mercredi 27 novembre 2024 10:57

MRE «Sciences, technologies, innovation et développement solidaire : quelle contribution des compétences marocaines dans le monde ?»

Impliquer de manière concrète, durable et efficace, les compétences marocaines dans le processus de développement du Royaume.

Une question de fond aura traversé les interventions du séminaire organisé à Rabat par le CCME : comment mobiliser les diasporas et faire de ce capital humain et social un atout pour le développement du Maroc ? Comment valoriser les compétences de la diaspora qui a conservé un lien fort à son pays d’origine et qui veut contribuer à des actions de développement ? Comment en un mot transformer le brain-drain, l’exode des cerveaux en brain-gain, le gain des cerveaux?

Depuis 1990, beaucoup de séminaires et d’études ont été organisés avec en 2007 une accélération de la cadence par Mohamed Ameur : plusieurs conférences avaient été organisées par le département des MRE et par le CCME au Maroc mais aussi en Allemagne, en Belgique, au Canada, en France, en Espagne…La dernière réunion a eu lieu a Rabat, organisée par le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) avec un objectif: impliquer de manière concrète, durable et efficace, les compétences marocaines dans le processus de développement du Royaume. Et comme le soulignait le ministre de l’Enseignement supérieur, Lahcen Daoudi, « le Maroc a besoin de ses Marocains dans les universités, dans la recherche scientifique, dans tous les domaines ».

La problématique posée aujourd’hui est d’autant plus importante que l’émigration marocaine représente 14% de la population marocaine, soit 3,4 millions répartis à travers le monde dans une trentaine de pays, avec une concentration en Europe, où 87 % des émigrés sont installés. L’émigration c’est aussi une force de frappe économique avec près de 50 milliards de DH de transferts directs et autant de transferts invisibles et la contribution au tourisme, à l’habitat. L’impact sur le développement et la stabilité du pays, notamment en termes de lutte contre la pauvreté au cours de ce dernier demi-siècle, a été important et l’impulsion donnée à la modernisation du pays, à son ouverture a été considérable.

Dans un processus accéléré de mondialisation, le rôle des migrants est appelé à se développer mais aussi à se réajuster en faveur d’un apport plus grand de compétences, de talents, de savoir-faire, qui sont pour la Maroc autant de valeurs ajoutées. L’importance des savoirs, de la connaissance scientifique, comme cela a été souligné au cours du colloque, est devenue primordiale pour le développement durable des pays. Le gouvernement perçoit de son côté, en cette diaspora de plus en plus formée et qualifiée, un potentiel de compétences, de savoir-faire et un atout considérable pour le développement du pays: 17 % des MRE actifs qui ont un niveau d’études supérieur occupent des professions scientifiques, intellectuelles et managériales qualifiées, comme l’a souligné Abdellatif Maâzouz, ministre délégué chargé des MRE, 54% s’activent dans les secteurs de l’enseignement, la santé, la communication, la gestion et le commerce.

Les nouveaux travailleurs de la société de la connaissance

La question souvent conflictuelle et passionnelle du retour est quelque peu réglée, dans la mesure où « les modalités d’exercice de la citoyenneté pouvaient s’organiser sous forme de passerelles, de réseaux, de circulation, de partenariat sans penser en termes de retour définitif ». Ces modalités étant d’autant plus facilitées qu’il existe aujourd’hui un sentiment de confiance après une longue période de méfiance des Etats vis-à-vis de ses communautés installées à l’étranger. Désormais les pays du Sud, qui s’étaient longtemps méfiés de leurs diasporas, ont pris conscience des atouts et de la force d’une réalité historique, démographique et économique qui désormais s’imposent. Riches de leurs histoires, de leurs acquisitions dans le savoir et la connaissance, ces diasporas peuvent apporter une valeur ajoutée, voire une accélération dans les mises à niveau pour peu que l’on réussisse à organiser une mobilité positive, notamment à travers la construction et la connexion de réseaux ou à travers la possibilité pour les chercheurs marocains de passer une année sabbatique au Maroc, comme l’a proposé Lahcen Daoudi, qui a indiqué que son département était en négociation avec les Allemands et les Coréens pour l’ouverture d’universités.

