mercredi 27 novembre 2024 22:33

Renforcer nos liens avec le Maroc : pour un partenariat stratégique

Depuis 2011, le Printemps arabe a largement reconfiguré le monde arabo-musulman, entre les révolutions libyenne et égyptienne, la guerre civile en Syrie, l’instabilité en Irak, la fragilité libanaise et la jeune démocratie tunisienne.

Dans le Golfe persique, malgré le coup d’arrêt aux tentatives de déstabilisation des régimes porté par les pétromonarchies au Bahreïn, l’histoire n’est pas encore écrite. Ce qui est certain, c’est que le monde arabo-musulman est entré dans une période de grande transition où les guerres civiles et les incertitudes géopolitiques font peser une lourde hypothèque sur l’avenir de la région.

Dans ce cadre, quelques pays émergent, dans la région de l’arc arabo-musulman, comme des îlots de stabilité et de prospérité, tout particulièrement le Maroc et la Jordanie. Ces deux monarchies – l’une au Maghreb, l’autre au Moyen-Orient – sont d’ailleurs de précieux alliés pour les pays occidentaux et des relais de croissance pour la région. A ce titre, la question d’un partenariat stratégique entre la France et ces deux pays devrait être étudiée. Comme tout partenariat stratégique, celui-ci ne saurait être qu’à double sens, c’est-à-dire favorisant les échanges et les investissements croisés.

S’agissant du Maroc, il serait légitime, au regard des relations anciennes qui unissent Paris et Rabat, que la France prenne une initiative forte. Notre relation économique avec le Maroc est historiquement très étroite : premier fournisseur, premier client, premier investisseur, première destination étrangère pour les étudiants marocains. Il existe 1.200 implantations françaises qui représentent plus de 100.000 emplois au Maroc. A juste titre, les pays émergents lointains – à l’instar des BRICS – dominent le devant de la scène médiatique française, mais le niveau de nos échanges avec le Maroc est supérieur à celui de notre commerce bilatéral avec le Brésil. Cependant, la position française est également fragile, à l’heure où la Chine investit massivement en Afrique, tandis que l’Espagne, l’Allemagne, et désormais les Emirats Arabes Unis sont de plus en plus présents. Ainsi, les Emirats arabes unis viennent de racheter un opérateur de téléphonie mobile au Maroc à Vivendi.

La proximité de nos liens économiques, commerciaux et culturels est certes due à l’histoire, mais également à la stabilité politique et institutionnelle du Maroc. Mohammed VI, le roi du Maroc, monté sur le trône en 1999, a su conduire une politique mêlant ouverture politique, stabilité du cadre juridique et fiscal et encouragement à investir pour les étrangers. En moins de dix ans, l’accès à l’eau et à l’électricité est passé de 60% à 100% de la population, permettant l’émergence d’une véritable classe moyenne.

La relation privilégiée entre Paris et Rabat doit désormais être mieux encadrée. Cela pourrait notamment passer par la conclusion d’un partenariat stratégique qui porterait sur les grands projets d’infrastructures du pays et les investissements croisés. Les tramways de Rabat et de Casablanca, le futur TGV, le port de Tanger Med mobilisent ainsi un milliard d’euros de crédits français à conditions privilégiées, et contribuent au développement d’une industrie locale. Ils constituent le fondement d’un partenariat étroit qu’il convient de développer.

De plus, les autorités marocaines souhaitent passer à une nouvelle étape de notre relation, notamment depuis la réconciliation diplomatique récente entre Paris et Rabat. De ce point de vue, la France et le Maroc auraient profit à travailler davantage ensemble pour conquérir de nouveaux marchés, notamment dans les pays africains où les grands émergents sont des concurrents directs – en Afrique anglophone et lusophone notamment où la Chine et le Brésil sont très présents. Cette alliance en Afrique pourrait ainsi constituer une nouvelle frontière pour les relations franco-marocaines.

Il nous faut aussi aider le Maroc pour affronter les défis de l’émergence : la formation professionnelle de la jeunesse, la modernisation des infrastructures et la consolidation d’un tissu industriel local. Sur ces sujets, il convient de réfléchir au développement des investissements croisés pour lesquels quelques grands groupes pourraient être mobilisés.

Ainsi, la Société nationale d’investissement (SNI), fonds souverain marocain, pourrait utilement cofinancer des projets avec l’appui de l’Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations, que ce soit au Maroc, en France, voire même dans le Golfe et dans certains pays émergents africains, tels que l’Angola, le Mozambique, la Côte d’Ivoire ou le Ghana. Ces institutions pourraient également travailler à la constitution d’une grande offre de formation professionnelle au Maroc, et organiser des échanges entre leurs équipes.

En effet, la SNI, dirigée par Mounir Majidi, est en pleine transformation avec la constitution d’un fonds d’investissement qui prenne des participations non majoritaires sur des secteurs en croissance, et s’ouvre à des partenaires étrangers. La SNI est désormais en mesure de monter des projets complexes, notamment dans les secteurs des finances, de l’énergie, de la distribution, des télécommunications et du tourisme, avec une priorité géographique donnée à l’Afrique.

Désormais, il convient de prendre conscience que notre relation avec le Maroc n’est pas simplement un enjeu pour nos deux pays, mais plus largement un défi pour les relations entre le Maghreb et l’Europe. A ce titre, il nous appartient de ne pas laisser cette relation se distendre, mais bien au contraire de la renforcer. Nos projets croisés sur le continent africain peuvent nous y aider.

02 mars 2015

Source : lopinion.fr

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