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Organisation du culte musulman en Europe l’experience belge - Echallaoui - Belgique

mercredi, 20 mai 2009

 

Le présent exposé a pour but d'expliquer le cadre juridique dans lequel s'inscrit le cours de religion islamique en Belgique, il rappelle quelques uns de ses objectifs et montre comment ce cours au même titre que les autres cours philosophiques joue un rôle majeur pour atteindre les objectifs que s'est fixé le système éducatif Belge.

 

 

Introduction

 

L'introduction du cours de religion islamique est la conséquence de l'adoption de la loi du 19 juillet 1974 qui reconnaissait les administrations chargées de la gestion du temporel du culte islamique. Par cette loi, l'islam se voyait ainsi attribuer un statut juridique de droit public au même titre que les autres cultes reconnus en Belgique. L'enseignement de la religion islamique dans le cadre de l'école officielle commença à se mettre en place à partir de 1975. La loi du 20 février 1978 modifiant la législation du 29 mai 1959 et celle du 11 juillet 1973, dite du « pacte scolaire », reconnaissait officiellement l'enseignement de la religion islamique.

 

 

Un Décret pour combler un vide juridique

 

L'absence d'un statut pour les enseignants de religion islamique faisait que le dossier de l'enseignement était le plus souvent géré de manière empirique et pragmatique. Cela était dû, pour une grande part, à la non existence pendant 25 ans d'un Organe chef de culte. En outre, de 1974 à 1999, le dossier de l'enseignement fut l'objet d'une administration plurielle et hétérogène : Centre Islamique et Culturel de Belgique (1975-90), Conseil des Sages (1990-92), Comité technique (1992-94), EMB provisoire (1994-99). Les mandats étaient provisoires et les prérogatives restreintes.

Le culte islamique reconnu en 1974 ne sera institutionnalisé qu'en 1999. En effet, le Roi ne reconnaîtra, officiellement, l'organe chargé de la gestion du temporel du culte musulman, sa composition et ses prérogatives, que par l'arrêté royal du 20 mai 1999. Aussitôt, le 8 juin 1999, un arrêté du Gouvernement de la Communauté française annexé à l'A.R du 25 octobre 1971 définit dans son annexe la liste des titres requis pour l'enseignement de la religion islamique par degré d'enseignement. Les enseignants de religion islamique disposent enfin d'un statut qui détermine les conditions de désignation à titre de temporaire, l'admission au stage et la nomination à titre définitif. Il faudra encore attendre l'année 2002 pour que le gouvernement de la Communauté Française promulgue un Décret (Décret du 27 mars 2002) pour que le processus de régularisation et de reconnaissance se mette en place avec particulièrement la désignation par le Ministère de l'enseignement des inspecteurs chargés de contrôler ce cours et garantir à l'état son organisation dans le cadre légal et institutionnel. Ces inspecteurs sont en outre chargés de : (A.R du 14 décembre 1976, article 7).

 

 

 

Dans les établissements d'enseignement de l'Etat, la mission des membres du service d'inspection consiste en particulier à :

1° conseiller les membres du personnel qu'ils visitent, donner des avis sur leur activité et leur valeur et veiller à leur information et à leur perfectionnement;

 

 

2° veiller à ce que les établissements qu'ils visitent puissent remplir d'une manière adéquate et complémentaire leur mission d'éducation au sein de la région où ils sont implantés, et effectuer, dans ce but, en accord avec la direction générale compétente, toute étude, enquête ou recherche;

 

 

3° surveiller le niveau des études et en assurer le progrès;

 

 

4° conseiller dans le choix et l'usage des méthodes et des ouvrages didactiques;

 

 

5° contribuer à l'élaboration du programme des cours et des grilles horaires, ainsi qu'à l'élaboration des instructions administratives s'y rapportant;

 

 

6° à la demande de la direction concernée, représenter le Ministre ou le département dans les commissions, colloques ou congrès.

 

 

 

Cadre légal et institutionnel de l'enseignement de religion islamique

 

L'article 24 de la constitution (texte coordonné du 17 février 1994) et la loi du Pacte scolaire du 25 mai 1959 confèrent aux cours philosophiques la légalité de leur insertion dans le monde scolaire. Cette légalité concrétise et organise l'exercice réel des libertés proclamées dans la déclaration des droits de l'homme (art 20 § 2) et la convention internationales des droits de l'enfant.

 

La constitution : Art. 24

"§ 1er. L'enseignement est libre; toute mesure préventive est interdite; la répression des délits n'est réglée que par la loi ou le décret.

