Donald Trump a limogé la ministre de la Justice intérimaire des Etats-Unis, Sally Yates, qui a annoncé lundi qu'elle refusait de défendre le décret sur l'immigration signé vendredi par le président.
Après un week-end marqué par des scènes de chaos et des manifestations dans les aéroports, ce nouveau renversement souligne le tollé suscité par l'ordre présidentiel, dont les retombées négatives se sont étendues lundi aux marchés financiers américains.
Dans un geste rare, l'"Attorney general" Sally Yates, désignée par Obama et qui assurait l'intérim en attendant la confirmation par le Sénat de Jeff Sessions, s'est prononcée contre la défense du décret dans un communiqué.
Elle disait douter que la défense de l'ordre présidentiel soit "en ligne avec l'obligation solennelle de l'institution de toujours rechercher la justice et défendre ce qui est juste".
Sally Yates "a trahi le département de la Justice en refusant de mettre en oeuvre un ordre juridique conçu pour protéger les citoyens des Etats-Unis", a déclaré la Maison blanche dans un communiqué.
Dana Boente, procureur du district est de la Virginie, a été choisi pour la remplacer jusqu'à l'entrée en fonctions de Jeff Sessions. Il a été investi dans la soirée, à 21h00, a précisé la Maison blanche. Boente a assuré au Washington Post qu'il soutiendrait l'ordre présidentiel.
Signé vendredi, le décret interdit pendant 90 jours l'accès du territoire américain aux ressortissants en provenance d'Iran, d'Irak, de Libye, de Somalie, de Syrie, du Soudan et du Yémen, pendant 120 jours l'accueil de tout réfugié aux Etats-Unis, et suspend sine die l'accueil de tous les réfugiés syriens.
Deux nouvelles figures clés de la politique migratoire ont en outre été annoncées lundi par la Maison blanche.
Elaine Duke, qui a officié sous l'administration Bush et Obama, va être nommé vice-secrétaire à la Sécurité intérieure, au côté de John Kelly, tandis que Thomas D. Homan dirigera l'agence de l'U.S. Immigration and Customs Enforcement, remplaçant son directeur intérimaire actuel.
PREMIER RECOURS D'UN ETAT
Lundi, Barack Obama a fait entendre son opposition au décret par la voix de son porte-parole Kevin Lewis, qui a évoqué son "désaccord avec l'idée de discrimination pour des raisons de foi ou de religion", et a dit l'ancien président "très touché par la mobilisation" qu'il observe aux Etats-Unis.
Premier Etat du pays à prendre une telle initiative, l'Etat de Washington, dans le nord-ouest, a annoncé lundi qu'il allait saisir la justice fédérale pour tenter d'obtenir l'invalidation du décret anti-immigration signé vendredi par Donald Trump.
Les autorités démocrates de Seattle estiment le texte contraire à la Constitution des Etats-Unis, notamment la clause garantissant l'égalité de traitement ainsi que les dispositions du Premier amendement relatives à la liberté religieuse.
Plusieurs procédures judiciaires individuelles ont été engagées sur les mêmes bases mais les décisions en référé de la justice fédérale suspendant l'expulsion de certains immigrants et réfugiés ont été inégalement suivies par les autorités.
Selon un document interne du département de la Sécurité intérieure consulté par Reuters, entre vendredi soir et lundi matin, 348 porteurs de visa ont été empêchés d'embarquer à bord d'avions à destination des Etats-Unis et 200 personnes arrivées dans les aéroports américains se sont vus refuser l'entrée.
Le département a accordé des dérogations autorisant 872 réfugiés à entrer aux Etats-Unis cette semaine, a-t-on appris dans ce même document.
Le gouvernement a assuré en outre au comité olympique américain que les athlètes provenant des pays cités par le décret pourraient se rendre aux Etats-Unis pour des compétitions internationales, a-t-on appris du comité.
CRITIQUES AU CONGRÈS
Au Sénat, plusieurs sénateurs démocrates ont tenté de passer en force un projet de loi abrogeant le décret, porté par la démocrate Dianne Feinstein, mais le texte a été bloqué lundi soir par l'élu républicain Tom Cotton.
Selon le sénateur démocrate Chuck Schumer, partisan d'une suppression du décret, onze élus républicains du Congrès ont critiqué le texte sur l'immigration.
Sur Twitter lundi matin, le président américain a rejeté les problèmes d'application de son décret, justifié selon lui par des questions de sécurité nationale.
"Le secrétaire (à la Sécurité intérieure John) Kelly dit que tout va bien et qu'il y a peu de problèmes. RENDRE L'AMÉRIQUE À NOUVEAU SÛRE", a-t-il tweeté.
Plusieurs grands patrons américains, dont des dirigeants de la Silicon Valley (Apple, Google et Facebook) mais aussi de la banque Goldman Sachs et du constructeur automobile Ford, se sont joints lundi au concert de protestations et de condamnations.
Dans le climat d'incertitude créé par ce décret, Wall Street a vécu lundi sa pire séance depuis le début de l'année, le Dow Jones et le S&P-500 ont connu leur plus forte chute sur une séance depuis octobre dernier.
30 jan 2017, Roberta Rampton et Julia Edwards Ainsley
Source : Reuters