mardi 26 novembre 2024 01:58

Maroc - Conjoncture : premier trimestre 2010, 4,6% de croissance mais une reprise très fragile

La croissance hors agriculture et phosphates en hausse de 3,5%.

Des signes d'accélération en mars, mais des exportations des produits stratégiques en berne et une consommation intérieure affaiblie.
Le BTP et le tourisme amorcent la reprise.

Finalement, et après un démarrage très morose en janvier et un mois de février quelque peu affecté par les conditions climatiques, l’économie a tiré son épingle du jeu en affichant un taux de croissance global de 4,6%, selon l’estimation établie par le HCP. Des chiffres corroborés qualitativement par les déclarations des chefs d’entreprise sondés à la fois par l’enquête de conjoncture de Bank Al Maghrib du premier trimestre 2010, ou le baromètre de conjoncture des entreprises marocaines réalisé par la CGEM. Les chefs d’entreprises expriment un relatif optimisme, disent percevoir les signes de la reprise, quand bien même celle-ci serait encore fragile. Les intempéries de février en particulier ont en effet quelque peu ralenti la dynamique apparue déjà au cours des derniers mois de 2009, mais désormais l’amélioration est bien nette, quoique très fragile. Elle est en ligne avec la reprise du commerce mondial qui a favorisé le redressement de la demande étrangère adressée à l’économie marocaine, et qui connaît également son lot d’incertitudes.

En entrant dans les détails de cette progression de 4,6%, l’on se rend compte que l’accroissement de la valeur ajoutée hors agriculture et hors phosphate est de 3,5%. Une relative bonne nouvelle, l’agriculture comme les phosphates étant des secteurs qui fluctuent trop fortement ; l’un dépendant de la clémence du ciel, l’autre de la conjoncture internationale, c’est la croissance sous-jacente qui renseigne sur le degré de dynamisme de l’économie.

Sachant que le secteur primaire (agriculture, forêt et pêche) dégagerait en 2010 une valeur ajoutée en baisse de 5,3%, en raison d’une campagne céréalière de moindre importance (80 millions de quintaux, selon les dernières prévisions, contre 102 en 2008/2009), la croissance en 2010 serait donc portée par les activités non-agricoles. Et si les prévisions de reprise venaient à se confirmer, l’année 2010 pourrait bien s’achever sur une croissance hors agriculture de 5,9 %, si l’on considère que le mois de février a connu un ralentissement pour plusieurs secteurs.

En attendant, qu’est-ce qui a contribué à ce taux de croissance ? Notons d’emblée l’amélioration du commerce mondial qui a notablement crû de 5,2% au dernier trimestre de 2009 (en variation trimestrielle), générant une hausse de la demande adressée à l’économie marocaine estimée à 4,2%. Au premier trimestre 2010, cette variation de demande connaît une certaine décélération par rapport au trimestre précédent, mais elle reste positive : +2,7%.

Les exportations tirées par les phosphates

Cette dynamique se vérifie à travers le comportement des exportations de biens et services qui ont augmenté de 6,5 % à fin mars 2010 par rapport à la même période de 2009. C’est encore insuffisant bien sûr, mais il faut se rappeler qu’au dernier trimestre de 2009, les exportations de biens avaient carrément baissé (- 10,1 % en variation trimestrielle). Pour ce premier trimestre 2010, les exportations de biens, à elles seules, ont progressé de 9,3%, tirées il est vrai par les phosphates et dérivés, essentiellement. Celles de services, elles, ont augmenté globalement de 2,9%, mais ce qui est intéressant est que la composante principale des services, c’est-à-dire le tourisme, continue sa reprise amorcée au quatrième trimestre de 2009. Au premier trimestre de cette année en effet, les recettes de voyages ont augmenté de 12,7% à 10,3 milliards de DH. L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoit d’ailleurs pour 2010 une hausse comprise entre 3% et 4% des arrivées internationales. Le Maroc a fait mieux avec une progression de 13%.

Toujours au chapitre des échanges extérieurs, les envois des Marocains résidents à l’étranger (MRE) ont marqué une progression de 13,6% à près de 12 milliards de DH. Majoritairement établis dans la zone euro, les MRE pourraient néanmoins pâtir de la faiblesse de la reprise dans cette partie du monde «exposée à bien des risques», comme le note la Commission européenne dans son rapport publié fin mars 2010. On l’aura compris, l’un de ces risques qui sont de nature à peser sur la demande et, in fine, sur la croissance, c’est bien sûr le chômage qui culmine à 10% au premier trimestre. Dans pareille situation, les MRE comme les autres citoyens des pays d’accueil ont tendance à épargner, en prévision des jours difficiles. Les plans de relance budgétaires mis en place pour contrer les effets de crise arrivant maintenant à terme, c’est l’inquiétude sur la suite qui règne en Europe.