La communauté assure le libre choix des parents.

La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.


Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle."

 

Loi du pacte scolaire, 29 mai 1959 :

"Article 8. - Dans les établissements officiels ainsi que dans les établissements pluralistes d'enseignement primaire et secondaire de plein exercice, l'horaire hebdomadaire comprend deux heures de religion et deux heures de morale.

Dans les établissements libres subventionnés se réclamant d'un caractère confessionnel, l'horaire hebdomadaire comprend deux heures de la religion correspondant au caractère de l'enseignement.

Par enseignement de la religion, il faut entendre l'enseignement de la religion (catholique, protestante, israélite, islamique ou orthodoxe) et de la morale inspirée par cette religion. Par enseignement de la morale, il faut entendre l'enseignement de la morale non confessionnelle.

Le chef de famille, le tuteur ou la personne à qui est confiée la garde de l'enfant est tenu, lors de la première inscription d'un enfant, de choisir pour celui-ci, par déclaration signée, le cours de religion ou le cours de morale.

Si le choix porte sur le cours de religion, cette déclaration indiquera explicitement la religion choisie.

Le modèle de la déclaration relative au choix de la religion ou de la morale est arrêté par le Roi. Cette déclaration mentionne expressément

a) la liberté entière que la loi laisse au chef de famille;

b) l'interdiction formelle d'exercer sur lui une pression quelconque à cet égard et les sanctions disciplinaires dont cette interdiction est assortie;

c) la faculté laissée au chef de famille de disposer d'un délai de trois jours francs pour restituer la déclaration dûment signée."

 

 

La Communauté Française organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.

 

Les écoles organisées par les pouvoirs publics officiels offrent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire (fin de l'enseignement secondaire), le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle. (Article 24, § 1er).

 

Chaque établissement de l'enseignement officiel organisé ou subventionné par la Communauté Française, la Communauté Néerlandophone ou la Communauté Germanophone est tenu de répondre à toute demande (même isolée) d'organisation d'un cours philosophique.

 

L'enseignement religieux dispensé dans les réseaux d'enseignement officiel présente des spécificités inscrites dans un cadre légal régi par les Décrets qui définissent les missions prioritaires de l'enseignement et la neutralité inhérente à cet enseignement.

 

Chaque réseau d'enseignement s'est également assigné un projet éducatif. Tous les cours organisés par l'enseignement officiel -en ce compris le cours de religion islamique- doivent respecter ce cadre légal et ces projets éducatifs.

 

 

 

Quelques extraits :

 

 

 

 

Le Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et les structures propres à les atteindre (24 juillet 1997). Ce dernier a assigné quatre missions prioritaires à l'école (a rticle 6) :

  • Développer la personne de chaque élève.
  • Rendre les jeunes aptes à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle.
  • Les préparer à être des citoyens responsables dans une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures,
  • Assurer à tous des chances égales d'émancipation sociale.

 

Le Décret définissant la neutralité de l'enseignement (31 mars 1994)

l'article 1 Stipule que :

" Dans les établissements d'enseignement organisés par la Communauté, les faits sont exposés et commentés, que ce soit oralement ou part écrit, avec la plus grande objectivité possible, la vérité est recherchée avec une constante honnêteté intellectuelle, la diversité des idées est acceptée, l'esprit de tolérance est développé et chacun est préparé à son rôle de citoyen responsable dans une société pluraliste."

 

Le Décret organisant la neutralité inhérente à l'enseignement officiel subventionné et portant diverses mesures en matière d'enseignement (17 décembre 2003) précise qu' «aucune vérité n'est imposée aux élèves, ceux-ci étant encouragés à rechercher et à construire librement la leur » chap 1er. Art4 §4.

 

Le projet pédagogique et éducatif de la Communauté Française en matière d'enseignement rappelle (§3) que « dans le réseau de la Communauté française, l'ouverture à tous et la neutralité créent un contexte des plus favorables pour développer la solidarité, le pluralisme et l'intérêt pour les diverses cultures en présence.
Le cloisonnement entre options philosophiques, religieuses et politiques y est fermement refusé. Celles-ci coexistent dans l'environnement quotidien des jeunes ».

 

Le projet éducatif et pédagogique du réseau officiel neutre subventionné rappelle enfin (§2) que « les écoles du réseau officiel neutre subventionné [...] encouragent l'ouverture d'esprit, et veulent développer la capacité de remise en question, de créativité, d'innovation ainsi que l'aptitude au changement. Elles forment à la confrontation des points de vue, sans à priori, dans un souci permanent d'honnêteté intellectuelle ».

