Le constat est clair : les syndicats éprouvent des difficultés à intégrer les travailleurs migrants. Le CEPS s'est penché sur la question. Historiquement, jusque dans les années 70, l'attitude des syndicats envers les travailleurs étrangers était plutôt ambiguë: ils approuvent et encouragent les mesures protectionnistes. Mais ils luttent en même temps au nom de la solidarité internationale contre la politique d'expulsion frappant les militants ouvriers de gauche et se battent pour une amélioration des conditions de salaire et de travail pour tous.
Puis l'immigration a pris un nouveau visage dans le pays, les travailleurs ont fait venir leurs familles et se sont installés durablement dans le pays. Les syndicats ont donc progressivement abandonné les mesures protectionnistes au profit de politiques visant à intégrer les immigrés. Aujourd'hui, les personnes nées à l'étranger représentent 39% de la population résidente de 18 ans et plus.
Globalement, le Luxembourg affiche un bon taux de syndicalisation: 41% des travailleurs résidents sont syndiqués (37% si l'on tient compte des travailleurs frontaliers), ce qui permet au pays d'occuper le cinquième rang dans l'Europe des 15. Pour se donner une idée, le trio de tête est constitué des pays scandinaves (Suède, Finlande, Danemark) avec un taux de syndicalisation à 68%, la Belgique a également un taux assez élevé avec 52%, alors que l'Allemagne (19%) et la France (8%) sont loin derrière.
Taux de syndicalisation élevé dans le public
Le portrait type du syndiqué correspond à un homme, âgé et issu des classes moyennes. Les secteurs où le taux de syndicalisation est le plus élevé sont également significatifs: l'administration publique, les transports et l'éducation. Au contraire, les secteurs du commerce et de l'horeca accusent un taux très faible. Comparativement aux non-immigrants, les salariés immigrants sont moins susceptibles d'être syndiqués, le taux de syndicalisation étant de 53% parmi les salariés nés au Luxembourg, contre 35% parmi les salariés nés au Portugal, 28% parmi les salariés nés en Belgique, 23% parmi les salariés nés en Allemagne, 19% parmi les salariés nés en France et 30% parmi les salariés nés ailleurs à l'étranger.
Ces différences s'expliquent plutôt simplement d'après le CEPS, en ce qui concerne notamment le fossé qui sépare les Luxembourgeois des étrangers. L'étude pointe le fait que les travailleurs luxembourgeois sont majoritairement issus de la fonction publique, qui enregistre un taux élevé de syndicalisation. Logiquement, les Luxembourgeois sont donc plus syndiqués que les étrangers, qui forment le gros de la main-d'œuvre dans le secteur privé. Les étrangers, et en particulier les Portugais, se concentrent dans le secteur de la construction, des services domestiques et de l'horeca, alors que les travailleurs frontaliers sont plus représentés dans l'industrie, le commerce ainsi que le secteur des services aux entreprises.
Si les Luxembourgeois affichent un taux de syndicalisation honorable, ils sont également 55% à faire confiance aux syndicats. Ils ne sont par exemple que 50% à faire confiance à la presse... Les immigrants des pays limitrophes (France, Belgique et Allemagne), regroupés sous un même groupe dans cette étude, sont globalement moins syndiqués et ont moins confiance dans les syndicats. Les auteurs de l'étude notent que ces derniers ont des compétences professionnelles et des ressources sociales pour mener eux-mêmes des négociations vis-à-vis de leur employeur.
Alors que la satisfaction au travail au Grand-Duché est relativement élevée, 7,6/10, l'étude du CEPS relève donc les difficultés qu'ont les syndicats à toucher les travailleurs immigrants. Si globalement les Portugais sont moins syndiqués et ont une participation sociale relativement faible (organisations ou bénévolat), ils ont en général confiance dans les syndicats, ce qui les différencie des immigrants des pays limitrophes qui s'en méfient plus. L'étude n'est pas allée jusqu'à se pencher sur les motivations des travailleurs à se syndiquer.
29-12-2011
Source : Le Qotidien.lu