vendredi 22 novembre 2024 14:10

Islam de France : constat et réalités amères.

L'expression « l'islam des caves » ne désigne-t-elle pas un islam de la débrouillardise et du bricolage qui, faute de moyens, a conduit les pratiquants à transformer des garages et des caves en salles de prières?. Cette réalité existe et incontestable et elle est toujours en vigueur dans les quartiers HLM. De ce point de vue, en quoi c’est choquant de parler d'un islam pauvre. La polémique embryonnaire née sur ce qualificatif « pauvre » relève toute au plus du déni ou alors de la méconnaissance quand ce n’est pas de la mauvaise foi.

Si de constructions de mosquées ont pu se réaliser en France ces dernières années, avec des rythmes différents selon la volonté et les politiques de chaque municipalité, dans beaucoup de villes, le phénomène des prières de rue qui faisait surface, de temps à autres, est à ce titre révélateur du manque de salles de prières et du manque de mosquées digne de ce nom, avec notamment une capacité d'accueil en mesure de répondre au besoin des fidèles.

En France, la loi interdit tout financement des religions « la République ne reconnait, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte », sauf en terre concordataire, comme l’Alsace. Ainsi beaucoup d'organisations et d'associations musulmanes ont eu recours à des financement venus d'ailleurs, notamment auprès de l'Arabie saoudite, considérée premier donateur en France, et qui dispose d'un bureau de la ligue islamique mondiale dans la région parisienne. Le Qatar est bien placé aussi sur la liste des pays donateurs, ce qui a eu pour conséquence de poser des questionnements et des inquiétudes sur l'influence d'un islam wahhabite et rétrograde sur les musulmans de France. En effet, les Saoudiens dépêchent souvent, notamment en période du mois sacré du Ramadan, des prêcheurs saoudiens dans les salles de prière de France. La création de la fondation des œuvres de l'Islam en 2005, sous l'égide du Ministère de l'intérieur, avait pour objectif de permettre une transparence et de contrôler le financement. Cependant, cet objectif n'a jamais été atteint. Ce flux d'argent, dans certains cas, a donné lieu à des conflits au sein de certaines organisations et entre individus qui ont fini devant les tribunaux.

L’ignorance qui mène à la violence

A différentes occasions, notamment lors de l'expulsion de France d'imams fondamentalistes, des responsables ont pu dénoncer le recours à des imams venus des pays d'origine, qui méconnaissent, d'abord la langue française, la réalité des musulmans de France et les règles de laïcité et du vivre ensemble. Le manque d'encadrement de l'islam de France est une amère réalité, qui profite aux fondamentalistes et aux réseaux jihadistes pour enrôler des jeunes vers le départ dans des zones de conflit, comme la Syrie, l'Irak ou le Yemen, voir les retourner par la suite pour commettre des attentats en France, comme c'était le cas de Mehdi Nemouche ou les frères chouaki. C'est un souci permanent, qui ne date pas d'aujourd'hui, et c'est bien dans ce contexte que Jen-Pierre Chèvenement avait déclaré « L’islam de France est encore à bâtir. Le problème de la formation des imams reste entier. Avec le temps, j’en suis venu à la conclusion que la création d’un institut de formation à Strasbourg était probablement la meilleure solution pour permettre une formation de haut niveau répondant aux critères républicains et par conséquent payés par l’État. On croira au paradoxe: il faudrait donc utiliser des dispositions héritées du Concordat pour faire naître en France un islam respectueux des valeurs et des règles de la République ».

La balkanisation de l'islam de France

C'est une réalité notoire de dire que l'islam de France est balkanisé, dans le sens où il est soumis à des tendances, en relation avec les pays d'origine ou sous influence d'organisations islamistes et politiques, comme c'est le cas de l'UOIF, considérée comme le prolongement des frères musulmans en France et en Europe. C'est bien dans ce contexte, que les pouvoirs publics français avaient crée en 1988 le CORIF ( Conseil de Réflexion de l'Islam en France). C'est en 2003, que le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman)a vu le jour, sous la pression de Nicolas Sarkozy, à l'époque ministre de l'intérieur et des cultes, afin d'organiser et doter l'islam de France d'une représentativité sereine et responsable.

Mais force est de constater, que le CFCM demeure représentatif d'une balkanisation de l'islam. Puisque au moins 7 tendances sont représentées au sein de son conseil d'administration: le rassemblement des musulmans de France (largement majoritaire, fédèrent les mosquées marocaines), la fédération de la grande mosquée de Paris (sous influence algérienne), le Comité de coordination des musulmans turcs de France, l'UOIF. Par moment, les conflits et les luttes d'influences se poursuivent également au sein même du CFCM. Sans compter, d’autres organisations, comme les Salafistes, qui ne font pas partie du CFCM.

La France est une chance pour l’Islam

Il est inutile de nier que l'islam est une religion intemporelle, qui selon achariaa, se retrouve en contradiction avec les principes de laïcité et de modernité : comme le statut de la femme, y compris la tenue vestimentaire objet de grandes polémiques, la liberté de croyance, le regard porté sur les autres croyances, le concept de « l'apostasie », la séparation de la chose publique et la chose privée. C'est un fait historique de dire que c'est bien la première fois que l'islam se trouve en situation de minoritaire en cohabitation avec d'autres religions, notamment chrétienne et juive, où les règles de la laïcité définissent et gèrent la chose publique. Hormis la parenthèse de la Reconquista en Espagne, qui s'est soldée par le départ des Musulmans qui avaient refusé de se convertir au christianisme, au Maroc et au Maghreb. Lorsqu'on voit les guerres civiles qui se déroulent actuellement dans certains pays musulmans, dues au retour du religieux en politique (les frères musulmans, le GIA, l'essor des Salafistes, Al-Qaïda, Daesh..) On est en mesure d'espérer que dans l'avenir, l'islam de France et d'Europe puisse guider et montrer la voie vers un islam de raison en adéquation avec le temps moderne, ce qui pourrait être utile non seulement aux musulmans d’Europe mais la société musulmane dans son ensemble.

Hamid Soussany

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