« L’importance des savoirs, de la connaissance scientifique comme cela a été souligné au cours du colloque, est devenue primordiale pour le développement durable des pays. La diaspora de plus en plus formée et qualifiée est un potentiel de compétences de savoir-faire et un atout considérable pour le développement du pays : 17 % des MRE actifs qui ont un niveau d’études supérieur occupent des professions scientifiques, intellectuelles et managériales qualifiées ».
Une chose est sûre et un constat s’impose au fil des rencontres et des conférences qui ont eu lieu, comme l’a précisé M. Yazami, depuis les années 90 avec le lancement du TOTKEN et ensuite du FINCOME : la diaspora marocaine a aujourd’hui la volonté de contribuer au développement du Maroc, c’est une force disponible qui ne demande qu’à être sollicitée, sans être instrumentalisée et pour peu que l’on organise les outils et les moyens de mobilisation. Tous s’accordent à souligner que l’expertise des cadres devrait être mise au service du Maroc et les recommandations réunies à l’issue de ces deux jours de rencontre pourraient servir de base de mise en œuvre d’une politique nationale de mobilisation de compétences, la diaspora étant invitée à s’impliquer davantage avec les universités dans les programmes de formation, de recherche et de développement.

Des annuaires des compétences sont disponibles concernant les chercheurs en Allemagne par exemple, en Belgique, au Canada. Architectes, ingénieurs, avocats, physiciens, cardiologues, informaticiens, linguistes, pharmacologues, biologistes…sont recensés comme des pourvoyeurs futurs de l’intelligence pour leur pays d’accueil, mais aussi « travailleurs de la connaissance » dans le nouvel ordre mondialisé, nouveaux acteurs de la coopération internationale. Ils ont acquis, en s’investissant énormément et malgré les milles et une difficultés, leur droit d’entrée dans les pays d’accueil sans pour autant abandonner leur identité. Au moment où la migration devient un révélateur de tensions et de changement, où la circulation, la production, l’usage et l’appropriation des connaissances deviennent un enjeu mondial de pouvoir, ils expriment haut et fort leur existence pour apporter une valeur ajoutée au monde et à leur pays d’origine avec qui ils n’ont cessé d’entretenir des liens comme en témoigne le formidable rush au pays des MRE durant les vacances, un phénomène unique au monde…

Aujourd’hui, ils veulent renforcer et promouvoir ces liens pour en faire un outil de développement des pays d’origine qui à leur tour veulent « construire des ponts avec les réseaux diasporiques », « profiter des compétences diasporiques » pour soutenir la dynamique actuelle. Si le mot diaspora signifie initialement en botanique «dispersion des graines», ces compétences veulent semer à leur tour ces graines de la connaissance et du savoir dans leur pays d’origine. En ce sens, ces compétences sont des acteurs clés pour faire développer leurs pays, faire reculer l’ignorance et faire avancer, grâce à leur interculturalité, le dialogue et la paix dans le monde. Ils sont prêts à améliorer la coopération qui lie leurs deux pays d’origine et d’accueil, prêts à identifier toutes les possibilités, à condition que les institutions marocaines sachent cultiver un partenariat fiable avec la diaspora, car il existe un immense potentiel non encore réalisé. Dans ce nouveau contexte de mondialisation il faut en effet adapter, rénover, renouveler, repenser nos politiques publiques qui doivent intégrer ces nouveaux enjeux. Il faut également renforcer les liens et éviter tout délitement, par le biais de mobilité circulatoire et de mobilisation des compétences.

