mardi 26 novembre 2024 18:42

Younès Duret, un Français qui a eu la nationalité marocaine

Sept ans après son entrée en vigueur, s’il y a une catégorie de personnes à qui profite réellement la Moudawana, ce sont les enfants nés de mères marocaines et de pères étrangers qui peuvent demander la nationalité marocaine. Le Code de la famille a octroyé à la femme marocaine le droit de pouvoir transmettre sa nationalité à ses enfants.

Younes Duret, jeune designer talentueux de 31 ans fait partie de cette catégorie de personnes. Il est né à Casablanca de mère marocaine et de père français et a grandi à Bordeaux en France. Avant la Moudawana, il était français et ne pouvait revendiquer sa marocanité. Aujourd’hui cela fait trois ans qu' il a la nationalité marocaine. Il raconte pour la première fois ce que la nationalité marocaine représente pour lui.

Yabiladi : Pourquoi avez-vous tenu à avoir la nationalité marocaine ?

Younès Duret : Ma mère est marocaine, mon père est français. J’ai toujours vécu entre le Maroc et la France. Dans ma tête je suis autant marocain que français et français que marocain. Puis tout d’un coup c’est devenu complètement naturel. Je ressentais clairement un manque et un vide. Je venais au Maroc pour être avec mes clients et ma famille mais j’étais le seul qui n’était pas Marocain. Après, on peut me dire que je ne suis pas obligé d’avoir la nationalité marocaine pour me sentir Marocain mais dans la mesure où je viens m’installer au Maroc, que je crée ma société au Maroc, que je paie mes impôts au royaume et quand je gagne un prix de design, je suis marocain. C’est complètement normal que j’ai la nationalité et que je puisse la revendiquer. Quand on m’interviewe dans les magazines de design, je me positionne toujours en tant qu’artiste marocain. Par contre, je n’ai pas eu envie de changer mon nom de famille français, j’ai préféré le garder. Je le trouve beau.

Comment a réagi votre maman lorsque vous avez eu la nationalité marocaine ?

YD : Déjà, quand la loi est passée en 2004, ma mère a pleuré parce que ça lui avait fait du mal de voir ses enfants ne pas être reconnus dans le pays dans lequel elle est née. Pour elle, tu ne devrais pas avoir de choix à faire entre un pays que tu aimes et ta famille que tu aimes aussi. Quand la loi est passée, le fait de donner la possibilité de reconnaître la marocanité de ses enfants a inondé ma mère d’émotions avant même que je n'entreprenne une quelconque démarche. Ensuite, j’ai fait naturellement la demande.

Comment cela s’est-il passé sur le plan administratif ?

YD : C’était génial ! Il m’a fallu trois mois pour avoir la nationalité marocaine. C’était très facile. Au départ, je ne vous cache pas que j’étais anxieux d’aller au tribunal et dans d’autres administrations marocaines. Mais au final, quand je suis arrivé, le personnel était très agréable et souriant. Il était limite excité que je demande la nationalité marocaine. Il y a même un des juristes au tribunal qui m’a dit « ce ne sont que des papiers qui te permettent de te déplacer au royaume mais tu es marocain. »

Parlez-vous l’arabe ?

YD : Non, je ne parle pas super bien l’arabe, j’apprends la darija. Par contre, je comprends tout. Mais cela ne m’empêche pas d’échanger avec les autres Marocains et de partager la même envie et la même énergie de faire avancer notre pays.

Comment avez-vous appris que vous aviez eu la nationalité ?

YD : C’était très drôle ! Alors qu’en France, on te fait toute une cérémonie en chantant la Marseillaise, ici au Maroc, c’est un simple employé administratif qui m’a fait un papier, sur lequel il a fait 14 tampons comme ils aiment le faire ici et il m’a lançé « safi khouya hak » ! (c’est bon mon frère tiens !) en me le tendant. Moi au départ, je m’attendais à quelque chose de plus solennel et en fait c’était très simple.

Yabiladi : Quand vous voyagez, quel passeport utilisez-vous ?

YD : J’avoue que pour le côté pratique, je prends mon passeport français quand je voyage. Mais encore une fois, il ne s’agit là que d’un papier. Cependant, ça me fait mal au cœur de voir un de mes cousins ou une tante faire une queue interminable pour demander un visa au consulat français. Ce sont des choses qui me dépassent et qu’heureusement je ne vis pas parce que j’ai cette chance d’avoir la nationalité française. Il ne faut pas croire que j’ai quitté la France parce que je n’aimais pas la France. Je ne peux pas ne pas l’aimer puisque mon père est français.

12/12/2011, Hanane Jazouani

Source : Yabiladi

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