vendredi 29 novembre 2024 05:33

Les violences xénophobes du parti néo-nazi grec se développent dans l'indifférence générale

Depuis 2008, la Grèce ne pouvant plus supporter le poids de sa dette se voit imposer plusieurs plans d'austérité, qui détruisent l'État social (baisse du salaire minimum, baisse des retraites, gel des salaires dans le secteur public, etc). Cependant la situation économique ne s'améliore pas et même se détériore. Ainsi, une grande misère sociale se développe, la Commission Européenne souligne en 2012 que 68% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, le taux de chômage atteint 25,1% de la population active en juillet 2012 (contre 17,8% en 2011).

En même temps la Grèce connaît une instabilité politique. Les élections législatives de juin 2012 voient la victoire de la droite avec le parti Nouvelle Démocratie qui compose un gouvernement avec les sociaux-démocrates du Pasok.

Aux élections législatives de juin 2012, le parti néo-nazi Aube Dorée obtient 7% des voix et remporte ainsi 18 sièges (sur 300). Alors qu'auparavant, cette formation politique n'avait jamais remporté plus de 0,29% aux élections et était donc absent du parlement.

Fondement idéologique

Cette formation politique d'extrême-droite est née dans les années 1980 autour de la formation de la revue du même nom Aube Dorée. Ne cachant pas sa sympathie pour le nazisme, la croix gammée est présente sur la revue. Pappas, actuel député d'Aube Dorée, écrit en 1983 dans cette revue : « Le Führer du Reich allemand, ce visionnaire de la nouvelle Europe, et Eva Braun, se suicideront à 15 h 30 le 30 avril 1945. Le même jour, le 30 avril et 38 ans plus tard, nous, les Grecs nationaux-socialistes, serons au garde-à-vous pour saluer avec le Salut Éternel et nous observerons une minute de silence. S’embrase dans nos cœurs la foi dans les paroles de Hitler : "les prochaines générations me rendront justice". S’embrase dans nos cœurs la confiance en la Victoire. La Victoire sera nôtre. Une Victoire qui marquera la cosmogonie nationale-socialiste et l’anéantissement de l’empoisonneur de tous les peuples : le judaïsme international. ». L'idéologie d'Aube Dorée est clairement affichée.

Intensification et planification des violences

Cette formation politique néo-nazie se caractérise par une violence non dissimulée. Comme le montre l'acte violent du porte parole et député d'Aube Dorée frappant sa collègue communiste sur un plateau télé.

Mais depuis plusieurs mois, le nombre d'agressions xénophobe se multiplie en Grèce. Un réseau de 23 associations en a comptabilisé 87 depuis janvier 20121, selon ce réseau la présence de membres d'Aube Dorée dans ces agressions a été constatée. Ce réseau, présent uniquement dans les grandes villes, parle d'une nombre bien plus important d'agressions mais difficile à comptabiliser du fait la peur des victimes à témoigner.

Parmi ces multiples agressions xénophobes, on peut citer l'assassinat au couteau par 5 personnes d'un jeune iranien de 19 ans sortant d'une mosquée le 12 août dernier à Athènes2. L'attaque nocturne de cinq pêcheurs égyptiens par 20 personnes. Une des victimes souffre d'une double fracture de l’os maxillaire inférieur et nasal. Ou encore l'attaque d'un cuisinais albanais en août dernier. Autre exemple, Marie Laure Veilhan (française vivant dans le nord du Péloponèse depuis 20 ans) témoigne sur France Inter3 de ces attaques : « il y a eu des attaques à Patras […], il y a eu des tabassages, il y a eu un meurtre, il y a un tunisien qui s'est fait attaqué à coup de couteau, il y a des attaques répétées » elle attribue ces attaques à des « bataillons d'assaut » d'Aube Dorée. La liste est longue. Mais dans toutes ces attaques, la présence des membres d'Aube Dorée est dénoncée. Dans une publication4 de juin 2012, Human Right Watch juge qu' « un nombre incalculable d'attaques ne sont jamais médiatisées ». Ces attaques visant toujours des individus jugés comme immigrés.

Mais ces attaques se sont étendues à d'autre groupes sociaux, en effet des tracts ont été distribués dans les clubs du quartier gay d'Athènes avec pour message : « Vous êtes les prochains, après les immigrés ». Ces violences s'étendraient donc aujourd'hui aux homosexuels mais également aux personnes handicapées5. Les agresseurs sont des groupes d'hommes (jusqu'à une vingtaine d'individus), se déplaçant souvent à moto, armés de batte de base-ball ou de couteau.

Ces attaques organisées se déroulaient au départ la nuit, mais ces agresseurs commencent maintenant à attaquer le jour. Ceci montre la relative tranquillité que ressentent les agresseurs, qui ne se sentent même plus obligé d'opérer la nuit.

Sympathisants d'Aube Dorée dans la police grecque?

