dimanche 28 avril 2024 14:11

"La culture religieuse chez les musulmans d'Europe : sources et transmissions"

mercredi, 13 février 2019

La table-ronde « culture religieuse chez les musulmans d'Europe : sources et transmissions » est le troisième rendez-vous intellectuel de cette journée du mercredi 13 février 2019. Mostafa Chendid (Danemark), Khalid Ghazali (Italie), Youssef Sbai (Italie), et Mustapha El Mourabit, chargé de mission au CCME animent cette rencontre modérée par Abdellah Redouane, membre du CCME.

SIEL19 D6 TR3 REDOUANE

Mostafa Chendid : le modèle marocain de religiosité est une opportunité que l’Europe devrait saisir

Mostafa Chendid explique que la religiosité des Musulmans d'Europe s'est construite autour de plusieurs facteurs qui sont notamment d'ordre affectif et épistémologique.

SIEL19 D6 TR3 CHENDID

D'ordre affectif, au sens où la volonté de préserver son patrimoine et la peur d'aller vers l'autre ont réduit l'interaction des individus avec leur environnement et produit leur isolement social. Puis d'ordre épistémologique car, étant de structure sociale faible, le musulman d'Europe peut s'approprier des dispositions qui n'émanent pas de ses convictions. Il se suffit du texte religieux au sens littéral et n'a pas les outils pour l'interpréter.

Plusieurs facteurs extérieurs influencent également la construction de la religiosité des Musulmans d'Europe. "Les mouvements religieux en Afghanistan, en Irak, en Syrie ou ailleurs ont produit des discours qui confinent le citoyen musulman dans le rôle d'une victime qui doit se rebeller contre sa société alors que, de par son appartenance à des sociétés occidentales, d'autres défis citoyens mériteraient son engagement".

Les actes terroristes ont été, selon Mostafa Chendid, "une raison directe de l'amplification des crispations identitaires avec la montée des courants politiques extrémistes".

En effet, dans ce contexte européen complexe, "le modèle marocain de religiosité n'a pas pu trouver un public neutre prêt à l'adopter mais des individus chargés des prédispositions alimentés par d'autres courants islamiques".

Un constant que Mostafa Chendid qualifie de désolant au vu des opportunités que ce modèle peut apporter : ‘les Musulmans d’Europe doivent saisir la chance du soufisme sunnite pour l'équilibre spirituel des Musulmans et non Musulmans, du dogme ash'arite qui répond aux questionnements religieux pratiques et du rite malékite capable de s'adapter aux réalités européennes”.

Khalid Rhazali : la religion musulmane est réduite à son lien avec l'immigration du point de vue sociale et juridique

Khalid Rhazali a consacré son intervention à la dimension sociologique de l’Islam en Europe.

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“Dans une plateforme d'échange entre l’Islam et la société européenne, les Musulmans sont appelés à prouver que la religion musulmane est un trésor social à investir".

Une équation qui, selon le sociologue, est “difficile à résoudre puisque les institutions qui gèrent la pluralité et la diversité religieuse reste la variable inconnue” :  “j'ai pu mener des études sur cette question en Italie et en Suisse dont j’ai déduit que l'Islam reste une religion réduite à son lien avec l'immigration du point de vue sociale et juridique”.

“Dans une société qui fait prévaloir la religion chrétienne, l'acteur religieux musulman est réduit à la condition de fragilité puisqu'il négocie en position de faiblesse, hors du registre religieux”,a-t-il expliqué.

Khalid Rhazali a également développé lors de son intervention son expérience d’immersion dans les centres pénitenciers en Italie :  “ce sont des espaces de radicalisation où la doctrine sociale est totalement absente”. Un fait explicable selon lui, car “un prisonnier a souvent subi la marginalization et le racisme en société et trouver dans sa radicalisation une manière de se protéger ou de se venger”.

L’appréhension de la question de l’Islam en Europe implique “la mobilisation du savoir puisque la pensée islamique est totalement absente du débat idéologique dans la société européenne”. Un manque à combler par les intellectuels musulmans qui doivent montrer qu’ “aujourd'hui la religion musulmane est née en Europe, a grandi en Europe et ne doit donc pas être réduite à un nouvel affluent mais à une composante sociale au même titre que les autre religions pratiquées en Europe”.

Youssef Sbai : la culture marocaine comporte une dimension humaine incontestable

Pour Youssef Sbai, le traitement de la question de l’Islam européen nécessite de connaître les Musulmans et de définir le contenu et les canaux de transmission de l’enseignement religieux qui leur est adressé.

SIEL19 D6 TR3 SEBAI

“L’Europe compte près de 30 millions de citoyens de confession musulmane” dont “la classification est complexe au vu de son hétérogénéité et de la multiplicité des références religieuses”.

La classification requise doit donc “se baser sur le rapport avec la religion et faire la différence entre l'appartenance à une croyance et la pratique”. Cette mesure implique de connaître les sources de transmission de la culture religieuse”.

“Nous n'avons que 5 mosquées et plus de 1000 places de prières. Seuls 10 à 15% des Musulmans d'Europe fréquentent un lieu de prière. Le reste peut pratiquer la religion par le biais d'autres canaux”, a précisé Youssef Sbai.

Il faut faire la différence entre l'enseignement religieux vertical et horizontal. “L'enseignement vertical, qui se transmet d'un instituteur à un élève, se caractérise par sa régularité et par la possibilité de le contrôler. Ce mode de transmission n’est adopté que par 20% des Musulmans d’Europe”.

“Le mode d'enseignement horizontal, qui représente 80% des canaux de transmission, trouve son origine dans les réseaux sociaux et internet et ne se soumet à aucune forme de contrôle d’où la nécessité de l’investir par les acteurs culturels et religieux”.

En ce sens, Youssef Sbai précise que “la communauté musulmane en Europe ne produit pas le savoir religieux mais le consomme et l'importe auprès d'autres pays complètement en discordance avec les réalités européennes”.

Il explique dans ce cadre que la culture marocaine “aux affluents multiples, amazighe, arabe, andalous… comporte une dimension humaine incontestable”.

Mustapha El Mourabit : le décalage avec le contexte est à l’origine du retard de la religiosité par rapport à la religion

Dans son allocution, Mustapha El Mourabit commence par affirmer que “l'histoire de la religiosité en Europe n'a pas été suffisamment investie par les chercheurs pour permettre de se projeter dans l'avenir”.

SIEL19 D6 TR3 MOURABIT

Il explique que “la religion est un système de valeur qui transcende le temps et les espaces”, alors que la religiosité est cette “interaction entre l'individu et sa religion qui donne lieu à la production du sens puisque la religion dépourvue de l’action  humain n'aurait pas pu exister”.

La religiosité reflète aussi “ la capacité de l'individu à mettre en œuvre la religion, elle est donc singulière et dénuée de la sacralité que l'on confère à la religion” : “le texte religieux a la vocation d'inspirer les individus à élaborer des dispositions qui régissent leur réalités différentes d'un contexte à un autre”."Nous devons donc “admettre que le contexte est déterminant dans notre interprétation de la religion".

Il affirme en ce sens que “le retard de la religiosité par rapport à la religion a été enregistré quand nous nous sommes détachés de notre contexte et avons produits des interprétations inappropriées à nos réalités” produisant “l'amertume d'être étrange à réalité puis cédant place à l'isolement”.  

Selon Mustapha El Mourabit, le réel problème est que “les Musulmans ont investi les sociétés européens en étant chargées de réponses à des questions que leur réalité n'a pas forcément posé”.

CCME

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