C'est à un voyage haut en couleurs que nous convie le dernier livre de Rachida Alaoui «Florilège de la broderie marocaine». Beau, dense et très instructif, il est le genre d'ouvrage qu'on ne lâche plus une fois qu'on l'a entre les mains, avant de l'avoir croqué à pleines dents. Riche en belles photos, qui révèlent la richesse de notre artisanat local et le génie de nos artistes, il plonge le lecteur dans un univers où créativité et esthétique sont les maîtres mots.
«Découvrir les broderies citadines marocaines, c'est franchir le seuil de l'habitat, c'est pénétrer dans l'intimité d'une famille, partager son art de vivre et ses coutumes.
C'est aussi une invitation à voyager dans le temps et l'espace, car la broderie, qui n'a pas cessé d'évoluer de la période médiévale à nos jours, a suivi toutes les mutations du Maroc. L'exploration de cet art au féminin fera saisir comment des inspirations venues d'ailleurs, d'Orient ou d'Occident, ont donné naissance, dans chaque grande ville marocaine, à des broderies originales qui ont embelli le mobilier textile et les pièces vestimentaires. Entrons dans les méandres des cités», lit-on d'emblée dans l'introduction du livre. La suite ne fait que confirmer cette invitation à l'évasion. L'auteur tient toutes ses promesses.
Parcourant les Instituts, musées et centres de documentation, Rachida Alaoui a effectué un réel travail d'investigation en épluchant les archives et les différents types de documents pour nous permettre de découvrir les trésors de la broderie marocaine. Il en est ressorti un livre qui jette toute la lumière sur les dimensions artistique, sociale et historique de cet art. L'œuvre a su s'enrichir de la diversité civilisationnelle et culturelle des différentes villes du Royaume. À travers les époques, l'art textile a, en effet, été influencé par différentes tendances, us et coutumes.
De l'ère antique à aujourd'hui, il a connus différentes mutation. «Sur ce substrat berbère, punique et romain, les apports musulmans viendront se greffer. Les conquêtes arabes du VIIe siècle, la prise de l'Espagne wisigothique en 711 par des contingents berbères et arabes, la définitive conversion de la population du Maroc à l'islam sous l'autorité des Idrissides (788-985), auront toutes sortes de conséquences sur les arts textiles», nous apprend l'auteur.
Après ce voyage dans le temps, c'est vers les espaces qui ont accueilli et enrichi la borderie marocaine que le lecteur est convié. Un tour d'horizon des villes du Maroc qui lui fait découvrir les différents types de broderies qui y ont été développés et qui l'emmène vers le caftan brodé qui reflète l'image du Maroc.
La petite histoire de cet habit emblématique de la culture marocaine, mais qui est d'origine persane, est ainsi étalée. Et Rachida Alaoui d'en suivre les traces jusqu'à nos jours et de conclure : «La mode marocaine se veut novatrice. L'exploration du patrimoine artistique, l'emploi ingénieux et élégant des broderies traditionnelles, dans un esprit contemporain, se retrouvent chez la plupart des stylistes de la nouvelle génération. Le caftan coupé et brodé reste au centre de leur préoccupation artistique.»
Biographie de l'auteur
Rachida Alaoui, historienne de la mode vivant à Paris, s'est spécialisée depuis 1999 dans l'histoire du costume arabe et musulman. Elle a publié, en 2003, «Costumes et parures du Maroc» aux éditions ACR. Ouvrage épuisé, en cours de réédition. En 2008, elle a assuré le commissariat général de l'exposition «Une passion marocaine, caftans, broderies, bijoux» à la Fondation Pierre Bergé–Yves Saint-Laurent à Paris. Rachida Alaoui est co-auteur de «Le Maroc en mouvement, créations contemporaines», en 2004, chez Maisonneuve & Larose. «Costumes et parures du Maroc» est un ouvrage de référence, photos d'époque à l'appui, où l'on discerne les subtils changements qui ont modifié, par exemple, la manière de porter le voile. Elle publie régulièrement des articles sur l'histoire et l'évolution des modes vestimentaires dans le monde arabe. Elle organise également des défilés de mode, dont un à l'Institut du monde arabe à Paris, en 1999.
26-12-2011
Source : Le matin