mercredi 27 novembre 2024 00:43

Mostapha Bousmina ou quand la magie mène au génie.

Mostapha Bousmina a été identifié par Pakistan. Resch.Is comme l’un des scientifiques arabes les plus connus à travers le monde. Cet ingénieur, et éminent conférencier, a reçu de nombreux prix internationaux prestigieux. Membre du Canada Team for Aerospace (qui sélectionne les expériences à être effectuées dans l’espace en collaboration avec l’Agence Européenne de l’Aérospatial et la NASA ) et conseiller auprès des plus grandes multinationales, il a répondu à l’appel du pays : depuis 2007, il est chancelier de l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques. Retour sur le cheminement d’un génie.

Orphelin et issu d’un milieu très modeste, Mosto a grandi à Nador où il a suivi sa scolarité au lycée Abdelkrim Al Khattabi. Elève très brillant, il décroche à 16 ans un double baccalauréat marocain et français. D’une curiosité hors norme, encore enfant, il lisait tout ce qui était à sa portée : littérature, histoire, sciences et même les classiques de l’économie et la philosophie politique. Et quand il était en manque de lecture, se rappelle-t-il, « je prenais le car de Nador à Fès, les week-ends pour m’approvisionner »

L’absence du père a insufflé une maturité précoce à Mostapha. Il se lance dans la vie culturelle de sa cité : « je faisais du théâtre et jouais de la musique avec mes amis Amrani Fakhr Dine, Jamal Nour ». Nous sommes en début des années soixante dix, le Maroc traverse une période turbulente. Mosto se passionne pour les débats politiques et adhère à 12 ans à la jeunesse communiste (PLS). Par ailleurs, enfant, Mosto était fasciné par le monde de la magie. En contemplant les tours des magiciens, il savait qu’il observait des illusions. Mais l’illusion lui procurait un plaisir, celui d’essayer de produire ce qui, en apparence, était impossible. Notre petit génie commence alors à créer ses propres tours de magie : « je mettais à l’essai les caractéristiques des matériaux que je trouvais à ma portée: élastiques, aimants, caoutchouc ainsi et divers liquides et solides ».

En route pour Strasbourg.

Le baccalauréat en poche (meilleur lauréat au niveau national), Mosto prend son destin en main. Il se rend à la préfecture pour faire son passeport. Mais la simple formalité se transforme en cauchemar. Un passage brutal de trois jours au commissariat de Nador : « j’ai osé dénoncer avec des amis la violence des mokhaznis envers les administrés, venant accomplir des besoins administratifs. Brutalisés et tabassés violement, j’ai dû finalement payer une amende de 600 DH avant de recevoir mon passeport » Les visages marqués par les coups et les blessures subis au commissariat, Mosto et ses amis quittent le pays l’âme blessée en jurant ne jamais y remettre les pieds.

A Strasbourg, Bousmina enchaine les formations universitaires, en physique-chimie et en ingénierie à École des Hauts polymères (EHP). En 1992, il obtient son doctorat après quatre ans de recherches scientifiques entre les laboratoires de l’Université Louis Pasteur et l’Université Illinois de Chicago aux USA. Une double récompense : major de sa promotion et détenteur du prix Louis Pasteur, décerné au meilleur doctorant à l’échelle de la France. De son aventure estudiantine, Mosto Bousmina garde des beaux souvenirs : « ma soif était grande pour apprendre et découvrir le monde. J’ai travaillé dur pour vivre et financer mes études et mes voyages ». Des petits boulots, il aura tout essayé ; magasinier, veilleur de nuit, serveur, étiqueteur dans un supermarché, et même disc jockey.

En plus du berbère, l’arabe et le français, Mosto est un polyglotte. Il parle espagnol, anglais, italien et un peu d’allemand et de portugais. L’apprentissage des langues, couplé d’une maîtrise de l’histoire de l’Alsace -Lorraine lui ont permis de travailler en tant que guide touristique pour financer ses études et découvrir une centaine de pays. « Ces découvertes m’ont ouvert sur le monde, sur les peuples et leurs cultures, leurs réussites et leurs souffrances aussi »

Que le pays avance et produise du Made in Morocco.

