dimanche 24 novembre 2024 22:31

Migrants : un an après les bras ouverts de Merkel, l’Europe reste divisée

Il y a un an, dans une Europe ébranlée, l'Allemagne décidait seule d'ouvrir ses portes aux Syriens. Depuis, l'UE a trouvé un consensus autour du verrouillage de ses confins, mais elle reste profondément divisée sur la question de l'accueil des réfugiés.

"L'Europe est dans une situation qui n'est pas digne de l'Europe", expliquait Angela Merkel à la fin de l'été 2015 pour justifier son choix de ne plus renvoyer les demandeurs d'asile syriens fuyant la guerre vers leur pays d'entrée dans l'UE, comme le veut la règle.

Accusée par certains d'avoir créé "un appel d'air" et fragilisé l'espace Schengen de libre circulation, applaudie par d'autres pour avoir pris la mesure du drame humain des réfugiés, la chancelière "avait peu de choix", estime Stefan Lehne, expert à la fondation Carnegie Europe.

"A ce moment, les Etats membres de l'UE étaient complètement divisés" et "une situation de chaos" se profilait, poursuit-il, relevant que la chancelière a "ensuite modifié sa politique dans un sens beaucoup plus restrictif, mais sans changer son discours".

Après des mois de déchirements, les pays de l'UE ont finalement réussi à trouver, à partir de fin 2015, un "nouveau consensus pour réduire drastiquement le nombre d'arrivées" de migrants, qui a "restauré la capacité de l'UE à bâtir une action commune", selon M. Lehne.

Cette convergence s'est traduite par l'adoption en un temps record d'un nouveau corps européen pour protéger les frontières extérieures de l'UE. Il devrait être opérationnel d'ici fin 2016 et pourra envoyer jusqu'à 1.500 gardes-frontières en quelques jours dans un pays débordé.

Elle a aussi permis la fermeture de la route des Balkans et la conclusion d'un accord migratoire controversé avec la Turquie, suivies à partir du printemps 2016 d'une chute massive du nombre d'arrivées en Grèce par la mer Egée.

Après les plus de 850.000 traversées depuis la Turquie en 2015, et les quelque 1.700 arrivées quotidiennes juste avant le pacte du 18 mars avec Ankara, les chiffres sont passés à quelques dizaines par jour dans les semaines suivantes.

L'UE se tourne désormais vers l'Afrique, dont les côtes sont redevenues le principal axe de passage clandestin vers l'Europe, et s'apprête à proposer des investissements massifs à certains pays, contre l'engagement de freiner les migrations.

Si les Européens s'entendaient dans le futur avec la Libye, d'où viennent une grande part des migrants gagnant l'Italie (plus de 112.000 de janvier à août), "alors on pourra dire que +l'Europe forteresse+ est devenue une réalité", estime Demetrios Papademetriou, président de l'Institut Migration Policy Europe.
Selon Yves Pascouau, directeur à l'European Policy Center et spécialiste des questions migratoires, "l'idée de couper les routes migratoires, en termes de realpolitik, a effectivement fonctionné".

Mais l'accord avec la Turquie est "fragile", politiquement et juridiquement, souligne le chercheur, et "on n'a toujours pas réussi à dépasser les divisions entre Etats membres" sur l'accueil des réfugiés et l'harmonisation du patchwork du droit d'asile dans l'UE.

Le plan temporaire de "relocalisation" de réfugiés depuis la Grèce et l'Italie vers d'autres pays de l'UE, censé incarner la solidarité européenne, s'est en effet embourbé.

En un an, il a concerné moins de 4.500 personnes, sur 160.000 prévues d'ici septembre 2017, alors que quelque 57.000 demandeurs d'asile sont toujours bloqués en Grèce.

Parmi ses détracteurs les plus virulents, la Hongrie et la Slovaquie ont même décidé d'attaquer devant la justice européenne ce mécanisme, obligatoire pour tous depuis son adoption en septembre 2015 par la majorité des Etats membres.

Le dirigeant hongrois Viktor Orban a même décidé d'organiser un référendum le 2 octobre pour consulter sa population sur ce plan qu'il conteste farouchement.

Ces résistances laissent présager des débats compliqués sur la réforme actuellement en chantier du règlement Dublin, qui détermine les règles de répartition des demandeurs d'asile dans l'UE.

La Commission européenne a proposé d'instaurer de manière pérenne un mécanisme de répartition automatique des demandeurs d'asile, activé dans des cas exceptionnels. Les pays refusant de respecter leur quota d'accueil devraient payer 250.000 euros par personne non accueillie.

Cette proposition a essuyé de vives critiques, venant sans surprise des pays déjà hostiles aux "relocalisations".
Avec ces divergences persistantes sur "la question cruciale du partage du fardeau", "le système global reste fragile et vulnérable", estime Stefan Lehne, jugeant "assez clair" que l'Europe sera confrontée à d'autres afflux massifs de migrants dans le futur.

31 août 2016

Source : AFP

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