Il faut aussi que les pouvoirs publics clarifient les besoins du Maroc, les projets que l’on peut présenter aux compétences, en d’autres termes, il faut un cadre général organisé, penser au dispositif et aux instruments techniques et financiers de mise en relation entre l’offre et la demande. Il faut établir une cartographie précise de la demande des différents secteurs économiques et de l’offre des compétences, et identifier les structures d’accompagnement, de conseils, de suivi et d’évaluation des projets. Les compétences marocaines peuvent cependant s’impliquer dans le développement du pays tout en restant dans les pays d’accueil et l’exemple des diasporas du Liban, de l’Inde, des Philippines montrent que cette démarche peut engranger des résultats intéressants. Les expériences des diasporas indiennes, chinoise ou celles de l’Amérique Latine nous ont appris que l’on peut assurer le transfert de connaissances, de partout dans le monde. Dans ces exemples on voit à l’œuvre des modes divers de production, de circulation des échanges et du capital cognitif entre diverses parties du monde, avec des compétences où qu’elles se trouvent.

Le concept mécanique du « retour » des politiques migratoires est alors transformé en liens durables avec les compétences MRE. Des liens qui seront d’autant plus durables qu’ils concerneront les régions d’origine de ces compétences, ce qui pourrait induire un rôle actif des collectivités locales, des régions et l’intérêt de la coopération décentralisée.

La mobilisation des compétences de la diaspora est en fait un champ d’investigation dans lequel tout est à construire en termes de dispositifs, d’outils, de veille et de prévisions. La captation de cette valeur ajoutée, de cette richesse des ressources humaines et sa pérennité requièrent une réflexion nouvelle dans les sciences sociales. Elle requiert également un changement de prisme par rapport à l’Etat contrôleur qui doit évoluer en Etat facilitateur, médiateur, stratège et démocratique, acceptant une multiplicité d’intervenants, notamment en termes de bénéficiaires comme les universités, les instituts, les agences, les secteurs de santé, l’administration…Dans sa composante compétences, le phénomène migratoire fait encore l’objet d’étude qui fait appel à des modalités à la fois de négociations complexes avec une multitude de partenaires directement intéressés, de décision et de gouvernance.

Recommandations de la première université sur la mobilisation des compétences MRE de Fès 21 novembre 2009

1-Toute tentative de mobilisation des compétences marocaines expatriées ne peut aboutir si elle ne s’appuie pas sur le renforcement de la coordination entre l’ensemble des institutions marocaines en charge des questions liées aux MRE; aussi, la politique marocaine de mobilisation des compétences expatriées doit en premier lieu mobiliser dans le même élan les institutions en charge des Marocains résidant à l’étranger et les institutions publiques marocaines en charge des questions de développement. Cette démarche aidera à déterminer les domaines de coopération et facilitera les modalités de coopération des institutions locales avec les organisations de la communauté MRE.

2-La contribution des compétences expatriées dans le développement et l’intégration de cette composante dans les programmes nationaux. Cette politique doit disposer de moyens institutionnels, humains et financiers qui lui garantissent sa réussite et qui rendra plus formelle l’implication de la communauté. Une telle démarche ne peut se faire sans la mise en place des conditions favorisant l’investissement au Maroc. Grâce aux grands chantiers nationaux impulsés par Sa Majesté le Roi dans tous les domaines, le Maroc dispose aujourd’hui à la fois d’une volonté politique et d’un environnement propice à la mobilisation de ces compétences au profit du Royaume.

3-L’approche la plus adaptée pour concrétiser ces actions est la mise en synergie de la demande nationale avec l’offre internationale de compétences marocaines en encourageant la structuration de réseaux de compétences dans les pays d’accueil et en s’appuyant sur les instances consulaires, les ambassades et les réseaux existants de compétences à l’étranger.

4-La condition essentielle pour concrétiser cette approche est l’inscription de cette stratégie, pour la rendre plus efficace et plus équilibrée, dans un cadre de coopération tripartite qui implique le ministère chargé de la communauté marocaine à l’étranger, les réseaux de compétences structurés et installés dans les pays d’accueil et le gouvernement et les acteurs des pays d’accueil eux-mêmes.

21 Mars 2012,  Farida Moha

Source :  LE MATIN

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