mercredi 27 novembre 2024 01:38

Menaces contre le droit du sol.

"La carte d'identité, elle n'est souvent que la carte bancaire, voire la carte Vitale pour certains", vient de déclarer le député Lionnel Luca (Droite populaire/UMP)

« La carte nationale d'identité n'est pas la Carte Orange », écrivait Jean-Marie Le Pen, qui siégeait à l''Assemblée Nationale entre 1986 et 1988, dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi n° 82 « tendant à modifier le code de la nationalité française ».

L'UMP s'est prononcée, jeudi 10 novembre, pour un retour à la loi Pasqua de 1993 sur l'acquisition de la nationalité. Le parti majoritaire entend aussi mener, lors de la campagne présidentielle, une "bagarre sans concession" contre le projet du PS d'accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires pour les élections locales.

Actuellement, en vertu du droit du sol, - et de la loi Guigou de 1998 réformant la loi Pasqua de 1993 - tout enfant né en France de parents étrangers en séjour régulier devient, sauf refus de sa part, automatiquement français à sa majorité s'il vit en France ou a vécu en France pendant cinq ans depuis ses 11 ans. Désormais, il devrait, à 18 ans, "en faire la demande" écrite.

La proposition avait été initiée dès l'an dernier par la Droite populaire, qui a obtenu la tenue de cette rencontre baptisée « atelier », organisée par l'UMP. La réunion a été marquée par une protestation de Jeannette Bougrab. En "fille de harki", la secrétaire d'Etat à la jeunesse s'est élevée, contre "certains mots qui blessent". Elle visait l'historien Dimitri Casali et Malika Sorel-Sutter, connus pour leur hostilité aux personnes d'origine musulmane, orateurs invités de cette réunion, qui ont dénoncé une ghettoïsation des immigrés plus "voulue" que "subie".

Arno Klarsfeld, président de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a du lui aussi mettre en garde contre le risque de "faire des jeunes qui ont toutes leurs attaches en France des CDD de la nationalité française".

L'UMP, sous la houlette de Copé et de la Droite Populaire, veut-elle relancer la guerre du Code de nationalité et tenter de remettre en cause le "droit du sol", dont bénéficient chaque année 30 000 jeunes nés ici de parents étrangers ?

C'est ce que suggérait déjà le contenu du fameux discours de Sarkozy à Grenoble le 30 juillet 2010 sur les « déchéances de nationalité » et ce passage ; « ... Il est quand même invraisemblable que des jeunes gens de la deuxième, voire de la troisième génération, se sentent moins Français que leurs parents ou leurs grands-parents ... ».

L'insistance personnalisée sur ce terme infamant de « déchéance » laissait alors penser que Sarkozy s'apprêtait à reprendre le « chantier » emblématique du code de nationalité entamé en son temps par son maître Pasqua et sur lequel celui-ci dû reculer dans des circonstances particulières.

Ce faisant, Sarkozy, Copé et la Droite Populaire recycleront -une fois de plus- les théories du Front National, installées dans la panoplie de la droite dans les années 1980, par l'intermédiaire du Club de l'Horloge.

Ce club, qui se positionnait comme une passerelle idéologique entre le FN et la droite, écrivait dès 1984 : « Aujourd'hui le code de la nationalité est une machine à fabriquer des "Français de papier", qui n'ont ni assimilé notre culture ni affirmé leur attachement à la patrie. Pour maintenir notre identité nationale, il est urgent de réformer cette législation. Le Club de l'Horloge, qui a lancé ce débat dans l'opinion, décrit ici la réforme qu'il faudra réaliser tôt ou tard... »

La mise en pratique de ces théories fut concrétisée par Chirac et Pasqua, en 1986, lors du retour de la droite aux affaires.

Elle fut symbolisée par la tentative de supprimer le traditionnel droit du sol et le droit à la nationalité française pour les enfants nés en France et issus de parents étrangers. "Être Français, ça se mérite" disait déjà Pasqua. Dans cette bataille du code de nationalité, le gouvernement Chirac-Pasqua, qui pensait remporter une victoire décisive, fut contraint de reculer fin 1986, en raison des grandes mobilisations étudiantes contre la loi Devaquet et les « facs-Tapie ». L'épisode tragique de la mort du jeune Malik Oussekine, battu à mort par la police le 6 décembre de cette même année symbolisa la violence contenue dans les projets gouvernementaux .

En 1993, la droite reprit son offensive et imposa notamment une "déclaration de volonté" des jeunes nés de parents étrangers; l'absence de cette déclaration avant 18 ans supprimait leur accession automatique à la nationalité.

La remise en cause du code de nationalité est dans notre pays, un marqueur historique de la convergence-concurrence de la droite avec le Front National. Elle est aussi au cœur de l'obsession de l' « envahissement », distillée depuis des décennies.

En effet, la droite entretient depuis 30 ans des rapports ambigus avec le FN, depuis que l'UMP de l'époque s'est alliée avec le Front National lors de l'élection municipale de Dreux en Septembre 1983. Depuis le début de sa carrière politique, Sarkozy applique le principe de son inspirateur, Pasqua. Celui-ci a résumé sa doctrine, à la veille de la présidentielle de 1988, dans le magazine Valeurs actuelles du 2 mai 1988: « Sur l'essentiel, le Front national se réclame des mêmes préoccupations, des mêmes valeurs que la majorité »

Mais au-delà du calcul électoral, le jeu avec le FN sert de paravent à une entreprise plus profonde et plus dangereuse, car venant du cœur du système de domination politique. L'enjeu stratégique porté par Sarkozy inclut toujours l'unification de la droite autour du thème de la défense de l'« identité nationale » menacée, thème récurrent et éternel de la droite nationaliste dans notre pays.

C'est la reprise du cri traditionnel de la droite nationaliste des années 1930 : Dehors les métèques !

Juifs dans les années 30, Musulmans et Roms aujourd'hui, pour eux, il s'agit toujours de désigner un ennemi national contre lequel se rassembler.

13/11/2011, Albert Herszkowicz

Source : Médiapart

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