a chuté. Un appartement qui valait 100 000 euros a perdu la moitié de sa valeur», constate encore ce Grec qui trouve normal que par humanité, son pays s’occupe de ces populations. Mais, se désole-t-il, «il y a des bagarres entre communautés, des trafics. Les rues sont devenues sales, les marbres ont noirci. Et la nuit, personne ne met plus le nez dehors.»

Jusqu’ici, les Afghans de la place Victoria n’ont pas rencontré d’hostilité des habitants du quartier. Mais ils ont déjà dû décamper du quartier Agios Panteleimonas et de la place Attikis, chassés parfois à coups de bâton par des milices. La crise a exacerbé ces réactions populistes, voire xénophobes à Athènes. La Grèce, qui était un pays d’émigration, est devenue un pays d’immigration. Il y a sans doute près de 2 millions d’immigrés pour une population d’un peu plus de 11 millions d’habitants en Grèce. Une pression énorme.

«Notre pays a assimilé un million d’Albanais, près d’un tiers de la population de ce pays proche, il est vrai», rappelle Théodoros Pangalos, vice-président du gouvernement grec. «Le deuxième groupe, celui des Pakistanais, n’est pas assimilable mais ne pose pas de problèmes. Mais ces jeunes Afghans et Maghrébins de 18 à 30 ans, parfois très agressifs, commencent à poser de gros problèmes», reconnaît le vice-premier ministre.

En septembre dernier, l’ONG Human Right Watch pointait diverses violations des droits de l’homme dans quatre centres de détention d’immigrants illégaux et demandeurs du droit d’asile en Grèce. Surpopulation, saleté, absence d’intimité, mauvais traitements, insultes, violences des gardiens: cette année, la Grèce avec l’assistance de l’Europe, veut remédier au problème. Mais la crise risque bien d’aggraver encore les choses. Dans les centres comme en ville.

02.10.2011,  Olivier Bot

Source : La Tribune de Genève

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