vendredi 29 novembre 2024 09:43

Migrants: la "forteresse Europe" veut montrer ses muscles face aux passeurs

Acculée par un nouveau drame de l'immigration en Méditerranée, l'Union européenne envisage une opération militaire contre les passeurs, au risque de renforcer l'image d'une forteresse imprenable, mais cette réponse musclée va être difficile à mettre en oeuvre.

Après un naufrage qui a fait plus de 700 morts au large des côtes libyennes dimanche, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE ont promis jeudi de "lutter contre les trafiquants", lors d'un sommet extraordinaire à Bruxelles.

Ils se sont engagés à "démanteler les réseaux de trafiquants, traduire les responsables en justice et saisir leurs biens", mais aussi à "entreprendre des efforts systématiques en vue d'identifier, de capturer et de détruire les embarcations avant qu'elles ne soient utilisées", notamment en Libye.

Si elle voyait le jour, une telle opération militaire pour combattre l'immigration illégale serait une première.
Mais "une +forteresse Europe+ n'empêchera jamais les gens de risquer leur vie pour entrer en Europe si on ne s'attaque pas aux causes du problème", s'est insurgée l'ONG Caritas à l'unisson de dizaines d'autres. Ces mesures "sont une déclaration de guerre inacceptable aux migrants et réfugiés. Cette approche répressive poussera juste des gens désespérés à prendre encore plus de risques", a-t-elle mis en garde.

Le service diplomatique de l'UE, et notamment son comité militaire, devraient faire des propositions dès la semaine prochaine. Mais "ce n'est pas simple à monter", prévient une source européenne. "Il y a une volonté de frapper fort, mais il faudra mettre tout ça en musique."

"Ce n'est pas une mince affaire que d'aller +shooter+ des bateaux dans les ports libyens", a poursuivi cette source.

L'UE va-t-elle utiliser des drones pour repérer les navires puis les détruire? "Je n'y crois pas du tout", commente l'eurodéputé Arnaud Danjean, spécialiste des questions de défense. "On va très vite tomber sur des limites juridiques et opérationnelles. Identifier, au milieu de 200 bateaux amarrés dans un port libyen, celui qui va embarquer des migrants demande une grande qualité de renseignement, avec des gens à terre, pas juste des drones", explique-t-il.

 Sueurs froides

D'autres options sont envisagées, comme des opérations commando --la mission navale européenne Atalante a ainsi détruit, en mai 2012, le dépôt logistique d'un groupe de pirates sur la côte somalienne-- ou encore un blocus des ports libyens.

Mais il faudra avant tout régler le "vide juridique", prévient M. Danjean. L'UE veut un mandat international avant d'agir dans les eaux territoriales libyennes. La France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne vont demander une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.

La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, profitera d'un voyage à New York la semaine prochaine pour "rencontrer des acteur clés" des Nations unies à ce propos.

Reste que "si on colmate quelque part, les migrants vont trouver d'autres couloirs. Ca ne résout rien fondamentalement", estime une source militaire.

Elle souligne que l'implantation du groupe Etat islamique (EI) en Libye donne des sueurs froides aux état-majors. "Ils vont être ravis de voir des militaires européens venir à eux, c'est potentiellement des cibles faciles."

Dans l'immédiat, l'UE a décidé de renforcer son opération Triton de surveillance et de sauvetage en mer. Elle veut aussi durcir la lutte contre l'immigration. Frontex va lancer un nouveau programme de retour rapide pour les illégaux. L'Union entend également augmenter son soutien à des pays de transit comme l'Egypte, le Soudan, la Tunisie, le Mali ou le Niger, afin de mieux contrôler leurs frontières et les routes empruntées par les clandestins.

Mais elle refuse de montrer la moindre générosité. Ses dirigeants n'ont même pas accepté de chiffrer le nombre de bénéficiaires d'un projet pilote de réinstallation de personnes ayant obtenu le statut de réfugié, destiné aux Syriens.

"Les pays pauvres portent le fardeau inique de millions de réfugiés fuyant le guerre, l'insécurité, la pauvreté et les inégalités. L'Europe ne prend pas sa part", a dénoncé Oxfam.

Alix RIJCKAERT

24 avr. 2015

Source : AFP

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