samedi 30 novembre 2024 03:54

Yemma, un roman qui rend hommage à une mère, à toutes les mères marocaines à l'étranger

Yemma, roman du maroco-néerlandais, Mohamed Benzakour, publié en langue hollandaise et traduit en arabe, rend hommage à une mère, et à travers elle à toutes les mères, qui devant les aléas de la vie, ont dû quitter la mère patrie pour s'installer à l'étranger.

Présenté vendredi dans le cadre des activités du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) au SIEL de Casablanca, le roman, qui en est à sa 4e édition aux Pays-Bas, est un récit passionnant voir tranchant et sans ambages sur le vécu quotidien et les souffrances d'une septuagénaire, mère de cinq enfants, restée hémiplégique suite à une opération chirurgicale.

L'ouvrage, qui a suscité un vif débat au sein de la société hollandaise au sujet de la prise en charge des personnes âgées d'origine arabo-musulmane dans les maisons de retraite en Hollande, planche sur cette problématique, mais d'une approche et d'un point de vue purement humain.

J'ai voulu donner la voix à ma mère, qui suite à sa maladie a perdu la sienne, et à travers elle à de milliers de femmes et hommes de la première génération de migrants se trouvant dans cette même situation aux Pays-Bas et ailleurs dans d'autres pays européens, a confié à la MAP le jeune auteur, né en 1979.

Ne parlant pas l'arabe, Benzakour a tenu à rendre hommage à sa maman, en s'adressant à l'audience en rifain, la seule langue que sa mère maitrise lors de la présentation de son œuvre au pavillon du CCME.
Malgré sa méconnaissance du rifain, sauf quelques exceptions, l'audience a été fortement touchée par la profondeur des réflexions de l'auteur, sociologue de formation, mais journaliste par providence. Des larmes étaient au rendez-vous.

Benzakour, qui pour son roman Yemma, a reçu le prix E. du Perronprijis, décerné annuellement aux personnes ayant contribué à travers leurs ouvrages culturels au renforcement de l'entente et la cohabitation entre les différents groupes ethniques aux Pays-Bas, s'interroge sur l'adéquation des services de santé et d'accompagnement qu'offre l'Etat hollandais aux émigrés, en général, et aux pensionnaires des maisons de retraite en particulier.

"On a souvent entendu parler du multiculturalisme, notamment dans les médias, ainsi que des mesures prises par le gouvernement pour le renforcer davantage, mais on ne voit rien sur le terrain. Ces annonces sont restées lettres mortes", s'indigne-t-il.

Des questions, d'une simplicité intrigante, qui s'avèrent hautement complexes au moment d'y trouver des réponses, telles le droit des pensionnaires des maisons de retraite à rester connectés à leur culture d'origine en regardant les chaines de télévisions de leurs pays ou à savourer de temps en temps un plat authentique de la mère patrie.

"Nous sommes cinq enfants, dont deux filles, à prendre soins de notre mère, ce qui n'est pas le cas de milliers d'immigrés, qui n'ont pas eu cette chance", ajoute ce natif du Rif marocain, près de Nador, qui, larmes aux yeux, se demande comment une femme a pu prendre soins pendant plus de 40 ans de cinq enfants, alors que lui et ses frères et sœurs éprouvent énormément de difficultés à s'occuper d'elle, depuis qu'elle est malade, cela fait une année. Elle qui a perdu tout son bagage linguistique sauf trois mots ou phrases "Ya Allah ! Ya rebbi et Mohamed", son nom.

Dans son récit, Benzakour, connu en Hollande pour ses écritures brulantes sur les sujets de multiculturalisme et la religion, interpelle aussi les autorités sur le droit des personnes âgées, notamment les femmes, pensionnaires desdits centres, au respect de leur intimité et de leurs valeurs religieuses tels le port du voile ou encore l'aménagement d'espaces appropriés pour pratiquer leur culte religieux.

Interrogé sur "Yemma" M. Kacem Achahboune, traducteur de l'ouvrage, souligne que Benzakour maitrise grandement la langue hollandaise, ce qui a rendu très difficile, voir compliquée, la tâche de traduire le roman en arabe, qui lui a pris une année entière.

L'autre défi est comme il est le cas pour tout traducteur est la fidélité au texte original, souligne M. Achehboune, relevant que son grand souci fut de ne pas s'éloigner de l'esprit du texte pour rapprocher, de la meilleur façon possible, et transmettre fidèlement, au lecteur les sentiments tels qu'ils ont été exprimés par l'auteur.

"Le roman m'a profondément touché, car il me rappelait ma mère, ses sacrifices et ses souffrances lors de ses derniers jours avant de rendre l'âme", a indiqué M. Achehboune. "Je trouvais dans les larmes silencieuses le meilleur refuge", a-t-il souligné.

Par ailleurs, il a estimé que la traduction de cet ouvrage à partir d'une langue peu connue au Maroc enrichirait la langue arabe de nouvelles expressions puisées dans la langue et culture hollandaises, relevant que ce roman est devenu une référence aux Pays-Bas, utilisé par les autorités pour sensibiliser les travailleurs de la santé aux problèmes exposés par Benzakour et les approcher de la culture et des traditions des migrants, notamment d'origine marocaine.

21 févr. 201, Idriss TEKKI

Source : MAP

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