L’Islam est depuis le début du XXIème siècle, l’une des principales questions à la fois religieuses et politiques posées dans les pays non musulmans. Plus particulièrement en Europe. Lorsque la spiritualité d’un échantillon de l’Humanité devient une question politique qui réveille la bête en l’Homme, cela ne peut que susciter inquiétude et questionnement sur la régression de la politique dans le monde qui a cédé l’un de ses biens les plus précieux : le temps de la réflexion, celui de la Raison .
Des millions de musulmans vivant en « terre non musulmane » vivent sous la menace de l’amalgame à cause d’une poignée d’individus désignés comme musulmans, qui mettent le monde à feu et à sang en commettant des crimes abominables au nom d’une religion méconnaissable tant elle est dénaturée. Cette prise en otage de centaines de millions de musulmans vivant leur religion dans la quiétude et la normalité, a aujourd’hui des conséquences dévastatrices sur l’équilibre du monde.
Les démocraties « occidentales » piégées « à l’insu de leur plein gré », dans la mesure où l’Histoire finira un jour par avoir gain de cause, et montrer que la percée de ces mouvements de terreur radicaux sont aussi les monstres engendrés par ceux-là même qui aujourd’hui pointent du doigt une religion et des citoyens dans le monde entier.
Signe alarmant de ce phénomène: la montée « démocratique » des droites extrêmes dans une Europe qui connaît une crise identitaire sans précédent. Les pays scandinaves, ceux de l’Est devenus récemment membres de l’Union européenne, ceux qui furent à l’origine de la création de cette Europe qui devait être un espace de paix... Tous voient ressurgir un racisme institutionnalisé, parfois en passe de prendre le pouvoir avec pour seul leitmotiv le rejet de l’immigration et de l’islam. En témoigne le plus récent exemple en date : en France , le dimanche 13 décembre 2015, il a fallu que la gauche et une partie de la droite républicaine fassent barrage au deuxième tour des élections régionales à un Front National (FN) qui s'était illustré comme le premier parti de France une semaine plus tôt, pour que la France "sauve son honneur" de terre des Lumières.
Si des questions doivent être posées et des réponses apportées, sur la manière dont la religion musulmane est hélas défigurée, dénaturée, réduite à néant, par des prêcheurs qui incitent les fidèles à vivre en marge de leurs sociétés d’accueil en les poussant à une communautarisation périlleuse parce qu’elle ne peut résulter que sur le rejet et de la « résistible ascension » des mouvements les plus racistes et xénophobes, cela n’absout pas le rôle et les discours parfois irresponsables des politiques européens.
CCME
Pour la commémoration du cinquantième anniversaire de la convention belgo-marocaine du 17 février 1964, le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) organise, une table ronde sur avec la participation de représentants des gouvernements des deux pays, de chercheurs, et d'acteurs du monde économique, associatif, et culturel.
Il y a exactement 50 ans, le 17 février 1964, le Royaume du Maroc et le Royaume de Belgique ont signé à Bruxelles une convention relative à l'emploi des travailleurs marocains en Belgique. Par les dispositions de cette convention, les gouvernements des deux pays désirent faciliter le recrutement de travailleurs marocains pour les besoins des industries belges, et de fixer les conditions de leur recrutement et de leur travail. La signature de la convention est passée totalement inaperçue à l'époque, et ce texte qui marque symboliquement les débuts de la présence marocaine en Belgique ne sera publié au «Moniteur» belge qu'en juin 1977.
La date du 17 février 1964 est devenue une référence pour baliser l'histoire de l'émigration marocaine en Belgique dont la présence dans ce dernier pays remonte au début du siècle dernier. En 1930, la Résidence Générale de la République Française au Maroc et le Royaume de Belgique ont signés une convention sur « la réparation des dommages résultants des accidents de travail ». Au lendemain de l'indépendance, le gouvernement marocain a pris en 1957 des contacts directs avec les autorités belges pour le placement de travailleurs marocains dans les mines belges.
