vendredi 22 novembre 2024 14:51

Immigration en France : Bientôt une loi qui vise les cerveaux

Par : Hamid Soussany Par : Hamid Soussany

Un débat inédit au parlement français sur l'immigration, sans vote:
D’abord c’est un engagement du Président de la République François Hollande, de permettre un débat parlementaire sur la question sensible de l’immigration notamment en période de crise. Il faut bien préciser que c’est un débat sans vote, et il porte uniquement sur l’immigration légale, exclusion faite donc, des questions relatives à l’immigration irrégulière ( régularisation ou expulsion), et de l’immigration familiale. Il s’agit d’un débat parlementaire en préparation d’une future loi sur l’immigration professionnelle et étudiante qui pourrait être présentée au vote l’été prochain.

Si le débat au Sénat a eu lieu le 16 Avril sans grand fracas, l'assemblée nationale se saisira du sujet le 29 Mai.

(( Si le sujet de l’immigration en France est présent de manière récurrente dans le débat public, la réalité des flux migratoires est trop souvent méconnue ou présentée à des fins polémiques ))
C’est dans ces termes que le rapport édité par le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration introduit son étude sur les données de l’immigration professionnelle et étudiante en France. Il est intéressant de se pencher  sur certains constats, dont voici la synthèse.

L’immigration professionnelle demeure très limitée :

Bien que la politique publique menait ces dernières années visait à rééquilibrer la part de l'immigration professionnelle par rapport à l'immigration familiale, celle-ci, a eu des effets très limités sur les flux migratoires. La crise économique et la complexité du cadre juridique sont les deux grands freins identifiés à l'immigration professionnelle qualifiée. Alors, que celle-ci est considérée comme un levier important pour la stratégie internationale des grandes entreprises.

Nombre de changements de statut « étudiant » vers « salarié »:
2011 = 6 753 ;  2012 = 7 485

La France, n'est plus un grand pays d'immigration:

Le recensement de 2009, comptait 5,4 millions d’immigrés en France, soit l’équivalent de 8,4 %
de la population. Parmi ces immigrés, 3,7 millions étaient étrangers et 1,7 million avaient acquis la nationalité française. Le niveau de l'immigration est donc considéré comme stable depuis 1975.
Ainsi, par exemple, l’Australie, le Canada, l’Espagne, les États-Unis ou l’Allemagne, pour ne citer que des pays de niveau de développement comparable, accueillent proportionnellement plus d’immigrés aujourd’hui que la France.

Le chiffre de l’immigration familiale en France est constant depuis 10 ans:

Qu’elle soit liée au regroupement familial des étrangers ou à l’installation des conjoints de Français et qui est également largement régie par des règles constitutionnelles et conventionnelles. Cette immigration concerne chaque année environ 90 000 nouveaux arrivants qui accéderont, pour certains d’entre eux, au marché du travail. Ce chiffre est constant depuis 10 ans.

Cette immigration familiale s’impose à la France en vertu du droit international et des règles constitutionnelles, au titre du respect du droit à une vie privée et familiale. Elle ne peut pas être régulée par les outils du droit du travail et de l’encadrement économique. C'est la raison pour laquelle le rapport ne l'aborde pas.

Accueil des étudiants étrangers et fuite des cerveaux:

La France se place dans la 5ème position, dans le monde, en matière d'accueil des étudiants étrangers. Les statistiques de 2010 :

1. États-Unis (684 807)
2. Royaume-Uni (397 741)
3. Australie (271 231)
4. Allemagne (263 972)
5. France (259 935)

Le dynamisme de la France en matière d’immigration étudiante se concentre principalement sur des étudiants déjà diplômés de l’université dans leur pays d’origine. L’accueil d’étudiants étrangers, est qualifié de ''défi stratégique et un levier essentiel d’une politique migratoire intelligente et responsable''.
Dans le monde, plus de 2,8 millions d’étudiants suivent leurs études dans un pays étranger.
Ce chiffre se situerait entre 6 et 8 millions d’ici 2020. L’internationalisation des études est un phénomène en marche.

