mardi 26 novembre 2024 00:18

Olivier Jobard, photographe sur la route des migrants

Ce photographe a fait le choix depuis une dizaine d’années de suivre les migrants dans leur périple. Il nous explique sa démarche.

Face au flux ininterrompu des images de réfugiés, bloqués dans la jungle de Calais, stoppés aux portes de l’Europe ou échoués sur les rivages de Lesbos, Olivier Jobard est un photographe à part. Depuis plus de dix ans, il sillonne les routes du Sud au Nord et d’Est en Ouest, accompagne les migrants au plus près, dans leur long exil vers le pays rêvé.

Une rencontre décisive

Avant d’en arriver là, Olivier Jobard a, pendant une dizaine d’années, croisé les terrains sensibles d’Europe, d’Afrique et d’ailleurs. Couvrant les événements dans les zones de conflits, de la Tchétchénie au Sierra Leone, de l’Irak à l’Afghanistan pour ne citer que quelques exemples. Sans trop, dit-il, voir les êtres qui en souffraient.

En 2000, il rencontre dans le camp de Sangatte ces Irakiens, Tchétchènes ou Somaliens, tous exilés de ces terres de guerre et de misère. De l’échange avec un jeune Afghan originaire de Bazarak dans le massif de l' Hindu-Kush, région qu’il venait de parcourir pour l’agence Sipa quelques jours auparavant, naît l’envie de raconter pourquoi et comment ces hommes et ces femmes sont arrivés là.

Olivier Jobard fait alors un choix qui va caractériser son travail, celui de la proximité. Partir sur la route, suivre durant des jours et des mois un homme, un groupe, une famille, bouleverse forcément la manière d’aborder le travail et change même la distance à son sujet. Les liens se créent, une relation s’établit sur le long terme. Il y a là une forme de partage. Mais Jobard joue juste entre le lien affectif et son métier de photographe, et ne tombe pas dans le piège d’être trop proche.

Nommer les migrants

Il exerce son métier dans ce rapport de proximité à son sujet. Ce choix est le sien et il en tire le meilleur, une grille de travail, une démarche photographique originale où ses qualités humaines jouent un rôle prépondérant.

Pour les candidats au voyage, il y a quelque chose d’homérique à vouloir traverser les continents, les montagnes, les déserts et les océans pour rejoindre un lieu de paix ; ou juste un ailleurs loin des misères de leur monde. Olivier Jobard rend compte de ces odyssées. La proximité a aussi l’avantage de replacer les êtres dans leur quotidien à hauteur d’hommes. Pas des héros, non, des êtres humains, ils apparaissent dans toute leur complexité et leur imperfection. Ils s’appellent Jihan, Fawad, Ibrahim Ahmad ou Kinglsey. Olivier Jobard nomme celles et ceux qu’il suit. Une forme très naturelle de respect, au-delà de l’anonymat du mot générique, migrant.

La mise en perspective de son travail depuis l’origine à Sangatte gagne d’années en années en épaisseur. Il prend aujourd’hui tout son sens. Alors que l’éclairage de l’actualité se concentre sur l’explosion migratoire, Jobard se pose la question de la plus-value de son travail. Que dire de plus dans le flot d’images produites en Grèce, en Turquie ou sur les frontières fermées d’Europe ? Il continue donc à suivre ces migrants dont il a partagé le quotidien. Il veut parler d’eux encore, de l’après en Suède, en Grande Bretagne ou en France, de leur intégration, des réussites ou des retours.

Associé à la journaliste Claire Billet, il travaille aussi en vidéo, multiplie les supports pour enrichir son propos et raconter encore les histoires de ceux qui partent de chez eux vers un monde meilleur. C’est un choix qui définit son travail, mais plus encore une règle de vie, d’humanité.

29/04/2016, Fabien Vernois

Source : La Croix

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