L'attaque violente au cœur de la Tunisie ne fera que renforcer le sens d'un État démocratique naissant. Les images des députés tunisiens barricadés dans le Parlement – lieu par excellence de la démocratie d'un Etat - qui chantent haut et fort l'hymne national comme une arme contre les terroristes qui sont aux portes avec des Kalachnikov, ainsi que les milliers de Tunisiens qui sont descendus dans les rues pour montrer qu'ils veulent lutter contre le terrorisme islamiste, le visage découvert et en priant pour les victimes tuées avec les mains ouvertes vers Allah, ne sont pas une chronique normale d’un attentat habituel.
Ce sont des images qui provoquent des sentiments profonds, qui font émouvoir des personnes, comme moi, qui sont en sécurité en Italie, mais qui suivent le monde arabe avec l’œil non seulement d’un spectateur et chroniqueur, mais aussi de quelqu’un qui sait que ce monde est la maison d'origine. Et on s’émeut en la voyant s’abimer dans la violence de l'extrémisme islamique, dans la pauvreté des idées, dans l'ignorance que le pouvoir prétend. Si il y a des jeunes de la deuxième génération qui sont nés ou ont grandi en Occident et puis deviennent adeptes de l’Is, et qui partent de Londres ou de Paris pour intégrer les rangs du Califat, il faut savoir q’ il y en a beaucoup plus qui, peut-être hier, en voyant ces images de la Tunisie dans les rues contre le terrorisme islamiste, auraient volontiers pris un billet d'avion pour marcher avec eux.
Parce que les images d'hier, sont l'image claire du courage d'un pays qui tente depuis quatre ans de se lever sur ses propres jambes et avec difficulté. Un pays qui a osé utiliser la démocratie et qui a donc choisi. Il a d’abord voté pour Ennahda, parti islamiste, et puis il a décidé de changer l'attaquant. Mais il a toujours choisi en sachant, et donc dans le cadre de la démocratie. La Tunisie, tout simplement, a choisi d'être grande. Pour les fondamentalistes islamiques, qui choisit provoque tourment et peur. En fait, ils sont au pouvoir dans des endroits où il y a peu de choix. Ils sont au pouvoir dans des zones fragiles, marquées par la guerre, comme en Irak et en Syrie, ou par les conflits entre factions, comme en Libye. Ou même dans des territoires abandonnés à leur sort, le Nigeria et le Sahel.
L'avancée de l'Is, se base sur les injustices commises au détriment de populations entières, mais aussi sur le vide des idées, d'une société musulmane qui pendant des décennies a été soumise à plusieurs pouvoirs et intérêts, à l’exception du premier et principal : l’intérêt de la société elle-même. On a investi dans l'ignorance et la servilité, dans une rive sud de la Méditerranée fragile, pour qu’elle soit mieux manipulable. Donc, nous sommes confrontés trop souvent au vide qui est rempli par les idéologies devenues méchantes et imprégnées de haine pour tout ce qui est différent d'elles.
Mais en Tunisie une autre histoire est possible. Le Président Essebsi, hier, dans son discours à la nation, a dit clairement : je veux que les Tunisiens sachent que nous sommes en guerre contre le terrorisme. C'est vrai. Mais cette guerre concerne tout le monde musulman. Et la Tunisie est le véritable laboratoire d'une expérience authentique de démocratique encore plus que l'Egypte, et elle est appelée à se battre et à gagner. Et nous sommes appelés plus que jamais à l’aider par tous les moyens à notre disposition.
La Tunisie est le pays le plus laïc dans le monde musulman, avec une expérience de dizaines d’années, y compris le régime de Ben Ali. Et c’est pour ça qu’elle est le véritable défi à l'intégrisme islamique. De ce pays peuvent naitre des idées authentiques pour un monde musulman qui attend depuis des années son siècle des Lumières à opposer au Califat.
Par Karima Moual