vendredi 29 novembre 2024 15:42

Les restrictions à l'accueil de stagiaires étrangers au Canada font des vagues

Au Canada, les nouvelles règles de délivrance de visas, édictées par le gouvernement fédéral le 21 février, sans préavis, ni concertation, soulèvent les inquiétudes. Plus de 100 000 étudiants, originaires d'une trentaine de pays, dont la France, font chaque année un stage dans le pays. La mauvaise humeur est particulièrement forte au Québec et en France, alliés traditionnels en matière d'échange de stagiaires.

Plus de 1 000 stages d'étudiants français seraient déjà menacés cette année, notamment parce qu'un bon nombre d'entreprises ou d'organismes québécois qui devaient les accueillir refusent de payer les 230 dollars canadiens (170 euros) désormais demandés pour l'examen de chaque demande. De plus, le Programme de mobilité internationale – géré par le ministère canadien de la citoyenneté et de l'immigration – exige qu'ils remplissent un long formulaire en ligne. Enfin, les demandes des stagiaires sont soumises à des quotas pour l'obtention d'un permis de travail temporaire. Le tout s'inscrit dans un ensemble de mesures visant à resserrer les conditions d'entrée des étrangers au Canada, même à titre temporaire, et à donner la priorité aux Canadiens en matière de recherche d'emploi ou de stage.

Appel au gouvernement canadien

Wendy Therrien, vice-présidente de Collèges et Instituts Canada, qui regroupe les collèges universitaires, instituts de technologie et écoles polytechniques du pays, estime qu'Ottawa rate sa cible, car les stages sont toujours offerts en priorité aux étudiants canadiens. En revanche, les nouvelles règles vont à coup sûr « nuire à la capacité des établissements d'attirer des stagiaires étrangers ».

La mesure a déjà touché ceux qui, offre de stage en main, avaient bien avancé dans leurs démarches… Plusieurs étudiants d'IUT français se sont ainsi vu refuser des permis de travail au Québec. Les instituts universitaires de technologie pratiquent depuis longtemps les échanges d'étudiants, assortis de stages en entreprises, avec les « cégeps », établissements québécois d'éducation postsecondaire. La Fédération des cégeps a multiplié les appels aux gouvernements canadien et québécois dès février. La moitié des 200 entreprises et organismes sans but lucratif québécois qui devaient recevoir des étudiants cette année ont refusé de se plier aux nouvelles règles d'Ottawa, note la directrice de la communication des cégeps, Judith Laurier.

« Le rayonnement du Québec »

Côté français, l'Association des directeurs d'IUT dénonce un « verrouillage », avec « des règles changées en cours d'année universitaire sans aucune information préalable de la part des autorités canadiennes ». Les menaces qui pèsent sur les stages de leurs étudiants au Québec mettent « en péril la validation de leur année d'étude », ajoute l'Association. Pour le futur, les IUT remettent même en question leur collaboration privilégiée avec les établissements canadiens. « Ils vont faire des ententes avec d'autres pays. On ne peut pas les blâmer », note Mme Laurier. En conséquence, les IUT français offriraient moins de stages aux jeunes canadiens.

Le gouvernement du Québec ne prend pas les choses à la légère. La ministre de l'immigration, Kathleen Weil, et celle des relations internationales, Christine St-Pierre, sont montées au créneau fin mars, estimant dans une lettre au ministre fédéral de la citoyenneté et de l'immigration, Chris Alexander, que c'est tout « le rayonnement du Québec à l'étranger » qui est en jeu.

Dans les universités canadiennes, on craint aussi l'effet ricochet de la nouvelle réglementation sur le recrutement d'étudiants étrangers : certains étudiants venus en stage s'inscrivent ensuite en maîtrise ou en doctorat. A l'heure où de nombreuses universités ont des problèmes financiers, et alors que les frais d'inscription des étudiants français ont déjà augmentés, se priver d'une telle manne apparaît périlleux...

08.04.2015, Anne Pélouas

Source : LeMonde

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