Le 25 février dernier Monsieur Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur avait annoncé au conseil des ministres la création d'une nouvelle "instance de dialogue'' de l'islam de France élargie et plus représentative de ''la diversité des musulmans de France ''. Ce qui implique, et c'est une première, la présence de non-religieux dont des intellectuels et des laïques.
Cette nouvelle structure sera mise en place d'ici l'été prochain. Elle se réunira deux fois par an autour du premier ministre. Elle aura pour missions principales de réfléchir et se pencher sur les questions relatives à la formation des imams, l'abattage rituel. Le ministre a évoqué "l'émergence d'imams insérés dans la République''. Il faut comprendre par là, une volonté politique d'encadrer les futurs imams issus de la société française, qui maîtrisent la langue française et qui ont la conviction et le souci du respect des valeurs de la laïcité.
Ce sont là des missions qui jusqu’à là étaient dévolues au CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) crée en 2003 sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur. On est en droit de se poser la question du désaveu du CFCM, actuellement présidé par Dalil Boubakeur, Recteur de la Mosquée de Paris.
Il est de notoriété publique que le CFCM empêtré dans ses divisions, et ce, depuis sa création, n'a jamais pu remplir sereinement sa mission de fédérer les musulmans de France et de s'imposer comme une autorité morale religieuse. On est très loin de l'objectif initial de voir émerger une instance de Fatwa musulmane de France, évoquée par le passé, et dont les besoins se font terriblement sentir, notamment lors de grandes crises comme l'appel au jihad des radicaux terroristes. Une instance trop minée par les enjeux politiques et les influences, au point que la présidence du CFCM fait l'objet d'un accord fragile de chaise tournante digne d'une assemblée politique à l'état pur. Lors de la dernière assemblée élective de l'exécutif en juin 2013, le rassemblement des musulmans de France, largement marocaine etfort majoritaire, a dû faire des concessions aux minoritaires.
Autre fait curieux de la semaine, le mardi 3 mars, alors que le premier ministre Manuel Valls, était en visite à la grande Mosquée de Strasbourg (la plus grande mosquée de France), pour parler de la réforme de la représentation de l'islam de France. Au même moment le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, et président du CFCM, recevait Nicolas Sarkozy, président de l'UMP. Une rencontre à l'issue de laquelle une déclaration des "deux parties" a été faite sur la base d'une journée de travail, pour ''tenter'' de faire une déclaration commune sur l'islam de France. Un fait troublant, qui remet en cause l'impartialité et la neutralité que doit observer le CFCM, en tant que représentant de l'islam de France, vis à vis de la stratégie partisane des partis politiques. Ce jour là, la place de Boubakeur devait être à la grande mosquée de Strasbourg, auprès des responsables musulmans, pour accueillir le premier ministre en exercice.
Cependant, bien que le Ministre de l'intérieur a voulu rassurer, en déclarant que la nouvelle instance de l'Islam de France n'a pas pour vocation à se substituer au CFCM, la déclaration de Manuel Valls à la grande Mosquée de Strasbourg, de vouloir s'attaquer à tout ce qui ''retarde un islam de France'', sonne comme un constat d'échec du CFCM, qui risque de devenir une coquille vide. Le fait aussi que le Premier ministre choisisse la grande Mosquée de Strasbourg, notoirement marocaine, pour évoquer la formation des imams, semble être un choix politique et stratégique significatif consistant à prendre appui sur l'expérience marocaine. A rappeler aussi que les autorités belges ont aussi récemment sollicité le Maroc sur la même thématique.