vendredi 29 novembre 2024 22:45

Les ventes de livres sur l’islam en forte hausse chez les libraires

Depuis les attentats des 7 et 9 janvier, les librairies constatent un boom des ventes de livres sur l’islam.

Certains souhaitent lire le Coran, d’autres cherchent des ouvrages pédagogiques pour mieux connaître et comprendre cette religion.

Les libraires les aident à se repérer dans l’abondante production éditoriale.

À la librairie Decitre de la place Bellecour, à Lyon, l’actualité dope les ventes de livres sur l’islam. Idem au Hall du livre à Nancy, même si les vendeurs n’ont pas constaté de véritable « raz de marée », ou à La Procure où la tendance se maintient « au-delà » de ce qu’imaginaient les libraires…

« Les premiers jours qui ont suivi les attentats des 7 et 9 janvier, c’est leTraité sur la tolérance de Voltaire, brandi par certains lors des manifestations républicaines, qui s’est arraché. Puis la demande s’est portée vers des ouvrages plus pédagogiques », relate Sylvain, responsable du rayon sciences humaines chez Mollat.

« COMMENCER PAR LA LECTURE DU CORAN, CELA N’A RIEN D’ÉVIDENT »

Comme beaucoup de ses collègues, il a réuni sur une table une partie de l’abondante production éditoriale disponible. Partout, L’Islam pour les nulsde Malcolm Clark et Malek Chebel (First, 2008), L’Islam expliqué aux enfants (et à leurs parents) de Tahar Ben Jelloun (Seuil, 2013) ou encoreLe Coran expliqué aux jeunes de Rachid Benzine (Seuil, 2013) se vendent comme des petits pains. « Certains veulent commencer par la lecture du Coran, mais nous leur expliquons que – comme pour la Bible – cela n’a rien d’évident », poursuit Sylvain.

Dans les librairies La Procure, le texte sacré de l’islam est également très demandé. « Peut-être parce que nous sommes à côté de la Catho et que nous recevons un public habitué à fréquenter les grands textes », relève Christine Lopez à Lyon, capable de se repérer entre les différentes traductions.

Dans la boutique parisienne de cette librairie catholique, les ventes ont en moyenne été « multipliées par quatre » par rapport à l’an dernier, obligeant les vendeurs à fouiller dans leurs réserves pour en ressortir quelques pépites, comme cette Petite introduction à l’islam de Mgr Pierre Claverie, ancien archevêque d’Oran, rééditée par le Cerf en 2010, ouL’Islam tout simplement, de Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre.

L’ISLAM N’EST PAS UNE CARICATURE

Libraire à l’Institut du monde arabe à Paris, Alain Guillemin observe,« depuis quelques années, un questionnement des Français qui ne sont pas de confession musulmane » sur l’islam et les mondes musulmans.« Les publications dans ce secteur ont explosé », souligne-t-il.

Ces dernières semaines, lui aussi a vu défiler entre ses rayonnages ce grand public « désireux de comprendre ce qu’est réellement l’islam », mais également d’autres lecteurs à la recherche d’ouvrages plus pointus, « sur le salafisme » par exemple.

Pour les aider à y voir plus clair, il a choisi de remettre en avant « tous ces musulmans réformistes, comme Mohammed Arkoun, Abdelmajid Charfi, Youssef Seddik ou Abdou Filali-Ansary, qui montrent que l’islam n’est pas cette caricature qu’affiche une infime partie de la communauté », mais aussi le penseur Tariq Ramadan, compagnon de route des Frères musulmans, à ses yeux « voix essentielle pour la réflexion sur l’islam en Europe ».

CERTAINS OUVRAGES JOUENT SUR LA PEUR OU LE SENSATIONNALISME

Conscients de l’inquiétude qui s’exprime en partie dans cette quête, et face à une actualité souvent insoutenable – l’assassinat de 21 coptes en Libye en est le dernier épisode –, les libraires se sentent la responsabilité de guider les lecteurs, et font des choix au moins dans les ouvrages mis en avant.

À l’Institut du monde arabe, la librairie a choisi de ne pas vendre« le dernier Houellebecq » (1), pourtant en tête des ventes en janvier.« Nous avons aussi une demande pour des livres sur l’actualité, que ce soit sur le djihad ou sur l’islamophobie. Nous évitons ceux qui jouent sur la peur ou le sensationnalisme », reconnaît le responsable du rayon sciences humaines chez Mollat.

Sur la table d’exposition de La Procure à Paris ne figurent que des« présentations plutôt neutres » de l’islam, ou « valorisant le dialogue »islamo-chrétien. Certains essais plus critiques, présentant parfois l’islam« comme une hérésie chrétienne » et qui se sont eux aussi « très bien vendus » depuis les attentats, sont disponibles, mais en rayon.

DES OUVRAGES CRITIQUES ÉCRITS PAR DES MUSULMANS

« On met aussi en avant des ouvrages critiques mais plutôt des musulmans eux-mêmes, qui prônent une nouvelle exégèse des textes », précise Carole, responsable du rayon islam qui, le matin même, a recommandé La Maladie de l’islam d’Abdelwahab Meddeb (Seuil, 2002) à« une dame qui voulait comprendre l’islamisme ».

Pour la Fête du livre de Bron, qui s’achevait hier et portait sur un thème fort opportun – « Qu’est-ce qu’on a en commun ? » –, Christine Lopez s’était lancé « un défi » : « Apporter de la matière à un public assoiffé de nouveaux auteurs et lui donner envie d’avancer vers un dialogue », explique la libraire lyonnaise.

Son stand a donc réuni ces intellectuels musulmans réformistes – « même s’ils sont minoritaires ! » –, ainsi que le P. Christian Delorme, le P. François Boespflug (2) ou encore Samuel Grzybowski et ses Chroniques d’un tour du monde interreligieux (3).

Des journées d’études pour approfondir

Le diocèse d’Évry organise, samedi 14 mars, à Savigny-sur-Orge, une journée de réflexion théologique sur le thème : « Dieu peut-il être auteur de la Bible et du Coran ? » L’intervenant principal sera le P. Henri de La Hougue, ancien directeur de l’Institut de science et de théologie des religions à l’Institut catholique de Paris.

De son côté, le Centre d’études des cultures et des religions de l’Université catholique de Lyon propose, vendredi 20 mars, une journée d’études sur « le fondamentalisme islamique ». Présentée par Michel Younès, son directeur, elle fera intervenir, entre autres, les chercheurs Samir Amghar et Haoues Seniguer, et les P. Maurice Borrmans et Emmanuel Pisani.

8/3/15 , Anne-Bénédicte Hoffner

Source : La Croix

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