Un documentaire suisse, dérangeant mais éclairant, suit des clandestins attendant leur expulsion à Genève.
De ce film très fort naît une sensation persistante de malaise, renforcée par l’attitude volontairement « objective » du cinéaste.
En 2008, Fernand Melgar avait reçu le Léopard d’or au Festival de Locarno pour son précédent documentaire, La Forteresse, qui s’intéressait aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Suisse (1). Recevant pour la première fois l’autorisation de filmer l’intérieur d’un centre de rétention, il s’immerge cette fois dans l’établissement « vitrine » de Frambois, à Genève, où les demandeurs déboutés peuvent être détenus jusqu’à dix-huit mois – vingt-quatre il y a encore peu – avant d’être expulsés.
D’un côté, une vingtaine d’hommes emprisonnés, dans l’attente, à moins d’un miracle, de l’annonce du vol retour : vol régulier ou « vol spécial » pour les récalcitrants qui, comme en France, peuvent être ligotés. De l’autre, un personnel soucieux du bien-être des « pensionnaires », attentif à ce que tout se passe dans le calme, nouant avec les malheureux une relation qui se veut très humaine. Jusqu’au jour J.
Un cinéaste «engagé mais non militant»
De ce film très fort naît une sensation persistante de malaise, renforcée par l’attitude volontairement « objective » du cinéaste. Nul ne songerait à déplorer que ces hommes – qui ont tout de même la sensation qu’on les prend pour des criminels – soient mieux traités qu’ailleurs. Si rien n’autorise à dire qu’elle est feinte, l’extrême prévenance du personnel d’encadrement, mélange de politesse, de connivence et de paternalisme, devient pourtant rapidement insupportable. Tout à fait révoltante lorsqu’elle s’applique à planifier les départs, vécus comme autant d’arrêts de mort.
À cette « bienveillance » répondent heureusement quelques saines colères de détenus, pas dupes de cet « humanisme » à portée limitée. Tous ont accepté d’être filmés, y compris dans ces moments très difficiles, pour témoigner de leur situation. On aurait toutefois aimé, à un moment ou à un autre, recevoir plus directement leur parole.
Fernand Melgar qui se définit comme un cinéaste « engagé mais non militant », préfère – au risque de déstabiliser – renvoyer le spectateur à sa propre échelle de valeurs plutôt que de lui servir une indignation prémâchée. Récemment diffusé à la télévision, le film a provoqué dans la Confédération un très large débat public.
(1) Le film sort dans les salles françaises en même temps que « Vol spécial ».
27/3/2012, ARNAUD SCHWARTZ
Source : La Croix
«Vol spécial», plongée au cœur d’un centre de rétention
Publié dans Médias et migration
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