dimanche 24 novembre 2024 03:00

Le PS veut imposer la diversité parmi ses députés

Vingt-cinq circonscriptions classées "diversité", dont dix au moins peuvent être gagnées, ce qui promet une belle photo d'un petit groupe coloré à l'entrée de l'Assemblée nationale en juin 2012 : l'objectif affiché par la direction du Parti socialiste est bien d'augmenter, dans son groupe de députés, la représentation des Français dont les origines se situent hors de l'Hexagone. La première secrétaire, Martine Aubry, a décidé d'imposer une volonté politique.

En 2007, avec le slogan de la " République métissée" de la candidate d'alors, Ségolène Royal, et dix-sept candidats étiquetés à ce titre, la direction du PS avait tenté de donner un nouveau visage à sa représentation nationale. Mais seule la Guadeloupéenne George Pau-Langevin, candidate à Paris, avait été élue députée.

Cette fois-ci, promis, des élus "beurs" et "blacks" siégeront dans l'Hémicycle. "Dans l'élaboration des candidatures, notre priorité a été d'avoir des élus, donc de repérer et de réserver des circonscriptions et de trouver des candidats", explique Christophe Borgel, secrétaire national aux élections. Voire de les imposer quand les sections ou fédérations renâclent.

"VIVIER"

Car la première secrétaire en a fait une question de principe. "Pour elle, la diversité est un sujet majeur", assure M. Borgel. "Là-dessus, Martine n'a rien lâché. Elle veut au moins laisser cette trace", renchérit Pouria Amirshahi, secrétaire national aux droits de l'homme et à la francophonie.

Nicolas Sarkozy et ses ministres de la diversité sont passés par là, ringardisant d'un coup la gauche et ses hésitations universalistes. M. Borgel explique comment il a repéré les circonscriptions "sûres", celles où le député sortant ne se représentait pas, celles classées à gauche ou qui pouvaient basculer en cas de vague rose. "En 2008, lors des municipales, puis lors des régionales en 2010, la réalité s'est imposée par le terrain, et nous avons eu pas mal d'élus de la diversité. On avait un vivier", raconte M. Borgel, adjoint au maire de Villepinte (Seine-Saint-Denis).

Encore fallait-il convaincre les sections et les fédérations. Car, quand il s'agit de désigner un candidat à la députation, les vieux réflexes ressortent. "On entend de tout", racontent certains secrétaires nationaux : "on a moins de chances de gagner", "nos électeurs n'éliront jamais un Arabe", "on a eu la parité, maintenant la diversité, la prochaine fois ce sera les handicapés". "La résistance vient des caciques locaux qui ont peur de perdre leur place, pas des électeurs", témoigne Sabrina Ghallal, conseillère générale de la Marne.

"DOMINÉ PAR LES NOTABLES"

Devant certains blocages, la direction a poussé les feux. Le 15 novembre, le bureau national a réservé 25 circonscriptions. "Le marché électif du PS est très fermé. C'est un parti dominé par les notables et les responsables de fédération. Parvenir à 25 candidats, c'est un résultat en soi", constate Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l'université Lille-II.

Au-delà de ces blocages au niveau des élus et des cadres, la composition de la "base" socialiste est un frein au recrutement de jeunes issus de familles immigrées. Depuis la première Marche des Beurs, en 1983, les socialistes se sont coupés de plusieurs générations militantes dans les milieux associatifs, lassées des promesses non tenues sur le droit de vote des étrangers ou rebutées par le caractère trop gestionnaire du parti.

"Le PS ne sait plus attirer des cadres qui viennent du mouvement social, des syndicats ou du mouvement culturel. Son seul vivier, c'est le MJS (Mouvement des jeunes socialistes) et l'UNEF, c'est-à-dire des jeunes dans le moule", estime Malek Boutih, membre du bureau national du PS.

FREIN POLITIQUE

L'autre frein est plus politique. Le PS peine à débattre des mutations de la société française et, particulièrement, de celles qui concernant les minorités visibles. Attachés à une conception abstraite de la République, les socialistes ont du mal à définir ce qu'est la diversité et la place qu'ils lui donnent dans leur stratégie. "Pour le PS, les minorités doivent rester invisibles. Et pourtant, la direction sent bien qu'il y a un problème", observe M. Boutih.

Les dirigeants nationaux et départementaux ont tendance à choisir des candidats qui leur ressemblent et qui, même quand ils en relèvent, sont souvent réticents à porter l'étiquette "diversité". "Les principaux promus au titre de la diversité sont souvent des petits apparatchiks qui ont tout fait pour rentrer dans le moule de l'indifférenciation et ne jurent que par l'universalisme", juge Patrick Simon, socio-démographe à l'Institut national d'études démographiques (INED).

M. Lefebvre estime, de son côté, que la plupart des candidatures de la diversité ont été "un prétexte pour placer des candidats de courants". On y trouve beaucoup de proches du porte-parole du parti, Benoît Hamon, dont le courant dirige le MJS et l'UNEF.

30-12-2011

Source: Le Monde

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