 

 

 

 

Un enseignement de religion spécifique au milieu scolaire

 

L'Islam est devenu l'une des composantes du paysage culturel et religieux de la Belgique, l'enseignement de cette religion et de la morale qui s'en inspire est mis au service de l'élève en dehors toute sorte de tutelle malveillante et loin des démarches d'instrumentalisation de tous bords.
L'enseignement de la religion islamique a une approche qui prend en considération la manière dont les novelles générations vivent leur appartenance philosophique dans une société plurielle. A cet égard, toutes les religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l'islam, s'accordent sur le fait que « la religiosité n'empêche aucunement l'individu de vivre son époque tout en observant les principes de sa propre religion ». Il est don bon de souligner que l'histoire de l'Islam a démontré que les manières d'être musulman varient très substantiellement en fonction des cultures et histoires des peuples.
C'est dans cette perspective d'adaptation contextuelle que s'inscrit le cours de religion islamique. Le cours vise un enseignement qui tient compte à la fois d'une authentique lecture des textes et des exigences de notre époque. Il privilégie une approche axée sur une volonté du vivre ensemble. Celle-ci passe nécessairement par la voie d'une démarche qui prend en compte les valeurs d'échange et de respect mutuel dans une société plurielle.

 

 

Les enjeux du cours de religion islamique

 

Tout autant que les autres cours de religion et de morale, le cours de religion islamique permet de proposer à chaque élève « des points de repère pour son devenir personnel, des grilles d'analyse pour ses choix quotidiens. Ces cours permettent aux jeunes de se structurer et de vivre de manière réfléchie et responsable. Ils mettent en œuvre une éducation globale qui est avant tout recherche de sens et interpellation en référence aux textes, aux héritages et aux contextes culturels, qu'ils soient religieux ou laïques. Ces derniers constituent des sources d'inspiration et de créativité philosophique et spirituelles. En assurant une réflexion ouverte sur la recherche de sens et une information rigoureuse sur ces données. Les cours de religion et de morale stimulent des démarches qui développent une approche cohérente des valeurs.

 

 

Ce que les cours philosophiques ont en commun

 

Quelles que soient les valeurs que chacun peut évoquer dans sa différence, les inspecteurs des cours philosophiques et les membres du corps professoral partagent les mêmes idéaux :

 

  • La dynamique de la libération, y compris la libération de la pensée, là où se produisent des phénomènes de réduction, d'appauvrissement, d'oppression et de négation de l'humain ;

 

  • La recherche infatigable de la paix, de la fraternité, de la justice, de l'amitié et de l'amour ;

 

  • Le développement de l'engagement démocratique par l'apprentissage du dialogue et de la tolérance dans l'estime des différences et le respect mutuel ;

 

  • L'éducation à la citoyenneté par la reconnaissance et le respect des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

 

 

 

 

 

Une pédagogie des compétences

 

Le Décret missions définit la compétence comme : l'aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de savoir faire et d'attitudes permettant d'accomplir un certain nombre de tâches.

Le cours de religion islamique vise à atteindre les compétences terminales suivantes :

 

 

  • Etre capable de construire sa personnalité. donner un sens à sa vie
  • S'ouvrir au monde
  • S'engager et s'investir de manière responsable
  • Effectuer une lecture dynamique et synthétique de la pensée musulmane

 

 

Compétences disciplinaires

 

 

  • 1er degré

 

Au départ d'une situation vécue du passé ou du présent et/ou de références ou de support divers (texte coranique et prophétique, figures marquantes de l'islam, symboles, pratiques cultuelles...), poser une ou plusieurs questions sur le sens lié à l'être et à son identité. Montrer en quoi cela peut influer sur l'agir de la personne.

 

A partir d'une situation problématique, effectuer une comparaison selon un certain nombre d'éléments d'analyse sur base d'un texte coranique, texte prophétique, fait historique ou vécu, etc.

 

 

  • 2ème degré :

En fonction d'une question déterminée, faire une analyse argumentée s'appuyant sur le référentiel islamique afin de se positionner dans un esprit d'ouverture.

Sur base d'un phénomène de société ou d'un problème actuel, poser une série de questions afin de planifier et préparer une action citoyenne en ayant recours à différents modes d'expression


 

 

 

  • 3ème degré :

 

Se positionner en produisant une argumentation et une contre argumentation face à une situation problème sur base d'une lecture dynamique personnelle des références.