Avec MM. Abdellah Boussouf, secrétaire général du CCME et directeur du Centre euro-islamique pour la culture et le dialogue (Charleroi), Khalid Hajji, secrétaire général du Centre européen des oulémas marocains (CEOM) (Bruxelles), Baudouin Dupret, directeur du centre Jacques Berque (Rabat) et Farid El Asri, docteur en anthropologie.
Donnant le coup d'envoi de cette rencontre, M. Boussouf a répondu à la question d'un journaliste : Y a-t-il un islam belge?
"Oui, l'islam est une religion unique mais elle prend en considération les spécificités belges, les spécificités de chaque pays ou il sera pratiqué. La laïcité est d'ailleurs considérée autrement en belgique, puisque l'état reconnaît les religions et finance les institutions religieuses", a-t-il affirmé.
Selon M. Boussouf, "dans la plupart des cas en Europe, le premier enjeu est d'avoir un interlocuteur identifié. Le deuxième, c'est un enjeu sécuritaire pour les pays : les pays ont peur des agissements des groupements religieux. Ceci a mené à l'organisation des communautés musulmanes, d'où le besoin d'acclimater l'islam et de l'adapter aux réalités européennes, ce qui nous amène aux appellations islam français, islam belge".
"En Europe 3 pays reconnaissent l'islam : l'Autriche du temps des Ottomans, la belgique en 1974 et l'Espagne en 1992", a précisé le secrétaire général du CCME, ajoutant que "les expériences d'organisation des communautés musulmanes ont presque toutes mené à l'échec. C'est dû en partie à l'implication des politiques et des associations, ce qui rend l'islam dépendant des élus politiques et vulnérable face aux alternances".
L'intervention de M. Farid El Asri s'est par ailleurs intéressée au lien ombilical de l'islam en Europe avec l'immigration : "Islam et migration sont étroitement liés, les musulmans sont pour la plupart issus de l'immigration. Ceci a ramené la société à le considérer comme venant d'ailleurs, d'où toute les difficultés autour de cette question".
Ainsi l'ancrage de l'islam dans la société belge est passé par plusieurs étapes : "l'entrée de l'islam dans le débat s'est imposé quand la présence est devenue visible, je pense notamment au voile. Il y a eu une crispation au début, menant des fois à l'intégrisme, même en politique, à l'émergence de la droite extrême. La deuxième étape après la visibilité sera l'épreuve du nombre, les musulmans deviennent visibles et nombreux".
M. El Asri a conclu sur une note pessimiste : "si l'assimilation de l'islam échoue en Belgique, avec tous les moyens que ce pays offre, un petit pays en plus, ceci pose de profondes questions mais surtout de la crainte pour son assimilation en Europe", puisque "la belgique est un cas particulier, elle finance les mosquées, paye les oulémas, les professeurs d'éducation islamique, ce qu'on ne trouve pas toujours, même dans les pays musulmans", a-t-il poursuivi.
Une crainte que M. Khalid Hajji partage également : "le moins que l'on puisse dire sur les défis de l'islam en Europe c'est qu'ils sont très durs à relever."
M. Hajji soutient que la plus grande part de responsabilité sera endossé par les musulmans eux-mêmes : "le danger est le suivant : ils se rassemblent, ils ont des revendications qui leur semblent prioritaires, mais à force de vouloir s'affirmer ils se renferment et et ne prennent pas en considération le climat dans lequel ils évoluent. Le déficit est principalement remarquable dans le discours intra communautaire".
Afin de dépasser les obstacles de l'assimilation de l'islam en Europe M. Hajji préconise "l'installation de l'esprit de la négociation". Les manières d'interpréter l'islam ou de le pratiquer constituent toutefois un obstacle à cette assimilation : "l'essence de la religion est unique mais les façons de le pratiquer ou de l'interpréter et les références sont diverses".
Selon M. Hajji, le principal défi à relever par les musulmans d'Europe est relatif à l'identité "comment créer un équilibre entre son appartenance européenne et sa croyance".
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