mercredi 27 novembre 2024 07:39

Les violences de Cologne révèlent la face cachée de l’immigration allemande

Haro sur les réfugiés. Les agressions commises par des étrangers contre plus de 560 femmes la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne ont provoqué une véritable panique au sein du gouvernement allemand.

Craignant que la population ne se retourne aussi brutalement contre les réfugiés qu’elle ne s’était montrée accueillante à leur égard quelques mois plus tôt, les dirigeants politiques chrétiens-démocrates (CDU) et sociaux-démocrates (SPD) rivalisent d’initiatives pour prouver qu’ils maîtrisent la situation. Angela Merkel qui, le 31 décembre, expliquait dans ses vœux (disponibles avec des sous-titres en arabe sur le site de la chaîne publique ZDF) que les réfugiés constituaient « une chance pour demain » a approuvé dès le 9 janvier une résolution qui exclut du droit d’asile toute personne condamnée à une simple peine de prison avec sursis.

Actuellement seules les personnes condamnées à au moins trois ans de prison ferme voient leur demande d’asile systématiquement rejetée. De son côté, le parti social-démocrate propose que l’État puisse imposer aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié l’endroit où elles doivent habiter. Et ce, au mépris des conventions internationales sur le sujet.

Un emballement qui cache mal une certaine impuissance. Ce que veulent une grande majorité d’Allemands, c’est que les flux de réfugiés syriens ralentissent pour permettre à ceux qui sont sur place de s’intégrer dans de bonnes conditions. Volontairement ou non, les chrétiens-sociaux (CSU) bavarois ont tendu un piège redoutable à Angela Merkel. Sous leur pression, celle-ci a dû s’engager à réduire le nombre de réfugiés se trouvant en Allemagne. Certes aucun chiffre n’est avancé et la chancelière s’est bien gardée de fixer une échéance. Néanmoins, dans l’esprit des électeurs, les choses sont claires : si, en 2016, l’Allemagne continue de recevoir environ entre 3 000 et 4 000 réfugiés par jour, soit à nouveau environ un million sur l’année, Angela Merkel apparaîtra comme une chancelière incapable de gérer ce dossier qu’elle incarne aux yeux de l’Europe entière.

19 personnes arrêtées

Pourtant, que s’est-il passé exactement à Cologne ? Mardi 12 janvier, les autorités ont indiqué que 561 plaintes avaient été déposées par des femmes victimes de violences voire de viols. Dix-neuf personnes ont été arrêtées et une trentaine identifiées. Une grande majorité des agresseurs supposés proviennent d’Afrique du Nord, essentiellement du Maroc mais également d’Algérie. Des ressortissants de pays considérés comme sûrs et qui n’ont quasiment aucune chance d’être admis en Allemagne. Quatre suspects seraient syriens, aucun ne serait afghan.

Alors que l’opprobre est jeté sur les réfugiés généralement syriens ou afghans, les violences de Cologne montrent à l’Allemagne une réalité qu’elle ne veut pas voir. Ce pays abrite de très nombreux sans-papiers ou des personnes vivant sous plusieurs identités, comme l’auteur de l’attaque contre un commissariat de la Goutte d’Or à Paris le 7 janvier enregistré en Allemagne sous sept identités et plusieurs nationalités différentes. « Contrairement à la France qui reconnaît ce phénomène de sans-papiers et en débat depuis plusieurs années, ce thème est tabou en Allemagne. Convaincus de l’efficacité de leur administration, les Allemands font mine de croire que les déboutés du droit d’asile rentrent chez eux. Mais en fait, soit ils ne repartent pas, soit ils reviennent » constate la députée verte Franziska Brantner, spécialiste des questions européennes.

Ces sans-papiers qui seraient entre 300 000 et 400 000 en Allemagne – des chiffres comparables à ceux avancés en France – sont les grands absents du débat public, sans doute parce que leur présence témoigne de dysfonctionnements de l’administration publique. Or une partie de ces sans-papiers sont bel et bien organisés. S’il ne semble pas que les attaques du 31 décembre aient été réellement planifiées dans le but de traumatiser l’Allemagne, un certain nombre d’entre elles ont été coordonnées en temps réel par le biais de réseaux sociaux. Début janvier, la police de Rhénanie-du-Nord a reconnu enquêter sur des réseaux mafieux marocains. Dans d’autres régions d’Allemagne, la police évoque à mots couverts une coopération entre trois réseaux mafieux : les Marocains, les Ghanéens et les Gambiens. Souvent, les familles envoient un fils en Allemagne. A charge pour celui-ci de trouver par des moyens, légaux ou non, l’argent nécessaire pour que les autres membres de la famille puissent payer des passeurs et, à leur tour, tenter leur chance en Allemagne.

Si ces violences de la Saint-Sylvestre ont à ce point choqué les Allemands, c’est également parce qu’elles leur font prendre conscience des mauvais côtés de la mondialisation. Jusqu’à présent, celle-ci se limitait à exporter des biens industriels dans le monde entier, à engranger des excédents commerciaux et pour ceux qui ont la chance de travailler dans une des entreprises concernées, de toucher des primes de plusieurs milliers d’euros en fin d’année, même en bas de l’échelle sociale. De quoi partir en vacances au soleil. Si la guerre dans les Balkans il y a une vingtaine d’années avait déjà provoqué une vague massive d’immigration, celle-ci était surtout perçue comme un phénomène régional. Les Balkans sont en Europe. Avec la Syrie, les Allemands découvrent que « tout conflit quelque part dans le monde peut devenir notre conflit », à nous Européens, résume désormais Angela Merkel. Une démonstration qu’est venu tragiquement confirmer l’attentat commis à Istanbul le 12 janvier dont la plupart des victimes sont des touristes allemands.

13.01.2016 , Frédéric Lemaître

Source : Le Monde

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