"Bien évidemment les clôtures permettent" d'empêcher l'arrivée des migrants. En campagne pour les Régionales allemandes dimanche dans le Bade-Wurtemberg, le coprésident du parti populiste AfD, à qui les sondages prédisent une percée spectaculaire, avance ses propositions pour "une politique migratoire enfin réaliste".
Pour Jörg Meuthen, également tête de liste de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) dans cette région du sud-ouest du pays frontalière de la France et de la Suisse, il faut se barricader au plus vite après l'arrivée d'un million de demandeurs d'asile en 2015.
"Stopper le chaos de l'asile!" est d'ailleurs l'un des slogans qui s'étalent sur les affiches de ce jeune parti créée il y a tout juste trois ans sur une plateforme anti-euro.
M. Meuthen, professeur d'économie de 54 ans prend pour modèle "les enclaves espagnoles de Melilla et Ceuta" au Maroc où une double clôture de six mètres de haut dissuade les candidats à l'exil vers l'Europe. "Ils sont obligés de contourner toute la Méditerranée", explique-t-il.
Plus de trois cents personnes sont venues l'écouter ce soir-là, dans le Centre culturel et de congrès de Friedrichshafen, cité sage de maisons proprettes rangées au bord du lac de Constance.
'Trop' de migrants
Jörg Meuthen, lunettes fines, costume gris et cravate bien mise, prône "la fermeture des frontières" pour résoudre la crise migratoire, qui fait tanguer l'Allemagne et l'Europe et est devenue le thème de campagne numéro un pour ce scrutin régional et ceux qui ont lieu le même jour dans deux autres régions.
"Nous avons déjà trop de gens ici", juge-t-il devant un public aussi âgé qu'élégant.
"Et nous ne pouvons pas et ne voulons pas intégrer tout le monde", poursuit-il. Dans l'auditoire, une femme s'empresse de préciser les choses: "et surtout parce que eux ne veulent pas s'intégrer!"
La candidate de la circonscription de Friedrichshafen, Alice Weidel, évoque elle la "tradition sexuelle orientale" incompatible avec les valeurs européennes et qui a mené, selon elle, aux agressions contre les femmes du réveillon du jour de l'An à Cologne.
Le discours marche. Dans le Bade-Wurtemberg, l'AfD est crédité de 11 à 13% des intentions de vote, ce qui pourrait le propulser troisième force politique régionale dimanche soir, au coude-à-coude avec les sociaux-démocrates.
Cette région prospère est l'une de celles abritant le plus grand nombre de réfugiés en Allemagne.
Pourtant Friedrichshafen n'a rien perdu de son éclatante santé économique. Le chômage est à 3,4% sur les rives du lac de Constance où règne le "Mittelstand", un réseau dense de petites et moyennes entreprises qui ont fait le succès de l'économie allemande.
Et dans les deux autres Länder qui votent le 13 mars, la Rhénanie-Palatinat et la Saxe-Anhalt, l'AfD est aussi en bonne position malgré de multiples dérapages verbaux, laissant craindre pour la première fois depuis 1945 l'émergence en Allemagne d'une véritable force populiste de droite.
Un score à deux chiffres n'augurerait rien de bon pour la CDU de la chancelière Angela Merkel, qui subit des pressions énormes, y compris dans sa famille politique, en raison de sa politique de la main tendue aux cohortes de malheureux fuyant les guerres d'Irak et de Syrie.
'Pas un nazi'
Puisant dans les bas-fonds du populisme et de la démagogie, l'AfD défend dès lors une refonte du droit d'asile jugé trop "généreux" et une politique conséquente d'expulsions car "un très grand nombre" de migrants "ne sont pas des réfugiés".
"Ils viennent de pays qui certes s'en sortent moins bien que nous ici mais ils ne sont pas persécutés ou menacés", assure M. Meuthen.
Cet aspect du discours séduit particulièrement Ralf Schanne, d'origine roumaine, venu applaudir à tout rompre M. Meuthen : "On ne peut pas accepter les migrants économiques, il a raison (...). On dit de ce parti qu'il est d'extrême-droite mais cet homme n'est pas un nazi!".
Jörg Meuthen assure aussi n'avoir rien à faire avec l'extrême-droite, préférant décrire les siens comme des "conservateurs de droite ou des libéraux de droite".
Et l'AfD se revendique "anti-système", fustigeant "les partis devenus des cartels", ces formations traditionnelles de centre-droit comme de centre-gauche qui dominent la vie politique depuis l'Après-Guerre.
10 mars 2016,Yannick PASQUET
Source : AFP