Les espagnols qui immigrent au Maroc sont 4 fois plus nombreux qu'il y a 10 ans. Ils seraient 10 000 à résider officiellement au Maroc, mais en réalité, ils seraient beaucoup plus nombreux, plusieurs dizaines de milliers dit-on, mais ce ne sont plus des hommes d'affaires, des enseignants ou de simples retraités qui viennent profiter de la vie moins chère, ce sont surtout des ouvriers, des peintres des maçons, des cuisiniers..fuyant la crise économique qui frappe l'Espagne depuis 2008, où le taux de chômage qui atteint 30% est un des plus fort en Europe, pour atteindre 55% chez les jeunes espagnols.
A Martile, petite ville balnéaire entre Tétouan et Sebta, l'église bâtie à la fin des années 40 sous le Protectorat espagnol, a réouvert ses portes pour accueillir ses nouveaux fidèles catholiques de retour qui résident désormais dans cette région du nord du Maroc.
Les effets de la crise économique et de cette ''inversion migratoire'' ont eu également des conséquences très visibles sur l'immigration clandestine des marocains vers l'Espagne. En effet, le nombre de migrants marocains tentant la traversée a baissé considérablement. Les pateras se font rares, le rêve espagnol s'est estompé.
Les marocains restent attachés à l'Espagne malgré la crise
Sur les 790 000 résidents marocains en Espagne, environ 240 000 seraient au chômage, (environ 70% de jeunes immigrés marocains d'Espagne sont au chômage) malgré cela, le plan de retour volontaire initié par le gouvernement espagnol depuis le début de la crise n'a pas emporté l'adhésion des marocains d'Espagne malgré la crise.
Le plan de retour volontaire proposait aux immigrés chômeurs de longue durée de pouvoir toucher leur allocation chômage en deux temps dont la 2eme tranche au Maroc, et de bénéficier d'une allocation de 11 000 euros afin de pouvoir monter sa propre entreprise, en contre partie ils devraient renoncer à leur titre de séjour en Espagne. Les statistiques officielles font état d'environ 13 000 bénéficiaires marocains alors que le gouvernement espagnol visait 100 000 retours volontaires.
Le Maroc, pays émergent et défi migratoire
Cependant, le phénomène des migrants espagnols au Maroc doit être relativisé et observé avec beaucoup de prudence.
Le Maroc subit aussi la conséquence de la crise financière et économique, avec un taux de chômage important et un PIB six fois inférieur à celui de l'Espagne, ne peut bien entendu présenter une alternative économique à la crise espagnole. Mais la multiplication des chantiers, la consolidation du secteur de l'agriculture comme un choix stratégique, le dynamisme économique marocain notamment dans le secteur touristique maintiennent une croissance annuelle moyenne d'environ 4,3% durant les cinq dernières années. Devenue 5ème puissance économique du continent africain, le Maroc a décroché sa palme de pays émergent.
Depuis 2000 des migrants subsahariens affluent sur le territoire marocain, via la frontière algérienne, au début avec une intention de transit pour finalement se transformer en migration stabilisée. Venant de pays d'origine de plus en plus diverse : comme le Nigéria, le Sénégal, la Gambie, le Mali, le Ghana, le Burkina Faso, le Niger, le Soudan, la Centrafrique et le Cameroun. On assiste même récemment à l'arrivée de nouveaux migrants asiatiques via la route saharienne, comme l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh.
Du nord au sud de sa géographie, le Maroc pays d'émigration est devenu aussi un pays d'immigration, ce qui confirme sa vitalité économique et sa stabilité politique.
La population du Maghreb atteint à peine les 80 millions. Plus au sud, l'explosion démographique des populations subsahariennes est en voie d'atteindre 1,5 milliard à l'horizon 2050, l'immensité des frontières, l'instabilité politique et social qui règne dans certains pays maghrébins, le manque de coordination entre les Etats seront autant de difficultés pour faire face au défi qui s'annonce.
Hamid Soussany