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Hommage à Edmond Amran el Maleh

lundi, 25 mai 2009

Le CCME avait souhaité qu'un temps fort soit consacré à Edmond Amran El Maleh. Me revenait la difficile tâche de présenter un homme dont le parcours complexe n'est rien qu'une part essentielle de la mémoire du Maroc. Mais comment s'acquitter d'une telle tâche ? Exercice périlleux, que ce privilège, car il vous enchaîne davantage qu'il ne vous laisse libre d'user à votre guise devotre illusoire pouvoir sur les mots. Il faut être vigilant pour n'être pas être entraîné, et contre votre gré, dans des sentiers battus.

 Je m'armai donc de circonspection pour m'approcher de celui qui a composé une œuvre dont la singularité n'a pas encore été entièrement mise en lumière. Je rencontrai Marie Redonnet et plongeai dans les entretiens qu'elle a composés avec Edmond El Maleh. J'eus la chance, peu après, de croiser son éditeur, Allen Geoffroy, qui éclaira ma lanterne.

 J'étais fin prêt, me sembla-t-il, pour débusquer, le jour venu, l'auteur qui joue à se cacher sous le masque de ses personnages. Je souhaitais qu'El Maleh nous parle de ses livres qui sont autant de jalons dans un siècle riche de mille tourments, je nourrissais le secret espoir qu'en agissant de la sorte il parlerait fatalement de l'auteur niché au cœur de l'oeuvre. C'était mal connaître l'homme. Il déjoua mon complot amical, sans se départir de sa constante urbanité, et prit une autre direction, inattendue, pour s'engager dans un sentier buissonnier. Sa pudeur l'empêcha de faire la part belle au Je. Il préféra parler de ceux qui consacrèrent leur vie à l'écriture et qui viennent de se retirer de ce théâtre de l'éphémère avec une extrême élégance et l'absolue discrétion qui était la leur. Après un hommage à A. Khatibi, il évoqua, de sa voix presque chuchotée dans un micro incapable de masquer les tremblements de l'émotion, Leftah qui fut son élève, en classe de philo, avant de devenir l'écrivain qu'il continue d'être. Une parole lumineuse emplit la salle.

Puis Edmond se tut, ignorant que nous allions lire, avec M.C Vandoorne, des extraits d'un chant au-delà de toute mémoire, un manuscrit inédit de Leftah dont lequel ce dernier se révèle un fin connaisseur de l'œuvre d'Edmond El Maleh.

Il nous fallait à tout prix éviter de clore ce chapitre tangérois. Car on ne clôt pas un semblable ravissement. C'est pourquoi, deux grands amis d'Edmond, Abdellal Baïda et Mohamed Berrada, ont été conviés à nous parler et de l'homme qu'ils connaissent bien, complétant ainsi le petit bout de portrait que nous avions entrevu au travers d'une parole qui se donna toute entière, et sans restriction, pour parler de ceux qui ne sont plus là...

L'éternité n'était pas loin. Un petit bout en avait été arraché au silence. Puisque, par la magie de la littérature, Khatibi et Leftah se sont éclipsés un moment de leur absence pour être avec nous.

 

K.M. Ammi

 

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