Cependant, l'accueil des étudiants et diplômés dans les pays du Nord se traduit également par ce qu'on appelle la fuite des cerveaux, un phénomène préjudiciable au développement des pays du Sud. Ce phénomène signifierait que des étrangers qui ont accompli leurs études dans un pays de l’OCDE décideraient de rester dans ce pays ou dans un autre pays de l’OCDE pour des raisons de rémunération, mais aussi de cadre de vie et d’environnement professionnel, ce qui, in fine, se retournerait contre la capacité de développement des pays source.

Une recherche sérieuse en la matière fait le constat suivant: un tiers des doctorats en sciences et en sciences de l’ingénieur est décerné à des étudiants d’origine étrangère et que cette proportion frôle les 50 % pour les doctorats spécialisés en informatique ou en mathématiques.

Les Marocains, première communauté étudiante en France:

Les pays d’origine les plus représentés parmi les étudiants étrangers en France sont les pays du Maghreb (24,1 %) et la Chine (10,3 %). Près de la moitié des étudiants étrangers (46,5 %) est originaire d’un pays d’Afrique, 21,4 % d’un pays d’Asie et 18,6 % d’un pays de l’Union européenne.
La provenance des étudiants étrangers en France en 2011-2012 :
Maroc 32 482   11,3 %
Chine 29 696    10,3 %
Algérie 23 735   8,3 %
….

Les filières techniques et scientifiques prisées par les Marocains:

Les Marocains sont, en proportion, moins nombreux à l’université (59 %), mais plus présents en formations d’ingénieurs non universitaires (10 % contre 4 % pour l’ensemble des étudiants étrangers), en CPGE ( classe préparatoire aux grandes écoles) (4 % contre 1 %) et en IUT (5 % contre 3 %). Les étudiants chinois vont moins souvent à l’université (65 %) que l’ensemble des étudiants étrangers, mais un peu plus fréquemment dans les écoles d’ingénieurs non universitaires (7 %) et dans les écoles de commerce, gestion et comptabilité (9 % contre 6 % pour l’ensemble des étudiants étrangers).

Pour une généralisation du titre de séjour pluriannuel :

Le droit au séjour des étudiants étrangers en France est marqué par de nombreuses procédures administratives contraignantes et des possibilités limitées de changement de statut, qui souffre des interprétations abusives des services chargés du séjour en préfectures.
Le rapport préconise la généralisation du titre de séjour pluriannuel ( 3 ou 4 ans) et la simplification des procédures administratives en Préfecture.
L'immigration demeure un apport pour la France :

La fin du rapport, le réalisme du chiffre et de l'économie, se conjugue à l'éloge du genre humain et à la diversité culturelle, une formule dont les français connaissent le secret :

((Les étudiants étrangers diplômés en France apportent leur contribution à la croissance française
par leurs compétences, leurs qualifications et leur culture. L’objectif d’une immigration responsable
doit être de préserver et de renforcer cette relation privilégiée entre les nouvelles élites et la France.))

Même si l'issu de ce débat ne va pas révolutionner la politique migratoire en France, puisque sa portée est limitée et son champ d'action ne vise qu'une élite (personnes hautement qualifiées et étudiants diplômés), ce rapport a le mérite d'apaiser les tensions et de lever le voile sur un sujet tabou : l'immigration économique. Il s'attaque aux idées reçues, chiffres à l'appui, il confirme que la France n'est plus un grand pays d'immigration. Il dégonfle un certain type de discours politique qui a tendance à faire de la question de l'immigration son fonds de commerce électoral avec de l'exagération irrationnelle.
Le rapport, au contraire, pointe le retard de la France par rapport à d'autres pays européens en matière d'attraction de l'immigration professionnelle et qualifiée, avec ses conséquences négatives sur la compétitivité des entreprises françaises, et par ricochet sur la croissance, dans une économie mondialisée.

 

Par Hamid Soussany

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