C'est une revendication vieille de plus de 30 ans, portée par le candidat François Mitterrand lors de sa campagne présidentielle de 1981, et remise, depuis aux calendes grecques.
Il faut reconnaître que la montée du front national et le rejet des étrangers sont pour beaucoup, dans le gel de cette mesure.
Aujourd'hui, dans des circonstances de crise économique,de repli et d'islamophobie ambiante, sa réalisation devient encore plus improbable.
Les espoirs d'hier et les craintes d'aujourd'hui
A l'origine ce fut LA revendication de la grande famille de la gauche française, du parti socialiste à l'extrême gauche en passant par le parti communiste et les verts. Elle a été portée d'une manière continue par les associations de défense des droits des étrangers, des organisations anti-racistes ainsi que le mouvement associatif issu de l'immigration des années 80.
Mais, à vrai dire, il n'y a pas eu que cette mesure qui a été rangée au placard, le parti socialiste a dû réviser beaucoup de ses positions dans le cadre de son virage social-démocrate, entamé par F. Mitterrand à partir de la fin de son premier mandat présidentiel.
"La France ne peut accueillir toute la misère du monde": cette phrase prononcée par Michel Rocard en 1989, symbolise à elle seule, ce tournant du parti socialiste dans le traitement de la question de l'immigration.
Bien entendu le retour de la droite au pouvoir depuis 1995 n'a fait qu'enterrer davantage la question du droit de vote des étrangers aux élections municipales.
Cependant, depuis les années 80 à aujourd'hui, le paysage socio-politique de l'immigration en France a beaucoup changé. Les enfants issus de l'immigration, dont ceux de la génération de la marche des beurs, ont grandi, et sont eux mêmes devenus parents d'enfants nés français. Ils se sont insérés dans la vie politique française, beaucoup d'entre eux ont des responsabilités au sein des partis politiques, ou dans les collectivités locales en tant qu'élus. C'est une avancée qui est lente mais réelle et très significative. De ce point de vue, la question du droit de vote des étrangers devient désuète, et pourrait même être perçus par ces nouveaux français comme une régression qui les ramèneraient en arrière.
Les risques politiques
Lors des dernières élections présidentielles, le candidat François Hollande, avait brillamment évité de faire de la question du droit de vote des étrangers, une des questions centrales de sa campagne, bien que cette promesse était inscrite dans son programme. Il savait qu'une telle mesure pouvait lui coûter des voix. La droite, sentant le bon filon, avait d'abord commencé par attaquer sur les intentions, non fondées d'ailleurs, du Parti Socialiste de mener une opération de régularisation massive des étrangers en situation irrégulière, pour terminer vers les derniers jours de la campagne, en tapant pratiquement chaque jour, sur la promesse d'accorder le droit de vote des étrangers aux élections locales. Ce qui a permis à Nicolas Sarkozy de remonter dans les intentions de vote.
Il est évident qu'une telle mesure, donnera de la voix aux forces politiques conservatrices qui s'y opposent, droite et extrême droite.
Le gouvernement vient de passer une rude épreuve suite à la loi sur le mariage pour tous, il serait hasardeux de se lancer dans un projet de loi, qui pourrait à nouveau cristalliser l'opposition de droite et de son extrême contre lui.
Dans les quartiers et banlieues, la situation politique a beaucoup changé. Les militants associatifs de gauche ont cédé le terrain à des associations musulmanes dont les animateurs sont de redoutables militants politiques, qui par le biais des salles de prière et des cours de religion, ont accès directement à la population d'origine étrangère et s'offrent donc des tribunes quotidiennes.
Le grand risque, est que ces militants religieux pourraient utiliser le droit de vote de ces populations pour prendre plus de pouvoir dans les cités et monnayer les voix des ''fidèles'' pour faire aboutir des revendications religieuses et communautaristes.
D'autres seraient tentés de constituer des listes dites autonomes, avec des spécificités communautaires ou de territoires de nature à porter atteinte à la cohésion sociale et aux principes de la laïcité.
Mesure impopulaire et patate chaude
Deux sondages successifs montrent la réticence grandissante des Français au droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales : 56% y est opposée selon un dernier sondage daté de février 2013.
Le droit de vote des étrangers nécessite une modification de la constitution et cette procédure requiert une majorité des 3/5 èmes du Parlement (Assemblée nationale et Sénat). Arithmétiquement, il manquerait une cinquantaine d'élus pour voir la réforme adoptée au congrès.
Lors de sa dernière conférence de presse, François Hollande a promis de rechercher une majorité, après l'échéance électorale de 2014, un texte «sera soumis au Parlement et le Parlement en fera l'adoption s'il le souhaite». C'est probablement une manière douce de passer la patate chaude, et de s'en débarrasser avec finesse, en laissant le soin au parlement de rejeter le droit de vote des étrangers non communautaires, aux élections locales.
Si la question du droit de vote des étrangers aux élections locales reste, une avancée en matière de participation citoyenne et de démocratie, il n'en demeure pas moins, qu'une telle mesure aujourd'hui, paraît décalée eu égard à l'évolution de la réalité de la population issue de l'immigration en France, elle pose également, des questionnements en termes de risques et d'opportunité politique, que le parti socialiste est en droit de se poser.