« Les Marocains brillent à travers le monde dans les domaines des sciences et technologies. Ils peuvent apporter leurs expertises. Les capitaux privés et les investissements ont un rôle important à jouer » souligne Bousmina. Et d’ajouter : « Le pays se trouve face à des défis énormes et des échéances cruciales. Il faut accentuer la scolarisation des enfants, la formation des cadres, la recherche scientifique et technique, la diversification de notre économie. Les Marocains sont intelligents et disposent d’une capacité d’ouverture sur le monde. Son grand souhait : « que le pays avance, en mobilisant ses propres ressources humaines. Nous n’avons ni pétrole ni gaz, mais nous avons un fort potentiel humain. Notre ciel est bleu et nous avons du soleil presque toute l’année. Transformer l’énergie solaire en énergie électrique est un chantier d’avenir. Nous avons une terre qui contient une variété de plantes qui pourraient servir à fabriquer des médicaments. Notre pays et bordé par deux mers et dispose d’une situation géographique faisant le pont entre l’Afrique, le monde arabe et l’Europe. Nous avons un héritage historique unique où plusieurs cultures se sont croisées et ont donné ce Maroc tolérant et pluriel ». Et de conclure : « Il faut renforcer notre recherche scientifique et technique pour que notre pays tire bénéfices de ses propres ressources humaines et naturelles. Il s’agit de notre indépendance et de notre avenir. Il faut produire et faire du Conceived and Made in Morocco. Les défis sont là, Il faut améliorer le système d’éducation et de santé. Réaménager les territoires et partager les richesses entre les différentes régions du Maroc. Diminuer l’écart de développement entre les villes et les compagnes. Eduquer, expliquer et informer pour ancrer de façon pérenne et irréversible le Maroc dans la modernité tout en gardant le meilleur de notre identité»

Au pays de l’oncle Sam.

A Chicago, une nouvelle aventure commence. « Je suis parti, plein d’espoir, voir mon Amérique à moi. Arrivé à l’aéroport de Chicago avec 100 dollars en poche, j’opte pour le système D. Je ne voulais pas dépenser un sou de mes précieux billets verts » Mosto travaille dans une ferme à 30 km du campus universitaire. « Je m’occupais de la terre, des bêtes et sans jamais perdre de vue mon objectif principal : avoir mon doctorat et la rage de réussir ». Au pays de l’oncle Sam, le jeune chercheur s’adapte, donne des cours de français et des mathématiques. « Ma situation s’améliore, raconte-t-il, je loue un bel appartement au centre de Chicago et me concentre sur mes projets universitaires ». Le petit magicien nadori, devenu ingénieur puis grand chercheur ne s’est jamais satisfait de constater qu’une chose ne fait que fonctionner. Sa passion a toujours été de « saisir les propriétés fondamentales qui se cachent derrière un processus ». Pouvoir prédire quelles seront ces propriétés dans d’autres situations en modélisant le processus grâce aux mathématiques supérieures, son domaine scientifique préféré par excellence.

Les portes s’ouvrent enfin. Les propositions des universités et laboratoires de recherches affluent, tant en Europe, aux USA qu’au Canada. Le choix de Bousmina se porte sur le pays d’érable. Il décroche un premier poste de chercheur post-doctorant puis un deuxième comme professeur associé à l’École polytechnique de Montréal. En 1994, il intègre le département de génie chimique de la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval- à Québec.

Théoricien et expérimentateur, son travail fait appel à la fois aux sciences fondamentales, aux mathématiques supérieurs, à la physique, à la chimie, le génie mécanique, le génie chimique et le génie des matériaux» Publications, découvertes scientifiques, brevets, son laboratoire connait des exploits à l’échelle mondiale. Les récompenses affluent. L’orphelin rifain commence à jouer dans la cours des grands. Le petit « Mostito », comme l’appelle son épouse Wijdane, devient le plus jeune conférencier dans son domaine aux côtés des grands scientifiques du monde. Sa reconnaissance internationale s’est rapidement concrétisée par des prix et distinctions (voir encadré).

