jeudi 28 novembre 2024 07:48

Quels liens entre migration et développement ?

Avec l’opération Marhaba, qui a débuté ce mois de juin, l’attention est tournée aujourd’hui vers nos MRE dont on évalue un peu mieux, mais insuffisamment, l’importante contribution au développement du Maroc.

Contribution économique, mais pas seulement, car la contribution sociale des migrants à leur pays d’origine est porteuse d’un potentiel considérable en termes d’innovation, de savoir-faire, qui peuvent faire progresser la société. Une chose est sûre : l’apport des migrants marocains au développement de leur pays et de leurs régions est «inestimable», tant le lien entre ces migrants et le pays d’origine est fort, comme l’a souligné le directeur du pôle économique de la Fondation Hassan II pour les MRE, Abdesslam El Ftouh.

L’argent envoyé par différents canaux est le plus souvent consacré à aider les familles pour un mieux-être : nourriture, soins médicaux et surtout éducation des enfants, car l’importance de la connaissance, de l’école, de l’université est considérée comme la clé de l’avenir, celle qui permet de «prendre l’ascenseur». Les fonds transférés constituent également un potentiel de développement économique très important qui peut, s’il est bien encouragé, stimuler l’investissement productif dans les petites et moyennes entreprises. Pour cela, des actions de réseautage, de coopération et de soutien sont nécessaires pour réussir le codéveloppement entre le pays d’accueil et le pays d’origine des migrants.

Selon une étude d’Oxford, les politiques de codéveloppement sont de trois ordres : accompagnement des retours volontaires, amélioration des transferts financiers, des compétences et des investissements productifs, et soutien des organisations de migrants. C’est ce dernier champ, constitué de mesures visant l’amélioration du tissu associatif, le soutien des projets de développement et la création de plateformes représentatives qui est au centre de l’initiative conjointe sur la migration et le développement.

Un programme de 15 millions d’euros dédié aux projets des ONG

On assiste ces dernières années à une multitude d’initiatives intergouvernementales, inter-étatiques. L’Initiative conjointe pour la migration et le développement (ICMD) est singulière, en ce sens que les bénéficiaires sont les organisations de la société civile et les collectivités locales, ce qui donne une dimension particulière à la coopération décentralisée. Le programme de cette initiative est de 15 millions d’euros entièrement financés par l’Union européenne, avec l’implication de cinq agences des Nations unies : le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), l’UNHCR (Agence des Nations unies pour les réfugiés), l’UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population), le BIT (Bureau international du travail) et l’OIM (Organisation internationale pour les migrations).

Déployée dans 16 pays pendant trois ans, l’Initiative conjointe a apporté son soutien aux organisations de la société civile, aux groupes de la diaspora et aux autorités locales dans la mise en œuvre de projets intégrés sur la migration et le développement. L’Initiative conjointe est également impliquée dans le partage des connaissances et le conseil politique par le biais de son réseau de praticiens.

Au Maroc, elle a soutenu 6 projets de la société civile pour un montant total de 1 161 638 euros dans les domaines variés du développement rural, de la migration circulaire féminine, de la promotion à la création d’entreprises, de la formation pour le renforcement des capacités institutionnelles des acteurs publics et privés et des droits des migrants. Le programme a démarré au Maroc en 2009 et s’est achevé en avril 2012. La particularité de l’Initiative conjointe est celle de relier des groupes de la société civile, les autorités locales et d’autres acteurs à petite échelle issus des États membres de l’Union européenne et de leurs homologues au Maroc.

Quelles leçons tirer de l’Initiative conjointe migration et développement ?

La conférence finale du 21 juin, organisée à Rabat, a clôturé symboliquement la célébration de l’Initiative conjointe pour la migration et le développement à travers les présentations des résultats et des débats entre différents acteurs, ONG, élus, Fondation Hassan II pour les MRE, ministère chargé de la Communauté des MRE, universités... En parallèle, les projets individuels qui ont été exposés représentent plusieurs régions : projet des «Droits de migrants et altérité culturelle», le projet «Associations migrantes, associations villageoises : une mise en réseau pour un développement local et solidaire au Maroc», le projet «Mutualiser les compétences des migrants pour un développement économique et solidaire», le projet de «La coopérative agricole Al Fath, du projet aviculture», le projet «Migration et développement, femmes en mouvement à Khouribga», le projet «Migration circulaire féminine, vecteur de développement» de la Fondation Orient-Occident.

L’étude sur l’intégration (mainstreaming) des liens entre migration et développement, en tant que question transversale dans les stratégies, a été présentée par Djelloule Markria et Massimilliano Di Totta : état des lieux dans deux régions pilotes, initiatives existantes du type migration et développement, identification des meilleures pratiques, analyse du degré d’intégration de la migration et du développement dans les stratégies locales et régionales et proposition de stratégie d’intégration pour les autorités locales. Dans chaque intervention, l’accent est mis sur les bonnes pratiques, les outils comme la mise en ligne d’un site internet dédié, permettant de canaliser et de coordonner les initiatives de développement humain, économique et social au profit des régions d’origine et la création de «Centres régionaux pour la migration et le développement» permettant d’accueillir les investisseurs potentiels et les porteurs de projets économiques des migrants, de les assister en période d’amorçage, de les encadrer et d’orienter leur action en faveur de la région proposée.

Mohammed Kachani, de l’université Mohammed V-Agdal-Rabat a dirigé une table ronde. Mme Aida Bianca Balamaci, qui a suivi des projets trois ans durant, a mis l’accent sur l’importance du niveau régional et local qui peut le mieux identifier les partenariats. Coopération décentralisée, échange et partenariat entre ONG et communes, importance du partage de l’information, renforcement des capacités, formation sont autant d’atouts pour permettre la multiplication de ces projets. L’Union européenne et le PNUD ayant publié un excellent manuel pour les praticiens et décideurs politiques qui tire ses informations des expériences de terrain menées par les ONG. L’exercice de codification des chercheurs analyse les processus et dynamiques de l’Initiative migration et développement après le traitement de quelques 121 questionnaires remplis par les bénéficiaires.

Au-delà des résultats de l’Initiative conjointe proprement dite, le comité directeur de l’Initiative (PNUD, OIM, HCR, et FNUAP) a proposé d’entamer une réflexion sur les actions futures en matière de migration et développement en associant aussi d’autres acteurs. Cette réflexion est importante en vue de la deuxième phase de l’Initiative conjointe en cours de préparation et du débat mondial en cours sur l’importance de lier la migration et le développement, tel que souligné à plusieurs reprises lors du Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD). L’élargissement à d’autres acteurs de la société civile et aux institutions, surtout à la Fondation Hassan II pour les MRE et au ministère Chargé de la Communauté des MRE, est important afin de garantir une meilleure prise de conscience des avantages potentiels de l’approche M&D et un meilleur ancrage institutionnel.

La Coopération suisse, représentée lors de cette journée par Thomas Ruegg, qui a félicité tous les acteurs qui se sont impliqués dans le projet, a décidé d’appuyer cet événement final en raison de son rôle actif dans le cadre du Forum mondial sur la migration et le développement dont elle avait la présidence en 2011. La Coopération Suisse a également appuyé la réunion du FMMD sur «la contribution des associations de migrants au développement» qui s’est tenue du 20 au 22 septembre 2011 dans la province de Taroudannt, au sud du Maroc.

25/9/2012,  Farida Moha

Source : LE MATIN

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