 

Sur base des références islamiques, élaborer une synthèse à partir d'une situation problème et planifier une action en vue d'engager une dynamique contextuelle.

 

 

 

Un cadre légal et institutionnel pour un travail commun :

 

Le Décret missions, le décret créant le conseil supérieur des cours philosophiques et le décret citoyenneté créent des espaces de rencontres, d'échanges, de discussions et d'engagement.

 

 

 

 

 

Le Décret Conseil des cours philosophiques : D 03-06-2005. M.B 29-07-2005

 

Art. 2.

§ 1er. Il est créé auprès du Gouvernement de la Communauté française un Conseil consultatif supérieur des cours philosophiques ci-après dénommé « le conseil ».

 

§ 2. Le conseil a pour mission :

 

de formuler d'initiative ou à la demande du ministre concerné, du Gouvernement ou du Parlement de la Communauté française, tout avis et proposition sur la politique générale en matière de cours philosophiques, ainsi que sur la promotion de ces cours;

 

de formuler un avis préalable à l'adoption de toute disposition décrétale ou réglementaire touchant l'organisation et le subventionnement des cours philosophiques;

 

de formuler toutes propositions relatives aux opportunités d'échanges de savoirs et de pratiques entre les différents cours philosophiques;

 

de formuler, dans le respect des spécificités de chacun et dans le cadre du décret missions, toutes propositions susceptibles d'encourager le dialogue entre les différentes religions reconnues et le cours de morale non confessionnelle et de promouvoir les valeurs communes;

 

de formuler conformément au décret, tout avis sur l'organisation d'activités organisées conjointement par les différents cours philosophiques autour de thèmes fixés par le conseil;

 

de formuler tout avis sur la présence d'initiation à la démarche philosophique et sur l'introduction d'éléments de philosophie et d'histoire comparée des religions dans chacun des cours philosophiques tel que reconnu par la loi du29 mai 1959, y compris là où un seul cours correspondant au caractère confessionnel de l'enseignement est organisé;

 

d'établir annuellement pour le ministre du Gouvernement et le Parlement un rapport d'activités sur le fonctionnement et l'organisation des cours philosophiques dans chacun des réseaux, complémentairement à la loi du 29 mai 1959.

 

 

 

 

Décret relatif au renforcement de l'éducation à la citoyenneté responsable et active au sein des établissements organisés ou subventionnés par la Communauté française

D. 12-01-2007 M.B. 20-03-2007

 

Article 14. -§ 1er. Le chef d'établissement dans l'enseignement organisé par la Communauté française ou le Pouvoir organisateur dans l'enseignement subventionné veille à ce qu'il soit élaboré et mis en œuvre, au moins une fois durant chaque cycle du continuum pédagogique défini à l'article

13, § 1er, du décret «Missions» et au moins une fois durant chaque degré des Humanités générales et technologiques ou des Humanités professionnelles et techniques tel que définies aux chapitres IV et V du décret «Missions», une activité interdisciplinaire s'inscrivant dans la perspective d'une éducation pour une citoyenneté responsable et active.

 

§ 2. Par activité interdisciplinaire s'inscrivant dans la perspective d'une éducation pour une citoyenneté responsable et active, il y a lieu d'entendre au sens du présent décret une activité requérant la mise en œuvre de compétences relevant d'au moins deux disciplines différentes et visant à promouvoir la compréhension de l'évolution et du fonctionnement des institutions démocratiques, le travail de mémoire, la responsabilité vis-à-vis des autres, de l'environnement et du patrimoine au niveau local ou à un niveau plus global.

 

 

Outre les deux disciplines visées à l'alinéa précédent, l'élaboration et la mise en œuvre des activités visées peuvent rassembler les élèves inscrits à des cours philosophiques différents sous la tutelle des enseignants chargés de ces cours œuvrant en partenariat.

 

 

 

Conclusion

 

L'École doit être centrée sur l'humain. Les cours de morale et de religions sont des lieux d'éducation qui, respectueux de toutes convictions particulières, favorisent l'intégration dans une société pluraliste. Par une action éducative cohérente, ils permettent de combattre l'indifférence, le fanatisme, le dogmatisme, l'intolérance, la violence, le négativisme et autres maux déshumanisants de notre temps.

 

Je termine en disant que l'Islam qui fait partie du paysage culturel, religieux et institutionnel de la Belgique n'est plus un islam transplanté comme l'écrivaient certains dans les années quatre vingt, mais bien un islam citoyen.

 

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