mardi 26 novembre 2024 23:17

Portraits de l'immigration maghrébine en dessins

Jérôme Ruillier reprend les témoignages rapportés par Yamina Benguigui dans un roman graphique, les mettant à la portée des jeunes lecteurs.

Art Spiegelman rendit hommage au sort des Juifs pendant la Shoah avec des chats et des souris. Parions que Maus côtoiera désormais Les Mohamedsur les rayons des bibliothèques ! Car, dans ce roman graphique, des oursons moustachus racontent avec pudeur leur vie d'immigrés en France, de la fin des années 1950 à nos jours. A travers les témoignages issus du livre de Yamina Benguigui, Mémoires d'immigrés, l'auteur-illustrateur Jérôme Ruillier retrace des destins complexes et touchants.Ceux des pères d'abord. Venus en France pour travailler dans les mines de charbon ou chez Renault, ils vivent entre hommes dans des foyers, expédiant leur salaire à la famille restée au bled. C'est Khémaïs, l'OS de l'île Seguin, venu en bateau de Tunisie, des phrases de Victor Hugo plein la tête, les mains vissées à la chaîne quarante ans durant. Ahmed, lui, a élevé ses cinq enfants au sport pour "être meilleurs que les autres et être acceptés". Son fils Djamel décrochera la médaille d'or de judo, aux Jeux d'Atlanta. Les mères, à l'heure du regroupement familial de 1974, racontent le choc des cultures, la France qu'elles idéalisaient, le sort qu'on leur réserve. Mal-être pour Djamila qui se sent nue sans son voile ou joie conquérante de Yamina qui, après avoir été soumise à l'autorité du père puis du mari, reprend sa "liberté" et donne des cours d'alphabétisation en citant Eluard. C'est aussi l'histoire des enfants. Wahib a débarqué avec l'illusion que "les Français étaient tous des présidents" et déchante lorsqu'il arrive au bidonville et doit aider au foyer. Ces témoignages des difficultés traversées par trois générations d'Algériens, de Marocains et de Tunisiens interrogent le lecteur sur son propre regard. Humiliation, incompréhension, ténacité, désillusion, courage de ces êtres humains dont l'histoire personnelle dessine en creux l'histoire de l'immigration maghrébine. Les Mohamed sont une BD à partager en famille pour aller au-delà des clichés identitaires, découvrir des parcours de vie et parvenir à appréhender ces destins. Et peut-être nous aider à mieux vivre ensemble.

11/05/2011, Nathalie Riché

Source : L’Expresse

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