Dimanche 13/07/2014, des incidents ont eu lieu aux abords de la synagogue de la Roquette à Paris, à la suite d’une manifestation organisée contre le bombardement de Gaza. Au Maroc, le rabbin Moshé Ohayon a été agressé vendredi 11/7/2014 en pleine rue à Casablanca.
C'est inacceptable et inutile. La violence ne peut pas être une réponse à la violence. Les personnes qui ont organisé les incidents aux abords de la synagogue à Paris et l’agression du rabbin à Casablanca font le jeu des extrémismes. C'est exactement ce qu'il ne faut pas faire. Cibler des juifs qui prient dans leur lieu saint ou agresser un rabbin qui vient de finir son service de shabbat sont des images fortes qui servent la propagande des extrémistes. D’où la question : ceux qui ont organisé les incidents aux abords de la synagogue viennent-ils vraiment des rangs des manifestants ? Car à qui profitent ces incidents ? Certainement pas à ceux qui dénoncent le bombardement de Gaza. D’ailleurs une nouvelle manifestation pro-palestinienne vient d’être interdite aujourd’hui à Paris.
Beaucoup de juifs pratiquants ou pas dans le monde sont contre la violence, contre ce qui se passe à Gaza et ils le disent au risque de leur vie. Considérer tous les juifs comme des ennemis est un raccourci dangereux qui ne sert pas la paix. Faire cet amalgame et importer en France et au Maroc un conflit qui fait saigner tant de cœurs dans le monde est la même attitude condamnable que l’on dénonce chez les extrémistes de l’autre bord.
Nous condamnons fermement les incidents de la synagogue de Paris et l’agression du rabbin à Casablanca, tout comme nous condamnons les bombes qui pleuvent sur Gaza et les roquettes qui tombent en Israël. Nous condamnons la violence d'où qu'elle vienne sans langue de bois, car nous tenons à préciser que dans toute l'histoire de la colonisation, la résistance à l’occupant est une valeur célébrée et décorée.
Nous fêtons d'ailleurs le « 14 juillet » chez nous en France : c’est un évènement hautement patriotique qui rend hommage à la résistance qui a contribué à libérer la Nation et la France de l’occupation nazie.
Nous partageons en même temps la douleur des victimes juives et musulmanes et de leurs parents partout où elles sont la cible de la haine, de la violence et du fanatisme religieux ou politique, et nous réitérons l'appel lancé plusieurs fois par les nombreuses personnes qui croient encore en la vie et à la paix, aux décideurs politiques pour revenir à la raison.
Il y a suffisamment de place dans le monde pour vivre en paix. Pourquoi diable ces cœurs et ces esprits sont-ils si étroits ? Notre terre nourricière est assez fertile si on veut bien partager pour vivre ensemble. La terre est vaste, elle est aux terriens. Faire la guerre pour dominer et asservir est d'un autre âge : celui de l'ignorance. Nous vivons à l’époque de la communication et du dialogue. La violence n'est pas une solution. Parlons au lieu de nous tirer dessus.
Les scènes de douleur, de souffrance et de crimes qui endeuillent les nombreuses familles juives et musulmanes sont insupportables et inacceptables. Il y a trop de malheur. Ceux qui détournent les yeux pour ne pas voir, ou qui sont chargés de gérer l’émotion et laissent faire sont complices. Si les actes continuent à contredire les discours, si les décideurs ne quittent pas vite leur posture suspecte de spectateurs, si la seule façon de se parler est de larguer les bombes sur les civils et manipuler les esprits, il n'y aura bientôt plus personne pour croire aux valeurs universelles de justice, de liberté et d'égalité.
Damilaville écrivait déjà au XVIIIe siècle : " La guerre est un fruit de la dépravation des hommes; c'est une maladie convulsive et violente du corps politique; il n'est en santé, c'est-à-dire dans son état naturel, que lorsqu'il jouit de la paix".
Si l'on continue à entretenir ce cycle de violence, on aura alors brouillé tout repère moral pour une bonne partie de la jeunesse qui aspire à vivre en paix mais qui ne sait plus comment décoder le décalage entre les discours de la raison et les actes d’injustice flagrante et de folie meurtrière sur le terrain qui ensanglantent les âmes et les cœurs.
Si l’on continue à encourager un monde impitoyable où les valeurs qui comptent sont désormais le mensonge, le chacun pour soi et le crime déguisé, alors il ne faut pas s’étonner ni se plaindre de l’anarchie à laquelle personne ne pourra échapper, car contrairement à ce que l’on pense et on le sait, tout n’est pas prévisible.
Si l’on continue à laisser faire et à faire semblant de ne pas voir ni entendre, on aura alors entériné pour longtemps encore les valeurs inhumaines qui ont révolté tant de générations de penseurs : le fanatisme, l'intolérance, le racisme, la haine et le crime impuni.
Nous léguerons ainsi aux générations futures un monde pire que celui que l'ONU a fait mine de combattre jusqu'à présent. Les dernières nouvelles faisant état de terroristes capables de transporter des bombes indétectables car implantées dans le corps, devraient faire davantage réfléchir ceux qui laissent faire, ceux qui ne voient rien, n’entendent rien et ne disent rien.
Au lieu d’imposer la guerre, il faut imposer la paix. Sans le retour à la raison rapidement, le pire est à craindre, le pire est à venir.
Abdellatif Chamsdine est Chroniqueur-Enseignant engagé dans la réflexion et la recherche sur l’Education et la Diaspora marocaine, président Fondateur de l’AFM2R (Association Franco-Marocaine des 2 Rives)
Paris, le 14/07/2014.