Les ministres européens de l’intérieur envisagent de permettre le rétablissement des contrôles aux frontières pendant deux ans. Un scénario inédit qui se réalisera en cas de manquements graves aux contrôles sur les côtes grecques.
Réunis à Amsterdam lundi 25 janvier, les ministres européens de l’intérieur ont fait un pas de plus vers la réalisation prochaine d’un scénario redouté par les plus fervents des partisans de Schengen : la transformation de l’exception en règle. Autrement dit, ils ont « invité » la Commission à préparer l’activation de l’article 26 du code régissant le fonctionnement de cet espace sans frontières dont la construction progressive, depuis 1995, figure parmi les réalisations les plus abouties de l’Union européenne (UE).
Appliqué, cet article permettrait aux pays membres de Schengen de rétablir pour une durée de deux ans les contrôles à leurs frontières. D’après les textes, leur rétablissement est possible pour une période maximale de six mois en cas de « menace grave pour l’ordre public et la sécurité intérieure ». Une disposition en vertu de laquelle l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark ou la Suède ont, face à l’arrivée massive de demandeurs d’asile, réorganisé des contrôles aléatoires à leurs portes ces derniers mois.
Une situation inédite
Également prévue par les textes, la prolongation du délai jusqu’à deux ans est quant à elle dotée d’un caractère absolument exceptionnel et n’a encore jamais été appliquée. Le scénario de son déclenchement pourrait figurer au menu de la réunion hebdomadaire des commissaires européens, ce mercredi 27 janvier, à Bruxelles.
Signe de l’extrême sensibilité de cette mesure, la mise en œuvre de l’article 26 est strictement conditionnée, devant être fondée sur l’existence d’« insuffisances graves et persistantes » aux frontières extérieures de l’UE. Une expression qui pourrait trouver son application en Grèce, où plus de 3 000 demandeurs d’asile débarquent chaque jour depuis les côtes turques avant de se diriger vers Athènes puis d’emprunter la route des Balkans vers le Nord de l’Europe.
Une procédure longue et encadrée
La Commission, qui a envoyé une équipe en Grèce en novembre dernier, rédige actuellement ses conclusions, dont la publication est attendue. Si elles sont alarmistes, elle donnera trois mois à Athènes pour améliorer ses contrôles puis, en l’absence de progrès, lancer la procédure de l’article 26. Les dirigeants de l’Union européenne (UE) pourront alors décider, à la majorité qualifiée, de donner la possibilité de maintenir des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen jusqu’à fin 2017.
La place de la Grèce en question
Pour certains pays qui la considèrent comme un maillon faible, il serait plus efficace encore d’exclure la Grèce de l’espace Schengen. C’est le cas de l’Autriche, dont la ministre de l’intérieur, Johanna Mikl-Leitner, a lancé cette menace à peine voilée : si la Grèce n’agit pas, « la frontière extérieure de l’Europe va se déplacer vers l’Europe centrale », a-t-elle lancé.
Exclusion impossible
L’idée d’une exclusion de la Grèce, juridiquement impossible (même si elle n’était que provisoire) car non prévue par les textes, suscite l’hostilité de plusieurs pays, comme l’Allemagne. « Des pseudos solutions, comme l’exclusion d’États hors de l’espace Schengen, ne font rien avancer, surtout, elles ne réduisent pas le flux des migrants et divisent l’Europe », estime son ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier.
Comme ce dernier, le ministre espagnol de l’intérieur, Jorge Fernandez Diaz a averti, mardi 26 janvier, des dangers d’un démantèlement de l’espace Schengen, rappelant qu’il « aurait un coût terrible, économique et surtout politique ».
26/01/2016, Marianne Meunier, Avec Camille Le Tallec
Source : La Croix