mardi 26 novembre 2024 18:41

Nice : La mairie exhume des tombes musulmanes

Depuis le 16 novembre, la mairie a installé des panonceaux sur 38 tombes du carré musulman du cimetière Est de Nice. Elle veut reprendre les sépultures et les installer dans des caveaux. Une démarche qui révolte la communauté musulmane de la ville. L’exhumation est interdite par l’islam sauf dans un certain nombre de cas précis. De plus, la mairie n’aurait pas prévenu directement les familles des défunts.

Une manifestation a eu lieu, hier, dimanche 19 décembre, dans le carré musulman du cimetière de l'Est de la ville de Nice, rapporte Nice matin, aujourd’hui. A certains endroits, le sol a manifestement été retourné : des familles mais peut être également la mairie, ont procédé à l’exhumation de plusieurs tombes, depuis le 16 novembre. « Nous n’avons reçu aucun courrier, affirme Karim Adnani, Niçois, mais c’est en nous rendant sur la tombe du père de mon épouse, que nous avons vu le petit panneau installé par la mairie, il nous demandait de nous rendre au bureau [de l’administration communale chargée des affaires funéraires]. » 38 tombes, une partie seulement du carré musulman, sont concernées par ces exhumations.

Le service administratif des affaires funéraires a expliqué à la famille de M. Adnani que la ville voulait reprendre la sépulture et prévoyait de placer le corps du défunt dans un caveau, dans le même cimetière, en dépit du fait que la famille était prête à verser la somme due pour le renouvellement de la concession. « Mon beau père voulait rester auprès de sa famille, de ses enfants et de ses petits enfants qui sont tous ici, mais quitte à devoir exhumer son corps, nous avons préférer le rapatrier et l’enterrer à Oujda, samedi », raconte Karim.

« La coutume veut que l’on soit enterré en plein terre et pas dans un caveau », explique-t-il. Comme lui, près de 4 familles, prêtes à payer le renouvellement de la concession, ont préféré rapatrier le corps de leur défunt plutôt que de le voir placer dans le caveau. Dans la religion musulmane, « à ma connaissance, une exhumation n’est possible que dans certains cas précis : lorsqu’une infrastructure d’intérêt général soit être mise en place, lorsque le corps a été inhumé sur un terrain privé et que son propriétaire n’en veut pas ou que la famille a besoin des objets de valeur enterrés avec le défunts », explique Abderrazak Fetnan, conseiller municipal à la mairie de Nice. Il a été contacté par plusieurs familles qui se révoltaient contre le sort fait aux tombes de leurs proches. Beaucoup craignent que les corps inhumés pour rejoindre le caveau, soient à nouveau exhumés dans quelques années selon les nécessités.

Le collectif « Touché pas à nos tombes » a été formé, sur les conseils du conseiller municipal, pour défendre les familles musulmanes touchées par les exhumations. « C’est un manque de respect et d’humanité flagrant. Il y a un paramètre religieux à prendre en compte. On ne peut pas ignorer la communauté musulmane. La mairie ne peut pas intervenir dans le rite musulman », explique l’une de ses membres.

Si la légalité de cette exhumation n’est pas nécessairement mise en cause, c’est la méthode qui a choqué. Comme M. Adnani, plusieurs familles ont assuré n’avoir pas été contactées au préalable et avoir découvert les intentions de la mairie par le bouche à oreille. « Quand je suis allé sur place, il y avait une pelleteuse qui retournait les tombes et deux employés qui triaient les ossements, explique Mohamed Bouidder, en montrant la vidéo prise avec son portable. Ils m'ont dit qu'on avait jusqu'au 28 décembre pour décider. Mais on a pu obtenir un répit de trois mois, le temps d'informer tout le monde », rapporte Nice Matin.

La mairie, pour sa part, dans une conférence de presse, en fin d’après midi, assure avoir fait les choses dans les règles et assure avoir envoyé trois courrier par lettre recommandées aux familles concernées. Un arrêté de la cour de Cassation, du 25 octobre 2000, stipule que « l'exhumation du corps est décidée par le maire. La présence d'un parent ou d'un mandataire de la famille n'est pas nécessaire et les personnels chargés de cette opération n'ont pas à posséder l'habilitation funéraire, à l'inverse de ce qui est prévu pour les exhumations effectuées à la demande des familles. En revanche, une surveillance par des fonctionnaires est requise et l'absence de respect dû aux morts peut être constitutive du délit de violation de sépulture et d'atteinte à l'intégrité du cadavre. » La reprise de sépultures est ainsi une pratique courante pour permettre au nouveaux défunts de trouver une place dans les cimetières.

Il existe trois cas justifiant de l’exhumation administrative des corps, recensés par la loi. En cas d’abandon manifeste de la tombe et dans la nécessité de déménager le cimetière « Dans cette hypothèse, les concessions en cours sont « déplacées » vers un autre cimetière. Mais je n’ai pas connaissance de cas où cela se fait à l’intérieur d’un même cimetière », souligne maître Bertrand Burg, associé fondateur du cabinet Clairance avocat. Enfin, l’expiration de la concession, « si celle-ci est à durée déterminée et non perpétuelle, et au plus tôt deux années après l’expiration de la concession », justifie également une exhumation administrative », explique-t-il. Autant de dimensions légales qui échappent totalement aux familles depuis des années.

« Beaucoup de familles était convaincues que le terrain appartenait à un mécène musulman aujourd’hui enterré dans le carré en question », explique M. Fatnane. « La commune est « propriétaire » des cimetières qui sont des dépendances du domaine public, et obéissent à un régime de droit public. Les défunts ne sont juridiquement que des « occupants temporaires » du domaine public », corrige maître Bertrand Burg. Il y a 20 ans, les musulmans, étaient rares à vouloir être enterrés en France « à ce moment là, ils ne connaissaient pas le système des concessions ; ils étaient persuadés qu’elles étaient acquises ad vitam aeternam », explique Abderrazak Fetnan.

19/12/2011

Source : Yabiladi

Google+ Google+