L'exercice du pouvoir est un chemin truffé d'embûches, comme en témoignent les affaires de différentes nature qui éclatent de temps à autre ici et là. En France, le débat fait rage depuis quelques jours au sujet de 3499 condamnations pénales susceptibles d'être prescrites suite à une erreur juridique ; 22 personnes ont déjà été remises en liberté !
Au Maroc, le scandale du pédophile gracié, puis incarcéré, pour annulation de la grâce royale, doit nous inciter aujourd'hui à tenter une analyse politique et à tirer les leçons qui s'imposent, afin qu'une telle bévue ne soit commise et surtout pour assurer plus de protection aux enfants victimes des abus sexuels.
Une vigilance citoyenne des marocains digne et salutaire qui force le respect
Au moment où des sociétés proches de nous, sont mises à feu et à sang par un printemps arabe plus proche des ténèbres, voilà que la société civile marocaine s'émeut et s'indigne face à une décision de grâce, qui n'a pas lieu d'être puisqu'il s'agissait d'un prédateur-criminel dont les victimes sont des enfants. Dans une réaction spontanée et citoyenne, les réseaux sociaux des marocains de l'intérieur et de l'extérieur se sont enflammés à une grande vitesse, pour exprimer une colère légitime, suivie d'une mobilisation sur la place publique avec des rassemblements et des manifestations.
Cette vigilance citoyenne est un signe d'une bonne santé mentale de notre société, malgré nos carences.
Une réaction du Roi digne et salutaire
Dans une démarche exceptionnelle, tout en expliquant que c'est à la suite d'une défaillance, et en méconnaissance des éléments du dossier, que cette grossière erreur a été accordée, le Roi a annulé la grâce. Ce qui a permis par la suite à la diplomatie marocaine de s'activer auprès des autorités espagnoles afin de réincarcérer Daniel-Nassreddine.
Chacun de nous a pu voir ces images du Roi recevant les familles des victimes, sans protocole, avec des accolades, dans un salon traditionnel marocain. Le Roi assis au milieu des parents, a pu les assurer de sa compassion et de son soutien. Il est évident que ce touchant accueil a été plus fort que les mots d'excuses publiques que certains réclamaient.
Malgré dans certains cas, une volonté de politisation à outrance de l'affaire, le Roi a démontré, encore une fois, sa capacité à surmonter une crise et peut être même la tourner à son avantage.
Faire de la lutte contre la pédophilie une cause nationale
Mais au-delà de l'affaire en elle-même, il nous faudra bien réfléchir à ce mal qui ronge notre société. La pédophilie et les agressions sexuelles envers les enfants sont d'abord le fait de marocains, souvent dans des contextes familiaux fermés, où la honte ''lehchouma'' est prétexte à une certaine omerta, une loi du silence coupable qui entoure souvent ces violations.
Des ONG marocaines avancent le chiffre alarmant de 71 cas de viols d'enfants par jour et 26 000 cas par an. Ce qui est inacceptable!!
Bien entendu, ce fléau n'est pas spécifique à la société marocaine, des pays voisins connaissent le même problème. Il faut l'affronter sans honte et dans la transparence. Il nous faudra tirer les leçons de cette affaire pour faire de la lutte contre la pédophilie une cause nationale :
- Lancer une campagne nationale de sensibilisation, dans laquelle le ministère de l'Education nationale pourra jouer un rôle primordial, y compris dans la durée. Les enseignants seront priés de faire des signalements aux services sociaux s'agissant des enfants présentant des ''signes'' de détresse.
- Durcir la pénalisation en matière de répression des délinquants pédophiles avec la création des peines planchers imprescriptibles, et la création d'une juridiction spécialisée pour le traitement des suites pénales.
- Créer des services spécialisés au sein des services de police et de gendarmerie, avec un personnel formé et sensibilisé pour recueillir les plaintes des victimes.
- Créer et renforcer les services sociaux avec les moyens nécessaires pour recueillir les enfants victimes d'abus sexuels en situation de danger afin de leur apporter le soutien psychologique et matériel qui s'impose.
- Création d'un observatoire national pour suivre l'évolution, faire le bilan et formuler périodiquement des propositions afin de mieux éradiquer ce fléau.
Bien entendu, il appartient aux responsables d'engager la réflexion et de prendre les initiatives au sujet des dispositions à prendre pour la protection de nos enfants.
L'indignation doit céder la place à la mobilisation et à l'espoir pour une société meilleure !
Par Hamid SOUSSANY