lundi 25 novembre 2024 08:28

Les Roms, mobiles par obligation

«Les Roms sont présents dans toute l’Europe, de l’Est à l’Ouest et représentent 10 à 12 millions de personnes. Les dates de leur arrivée attestent d’une dynamique migratoire sur plusieurs siècles : les Roms ont vécu l’Europe avant qu’elle ne se construise à travers des institutions. Leur citoyenneté est ancienne, et pour la plupart ils ne sont pas des "étrangers" là où ils se trouvent. Le nombre de ceux qui sont étrangers, en France de 10 000 à 12 000, rapporté au nombre global des Roms indiqué dans chaque Etat, est marginal.

«Le terme "Roms" utilisé ici désigne les Roms, les Sintés, les Gitans, les Manouches et d’autres groupes apparentés. Il ne doit pas faire oublier cette diversité présente dans tous les Etats. A travers des migrations séculaires ayant l’Inde comme origine, des familles ont traversé les continents, d’où une diversification des pratiques linguistiques et culturelles.

«La façon dont les Roms ont été traités a aussi induit des différences : interdiction de la langue dans les politiques d’assimilation, éclatement des familles lors de longues périodes d’esclavage, d’envoi dans les galères, d’entraves aux regroupements… Pour faire comprendre une organisation sociale forte par-delà les différences, j’emploie l’image d’une mosaïque : chaque élément est original, différent de ses voisins, mais chacun ne peut être compris que par sa place dans un ensemble. Les déterminants sont sociaux et linguistiques, et les frontières psychologiques. Si la solidarité, le partage culturel, une volonté collective de permanence n’avaient pas été assez forts, comment un tel ensemble aurait-il pu exister depuis plus d’un millénaire ? Et ce malgré une dispersion dans le monde et les politiques négatives menées à son égard : expulsions, séparation des familles, extermination sous le régime nazi…

«La plupart des Roms ne sont pas nomades, mais mobiles, et beaucoup le sont par obligation. Au cours de l’histoire, on assiste ainsi à des déportations, ou quand des conflits se produisent, les Roms, souvent pris comme boucs émissaires, doivent partir, un des exemples récents étant le Kosovo. Quand des familles sont expulsées plusieurs fois par mois, elles ne le demandent pas mais doivent s’y adapter. En d’autres termes, les Roms nomades sont peu nombreux, mais tous les Roms ont dû intégrer la mobilité dans leur existence face à un rejet qui reste dominant.

La montée actuelle des discriminations et de la xénophobie, dont les Roms sont les premières cibles en Europe, ne va pas entraîner une stabilisation sereine des familles ; elles seront contraintes de partir, et on les rendra responsables d’une situation dont elles sont les victimes. Les Etats doivent apprendre à gérer la multiculturalité qui se développe.

«L’Europe, dans le contexte de libre circulation qu’elle a institué, doit réfléchir à des mesures structurelles, plutôt que des propositions ponctuelles, économiquement coûteuses et humainement dévastatrices, répondant à une instrumentalisation politicienne.»

Source : Libération.fr

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