Quoi qu’il en soit, au plan interne, cette légère reprise des exportations a permis à l’économie marocaine, en particulier à certains secteurs tournés à l’export, d’enclencher une dynamique favorable. C’est le cas notamment des activités minières qui semblent en avoir fini avec le ralentissement conjoncturel observé depuis le deuxième trimestre 2008. Depuis le quatrième trimestre 2009 où le secteur avait enregistré une progression de la valeur ajoutée de 24,4%, la production du phosphate brut se renforce, appuyée, il faut le dire, par la demande émanant également des industries locales de transformations. Pour le reste, le Maroc reste encore handicapé par des progressions négatives concernant des produits stratégiques comme les fruits et légumes, le textile et l’électronique.

Poste et télécoms en petite forme

Plus globalement, l’activité industrielle, hors raffinage de pétrole, qui a marqué une certaine vigueur au dernier trimestre de 2009 affichant une progression de 4%, continue de s’améliorer -à un rythme certes modéré- au premier trimestre 2010 (+ 1,9 %). Le BTP, quant à lui, a sérieusement pâti des fortes précipitations qui ont marqué le début de l’année 2010 : arrêt de chantiers, diminution des heures de travail…Ceci intervenant après une augmentation de la valeur ajoutée du secteur au quatrième trimestre de 2009 de 1,5 %. Les difficultés conjoncturelles du secteur (les intempéries notamment) se reflètent en tout cas dans les ventes de ciment :

- 2,1% au premier trimestre par rapport à la même période de 2009. Notons tout de même que les ventes au mois de mars 2010 sont en hausse de 27 % par rapport au mois précédent, celui de février ; ce qui augure d’une relance pour les mois à venir, confirmée par l’existence même d’une pénurie temporaire de ciment à la mi-avril (voir article en page 14). Signe d’une certaine confiance dans la reprise, les crédits immobiliers affichent des évolutions positives, atteignant à fin mars une progression de 3,3 % pour les particuliers et 1,5 % pour les promoteurs, le tout, par rapport à fin décembre 2009.
Dans le secteur tertiaire, en revanche, la poste et les télécommunications semblent avoir rompu avec la croissance exceptionnelle des années 2006/2007. Depuis fin 2008, le taux de progression de la valeur ajoutée du secteur ne cesse de baisser. Il n’a varié que de 0,2 % au premier trimestre 2010, contre 0,3 % au quatrième trimestre 2009 et même 2 % au début de 2009…

A côté de cela, il faut noter que l’activité économique du Maroc reste davantage soutenue par la demande interne (qui constitue 60% du PIB) que par la demande étrangère. Par conséquent, le niveau de croissance estimé pour le premier trimestre 2010, reflète surtout le niveau de cette demande interne, hormis le cas des phosphates. Mais dans cette variable, la composante investissement paraît cette fois la plus importante. En 2009, la formation brute du capital fixe (FBCF, l’agrégat qui mesure l’investissement), n’avait varié que de 2,5 %. Elle devrait «sensiblement s’améliorer en 2010», estime le HCP, même si son dynamique est quelque peu freiné au cours de ce premier trimestre de l’année, en raison notamment des difficultés que connaît l’activité du bâtiment, déjà évoquées. Pour l’ensemble d’exercice 2010, la FBCF devrait augmenter de 8,3 %, selon les prévisions du HCP établies au début de l’année. Sauf que ces prévisions tablent, entre autres, sur une reprise des investissements étrangers (après deux années de recul) qui tarde à se manifester (voir encadré).

Ce n’est pas tout à fait le cas pour la consommation des ménages. Celle-ci devrait pâtir de la baisse des activités agricoles, donc des revenus des ménages ruraux en particulier. A cela, il faut sans doute ajouter la hausse de l’inflation au premier trimestre 2010 (+ 0,2 %), après une baisse (- 0,5 %) le trimestre précédent. En cause, la hausse du prix des produits alimentaires, notamment les fruits et légumes frais. Au total, la consommation des ménages, même si elle paraît évoluer moins vigoureusement qu’en 2008 par exemple (+ 9,4 %), devrait retrouver, au terme de l’exercice 2010, le niveau de 2009 (+ 5,2 %). Dans tous les cas, le frémissement est perceptible depuis le mois de mars, mais la reprise reste très contrastée. Il faudra sans doute attendre la fin du mois de juin pour en mesurer l’éventuelle solidité.

Source : La Vie eco

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