En effet, les agresseurs de ces faits sont rarement inquiétés par les forces de l'ordre. D'une part, car les immigrés victimes des agressions ne déposent pas toujours plainte par peur de se faire arrêter. Le gouvernement s'est effectivement engagé à lutter contre l'immigration avec un discours aux relents xénophobes : le ministre (de droite) de l'Ordre public, Nikos Dendias considère l'immigration comme une "invasion". D'autre part, Aube Dorée est très populaire chez les policiers, l'hebdomadaire To Vima a réalisé une enquête6 auprès des bureaux de vote proches des casernes de policier, selon les conclusions de cette enquête plus de la moitié des policiers auraient voté pour Aube Dorée aux élections législatives de juin 2012. Ainsi venir protester contre ces agressions auprès des principaux sympathisants paraît dangereux pour plusieurs victimes.

Un journaliste témoigne de cette connivence entre la police grecque et le parti néo-nazi, les faits relatés se passent devant un théâtre où est jouée la pièce de l'américain Terrence McNally, Corpus Christi mettant en scène le Christ et des apôtres homosexuels. Accompagnés de fondamentalistes orthodoxes, des militants et quatre députés d'Aube Dorée sont présents et protestent violemment contre la tenue de cette pièce : « Devant l’entrée de la salle, il y avait des prêtres et des membres de l’Aube Dorée qui déchiraient les affiches du spectacle et les piétinaient. J’ai sorti mon téléphone portable pour prendre des photos pour le blog. Cinq membres de l’Aube Dorée et un policier m’ont encerclé. Ils m’ont tiré sur le côté, m’ont insulté, m’ont tiré la barbe, craché au visage, et m’ont frappé à l’estomac. Ils m’ont demandé : « Êtes-vous un journaliste? » J’ai répondu « J’écris pour lifo », dans l’espoir d’échapper à un passage à tabac. Le contraire est arrivé. Il y avait des flics à proximité. Je leur ai crié « Ils me battent, faites quelque chose ! » Réponse: « Je n’ai rien, déplacez vous sur le côté s’il vous plaît »[...] J’ai commencé à avoir peur et je me suis éloigné de l’entrée. Ils m’ont crié « Va-t’en, sale pédé, va sucer la bite de quelqu’un d’autre ! » Je me suis retourné pour observer. Un député connu de l’Aube Dorée me suivait. Il m’a frappé deux fois au visage et m’a fait tomber. [...] Le député de l’Aube Dorée me donne des coups de pieds. Des policiers sont exactement à deux pas de là. Ils ont le dos tourné. A plusieurs reprises, j’ai crié aux flic « ils me tabassent, faites quelque chose ! » Ils restent le dos tourné et s’éloignent. »7. Ce journaliste n'a pas porté plainte, par peur de divulguer ses informations personnelles, qui pourraient se retrouver directement dans les mains d'Aube Dorée.Mediapart rapporte les paroles d'un député d'Aube Dorée à cette manifestation contre la tenue de cette pièce mise en scène par un greco-albanais : « Sales pédés, vous allez y passer, vous comprenez ? C'est fini pour les pédés. Allez, les enculés... Connards d'acteurs. Regarde-moi espèce de pute, ton heure viendra. Oui, oui, filme-moi, mais ton heure viendra (...) Trous du cul d'Albanais baisés. ».

Manque de critique dans la médiatisation d'Aube Dorée

Aujourd'hui, Aube Dorée est crédité de 10 à 15% d'intentions de vote. Une des raisons de ce succès est son image de parti « social », organisant des distributions de nourriture pour les citoyens grecs, des « banques de sang » pour les grecs, tout cela relayé massivement par les médias nationaux. Dimitris Psarras, journaliste spécialiste de l'extrême droite grecque, révèle que ces événements ont lieu uniquement quand les médias invités sont présents. Dimitris Pasrras explique ce manque d'esprit critique des médias grecs, par le fait que « parler d'Aube Dorée dans une émission de télévision, c'est de l'audimat assuré ». Ainsi, la majorité des médias grecs traite Aube Dorée comme un parti classique, invitant ses dirigeants sur les plateaux télé. Même des journaux français comme le Monde ne s'interroge pas sur la véracité de ces actions sociales en écrivant : « Sur le terrain, les militants d'Aube dorée ont tissé des réseaux d'aide aux habitants »8.

Le gouvernement grec est passif face à cette montée de la violence raciste, il reste occupé à remettre les comptes publics à l'équilibre. Anecdote qui illustre cette passivité : Eléni Zaroulia, député d'Aube Dorée et épouse du dirigeant de ce parti, a été nommée début octobre pour représenter le parlement grec auprès d'un comité anti-discrimination du Conseil de l'Europe. Cette même personne, a parlé des immigrés dans les termes suivants : « sous-hommes qui ont envahi notre patrie, avec toutes les maladies qu'ils trimballent ». Face à cela, le gouvernement reste passif et ne fait que rappeler son désaccord avec la ligne politique d'Aube Dorée.

04 novembre 2012, Justin Delepine

Source : Médiapart

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