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Mot de M. Driss El Yazami

mardi, 26 mai 2009

Mobilités et migrations : ce que peut le cinéma

Il y a quelques mois, et parallèlement à la tenue de sa première plénière, le Conseil de la communauté marocaine de l'étranger (CCME) signait une convention de partenariat avec l'association l'Initiative culturelle, responsable depuis des années de l'organisation du festival Cinéma et migrations.

Cette sixième édition en est la première manifestation et constitue une nouvelle illustration de la volonté de notre Conseil d'une part de donner à la culture une place essentielle dans la problématique migratoire et, d'autre part, de nouer le maximum de partenariats tant au Maroc que dans les pays de résidence.Cette démarche s'explique en premier lieu par le constat, largement partagé, des fortes attentes qu'expriment les communautés expatriées à l'égard de la terre d'origine en matière d'offre culturelle.

Impliquées dans un processus inéluctable bien que contrarié d'enracinement dans les pays d'immigration, les populations émigrées maintiennent néanmoins des rapports intenses au pays quitté et s'interrogent sur les modalités de maintien et de renouvellement de ce lien.

Pour les premières générations, la question centrale est celle de la transmission du legs reçu en héritage avant le départ en émigration. Quant à leurs enfants qui n'ont émigré de nulle part, l'enjeu est bien celui de négocier de la manière la plus harmonieuse possible une double appartenance désormais inscrite dans le droit, mais aussi dans la mémoire familiale et dans le regard que la société porte sur eux et sur leur origine, regard de plus en lesté de méfiance et d'incompréhensions de tous ordres. Par la restauration et la revivification du lien, la culture peut à cet égard non seulement aider les individus à se situer dans leurs cheminements singuliers mais aussi, sur le plan collectif, contribuer à une réhabilitation de l'origine et une révélation de ce qui est universel en elle, les aidant ainsi à réussir leur propre et toujours unique synthèse.La demande récurrente formulée par les Marocains du monde de création de « centres culturels » révèle l'ampleur de ces attentes inédites : à travers cette revendication, c'est bien une amplification et une diversification significatives de l'offre culturelle qui est ainsi exprimée, offre qui doit impérativement tenir compte des contextes sociopolitiques des pays de résidence, des générations et des contenus.

A l'inverse, les populations migrantes expriment à l'égard du pays d'origine une demande de reconnaissance de ce qu'elles sont en train de vivre et de produire et une transformation du regard que la société porte encore sur elles et qui reste marqué par une vision uniforme et figée de ce qu'est l'émigration.

C'est à ce double besoin que le cinéma peut à sa manière répondre.Dynamique grâce à l'inventivité de ses créateurs et à la politique active de soutien du Centre cinématographique marocain (CCM), le cinéma national qui se situe aujourd'hui dans le peloton de tête de la cinématographie africaine, peut contribuer à rassasier cette « soif de Maroc » que l'on vient d'évoquer ci-dessus.

Chacun(e) de ses cinéastes nous dit une part de ce pays et de son peuple, de leurs aspirations et de leurs batailles, de leurs difficultés et de leurs atouts. Ils nous racontent une terre en mouvement et leur regard à chaque fois nous enrichit et nous mobilise. Pareillement, des films produits ailleurs, et quels qu'en soient les auteurs, issus de l'immigration ou non, peuvent aussi révéler au public marocain les mutations collectives et intimes qui sont à l'œuvre au sein des populations émigrées. A cet égard, on peut relever plusieurs évolutions qu'il n'est pas inutile de rappeler.Entre les films militants des années 1970, dont on verra quelques fortes illustrations lors de cette édition, et l'écho rencontré, à titre d'exemple, par le film Indigènes, la problématique migratoire est passée de la marge pour devenir une des thématiques centrales de la cinématographie internationale.

Il n'y a en effet plus d'année sans que des films marquants traitant de l'immigration ne soient produits et distingués ici ou là. Mais ce n'est pas la seule dynamique.Alors même que le débat politique à propos de l'immigration se durcit trop souvent et trop facilement, une sorte de révolution silencieuse est à l'œuvre sur les écrans du monde : réalisateurs, acteurs, scénaristes et techniciens de toutes origines y sont de plus en plus actifs et visibles, faisant du cinéma un des rares espaces où la diversification croissante des sociétés occidentales est la plus présente. Le festival d'Agadir se trouve ainsi au croisement de plusieurs enjeux et dynamiques.Avec tous nos partenaires, que je tiens à remercier sincèrement, et en premier lieu le CCM, nous nous engageons à soutenir et à accompagner son développement et son rayonnement.

 

Driss El Yazami, président du CCME

Agadir, 21 janvier 2009

 

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