La formation des imams en France, et en Europe d'une manière générale, est une question cruciale et complexe. Si la laïcité offre la liberté du culte, elle impose aussi à l'Etat la non-intervention et la non-ingérence dans l'organisation des cultes. Les croyants ont toujours la possibilité et la liberté de s'organiser pour fonder une association loi 1901 ou loi 1905 et chacun peut s'improviser imam et prêcher le Vendredi.
Si l'église catholique est organisée d'une manière pyramidale et structurée, l'islam ne dispose pas de Clergé, et les croyants musulmans s'adressent directement à Dieu, sans intermédiaire. Certes, il existe des Oulémas, des savants en islam, qui par le savoir acquis et l'effort intellectuel sont reconnus, notamment pour donner des avis et interpréter des textes et des faits, au point de les imposer en règle ''Fatwas'' mais on a déjà entendu prononcer des fatwas pour démentir d'autres fatwas, et y compris dans certains cas extrêmes des ''fatwas takfiristes'' de nature criminelle.
En France, les pouvoirs publics ont tout fait pour aider à la création d'uns structure représentative de l'islam de France. Finalement, le CFCM (le conseil français du culte musulman) s'est avéré le terrain favori où des organisations des musulmans de France venaient exprimer leurs désaccords et leurs divisions. Une des difficultés majeures qui s'oppose à la bonne marche du conseil du culte musulman est la référence aux pays d'origine, et l'ingérence financière des pays du golfe. Il faut bien avouer qu'au milieu des organisations musulmanes de France, la seule fédération qui rassemble au delà des origines est une organisation proche des frères musulmans qui prône un islam rigoriste et politique.
La formation des imams, qui vise l'encadrement religieux et idéologique des cadres musulmans parait d'une nécessité vitale pour le vivre ensemble. De ce point de vue, la monarchie marocaine a eu raison de se saisir du titre de ''commandeur des croyants'' (Amir al mouminine) pour veiller au respect de l'islam mais aussi pour se prémunir des dérives salafistes et obscurantistes. Le Maroc, fort de son histoire et de son expérience en matière de cohabitation religieuse est certainement une valeur sûre pour inspirer et aider à l'éclosion d'un islam français tolérant, viable au sein d'une civilisation judéo-chrétienne, en conformité avec les règles de la laïcité.
La série de conférences sur ''l'islam en Europe et les défis du vivre ensemble'' que le CCME (le Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger) vient de lancer à Marrakech le week-end dernier, en présence d'une soixantaine d'imams venus d'Europe, est plus que louable. C'est une exigence du moment pour mieux appréhender l'avenir.
Cependant, malgré les efforts consentis, nous restons tributaires de ce qui se passe ailleurs. Les appels au ''jihad'' qui viennent de certaines zones de conflits, notamment via les réseaux sociaux et internet en général, et qui peuvent trouver écho auprès de quelques déséquilibrés isolés ou des illuminés en proie à une recherche identitaire à la dérive.
Face à ce risque permanent, nous devons être aussi en capacité d'analyser ce phénomène, l'affronter pour mieux le surmonter, justement, afin que triomphe le vivre ensemble.
Hamid SOUSSANY