En 2000, à Pékin devant un parterre de scientifiques et grands industriels internationaux, le génie marocain obtient le prix International Morand Lamba Award, remis au meilleur chercheur de moins de quarte ans dans le domaine de la rhéologie et la mise en œuvre des polymères à l’échelle internationale. Le prix lui a été remis par un ministre chinois, qui le présente comme un scientifique canadien. Le moment est solennel, seul avec son épouse et sans la présence d’un représentant de l’ambassade du Maroc en Chine. L’assistance se met debout pour écouter l’hymne national du Canada. Ouijdan sa femme lui tient la main. Ils chantent ensemble, à voix basse « Manbita Al ahrar » (l’hymne marocain). A la remise du Morand Lamba Award, les larmes aux yeux, notre lauréat rappelle à l’assistance ses origines, parle de son Maroc, lui dédie son prix et au Canada, son pays d’accueil. « Me retrouvais seul avec ma femme était un moment à la fois triste et unique. J’étais fier d’être marocain mais dans la solitude».

L’appel du pays.

La solitude, Mostapha Bousmina ne la vit plus. La revanche de l’Histoire est là. Le Maroc qui ne peut plus se permettre de rester en dehors du mouvement de la modernité fait appel aux compétences de sa diaspora. En 2006, Le Roi Mohamed VI installe l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques et nomme Bousmina chancelier en 2007.

Avant même d’être appelé à occuper cette haute fonction et prendre part aux projets scientifiques du Maroc, Mostapha a fondé et présidé en 2005 le Groupe Canada-Maroc pour le Soutien à la Fondation Mohammed V pour la Solidarité. Depuis, il est membre fondateur de l’Association marocaine pour l’innovation et la recherche et Directeur Général de l’Institut des Nanomatériaux et Nanotechnologie (MAScIR– INANOTECH), qui œuvrent pour la création d’un complexe de recherche, d’innovation et de création d’entreprises. Pour Mosto : « Il faut mobiliser les énergies, acquérir la connaissance pour enfin avancer, vaincre le sous développement et être capable d’aller vers le progrès ». Il a démissionné de ses nombreuses fonctions au Canada (Professeur titulaire et détenteur de la Chaire Sénior de Recherche du Canada sur la Physique des Polymères et les Nanomatériaux) pour rentrer au Maroc en ramenant avec lui plusieurs équipements scientifiques de plusieurs millions de dollars et chercheurs aussi bien de la diaspora que des chercheurs canadiens et d’autres nationalités qui travaillaient dans sont laboratoire à l’Université Laval. Ce projet lui a pris des années de préparation et beaucoup de sacrifices pour participer à ce nouveau Maroc basé sur la connaissance, le savoir et le savoir faire scientifique et technologique. Curriculum Vitae de Mostapha Bousmina

Distinctions et Prix :

1993 : Prix universitaire Louis-Pasteur (France)

1998 : Prix d’Innovation en Recherche technologique - Ministère du Commerce et de l’Industrie (Canada)

2000 : Prix Morand-Lambla Award pour le meilleur chercheur à l’échelle internationale (Pékin)

2002 : 1er des Top-20 Explorer Award (meilleurs chercheurs du Canada)

2004 : Obtention de la Prestigieuse Bource Steacie, haute distinction en Science et Génie au Canada.

Fonctions scientifiques

Professeur en Génie de la Plasturgie et directeur du Collège Sciences Physiques et Chimiques à l’Université Laval à Québec. Président de la Chaire Sénior de Recherche du Canada sur la Physique des Polymères et les Nanomatériaux. Conférencier à l’International. Editeur des Amériques du Journal of Polymer Engineering. Membre de l’Editorial Board de Journal of Applied Rheology. Ancien Président de la Société Québécoise des Polymères (SQP). Vice-président de la Société Canadienne de Rhéologie (CSR). Ancien Président du comité d’évaluation du CRSNG (Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et Génie du Canada). Directeur de la section Québec de la SPE (Society of Plastic Engineers). Examinateur officiel de l’Ordre des Ingénieurs du Québec (OIQ). Membre de Canada Team pour la recherche aérospatial. Membre de l’exécutif international de la PPS (Polymer Processing Society). Membre du Bureau de direction du CREPEC. Conseiller auprès du gouvernement canadien pour la recherche en milieu industriel. Conseiller officiel pour la NASA. Conseiller des multinationales (Total, INC, IPL, BASF, General Motors).

25/1/2012,  Fouzia Benyoub

Source : Portail des Marocains du monde

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