dimanche 24 novembre 2024 01:00

Les Subsahariens au Maroc réclament leurs droits [Mag]

Au départ, pays de transit pour les Subsahariens en partance pour l’Europe, le Maroc devient un pays d’immigration. Puisque le royaume ne respecte par leurs droits, ils s’unissent pour les défendre.

Nous voulons que l’on nous donne les mêmes droits qu’ont les Marocains résidant à l’étranger dans leurs pays d’accueil. » Cette revendication est celle de Yene Fabien Didier, président du Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc (CCSM), créé au lendemain du Forum Social Mondial 2011, tenu à Dakar, en février. Le collectif se charge de défendre les droits des Subsahariens au Maroc.

Sa requête renseigne fort sur l’évolution de la migration subsaharienne dans le royaume. D’un pays de transit, le Maroc tend progressivement à devenir un pays d’immigration pour les Africains au sud du Sahara. Difficile toutefois d’estimer précisément leur nombre, le ministère de l’Intérieur est resté sourd à nos sollicitations.

35 000 Subsahariens

La direction de la migration et de surveillance des frontières de ce même ministère les estimait à environ 10 000 personnes en janvier 2006. Mais ce chiffre est bien en deçà de la réalité. Yene Fabien Didier évoque plutôt le chiffre de 35 000 migrants voire au-delà. Plus de 7 000 d’entre eux sont étudiants, à côté de la « creative class », qui regroupe ceux qui sont régulièrement établis et qui exercent dans divers domaines - médecine, ingénierie, communication, journalisme... ; des immigrants clandestins qui voyagent en direction de l’Europe.

A l’instar de ces derniers, la majorité des « Africains » au Maroc, (comme ils sont communément appelés) n’était pas venue pour s’installer : « ils restent tout en ayant l’intention de continuer ailleurs [en Europe] mais cette idée se perd dans le temps », constate Houria Alami M’Chichi, présidente de l’Association Marocaine d’Etudes et de Recherches sur les Migrations (AMERM).

Son constat corrobore la conclusion d’une étude sociologique publiée en 2010 par le Centre Jacques Berque de Rabat : le Maroc est passé d’un pays de transit à un pays d’immigration. « Depuis quelques années, les migrants ne sont pas en transit. Ils travaillent dans des secteurs très variés », indiquait Michel Peraldi, alors directeur du Centre. Toutefois, « il s’agit encore d’un processus qui n’est pas encore très clair », tempère Mme Alami M’Chichi car, estime-t-elle, l’installation définitive n’est pas la dernière option.

Arracher sa liberté

Elle n’est pas l’ultime option, mais les autorités du royaume peinent déjà à gérer les « transitaires/ résidents » car le Maroc se trouve confronté à une situation qu’il n’a pas prévue », explique la présidente de l’AMERM. Conséquences : « il y a une ignorance de leurs droits fondamentaux », fustige Saïd Tbel de l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH).

Une situation qui s’explique en partie, selon lui, par le fait que « les autorités appliquent sur eux [les migrants] ce qui est décidé ailleurs »; à savoir les directives de l’Union européenne qui sous traite sa politique migratoire aux pays d’Afrique du Nord, notamment au Maroc. Un rôle de gendarme qui ne cesse de dégrader l’image du royaume auprès de ses partenaires du continent noir mais aussi auprès des institutions internationales, d’autant plus que le Maroc est signataire de la Convention internationale sur la protection des droits des migrants.

Ces atteintes continues aux droits des migrants, qui se manifestent par les rafles, les détentions et les expulsions, sont régulièrement rapportées par la presse et dénoncées par les ONG nationales et internationales. Par conséquent, « il faut arracher sa liberté », fait savoir le Collectif des migrants subsahariens.

Le CCSM dérange

Le CCSM entend réaliser un plaidoyer pour « défendre le droit des migrants et jouer un rôle de médiateur entre les migrants et les autorités marocaines » afin de faciliter « les négociations, l’obtention de titres de séjour, la régularisation des migrants et l’arrêt des emprisonnements abusifs et arbitraires ». Tel est l’un de ses principaux objectifs, en plus de « fédérer » les migrants subsahariens qui tardaient encore à joindre leurs forces. Cet éparpillement risque de rendre la tâche ardue, mais il n’est pas le seul défi du Collectif.

Juste après la mise en place du bureau exécutif du CCSM, « la DST [les services de renseignements] m’a appelé pour me dire que je dérange. Un autre service de la police marocaine m’a également convoqué à quelques jours d’intervalle », confie l’un des membres fondateurs du CCSM. C’est dire si les autorités restent encore allergiques à toute revendication des citoyens de « pays frères » du Maroc. « Je pense plutôt qu’elles ont intérêt à reconnaitre de telles associations, réagit Houria Alami M’Chichi. Cela permettrait de clarifier les choses sur la situation de ces migrants et sur beaucoup de non-dits ». Pour Saïd Tbel de l’AMDH, le « combat » doit être mené pour arriver à « une reconnaissance de ces migrants » équivalente aux droits des MRE da,ns leurs pays d’accueil.

Les MRE aux côtés des Subsahariens du Maroc

« Migrants de tous les pays, unissez-vous! » Les associations regroupant des Marocains résidant à l’étranger et le Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger (CCME) ne sont pas insensibles au sort de leurs frères africains dans leur royaume d’origine et les soutiennent. Certaines contribuent financièrement aux manifestations culturelles organisées par les migrants subsahariens au Maroc, notamment l’Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF). « Nous ne comprenons pas qu’on réclame la régularisation de centaines de milliers de Marocains à l’étranger alors que le Maroc ne veut même pas le faire pour quelques milliers d’immigrants subsahariens », s’indigne Ali El Baz, coordinateur national de l’ATMF. « La seule manière de nous soutenir, lance-t-il aux autorités et à la société civile marocaines, c’est le soutien que vous apportez aux Subsahariens au Maroc. » Car en Europe, poursuit Ali El Baz, les migrants marocains bénéficient du soutien de la société civile.

11/11/2012 , Oumar Baldé

Source : Yabiladi

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