dimanche 24 novembre 2024 02:13

Belgique : Joëlle Milquet repart au combat

En matière d’égalité homme-femme ou de racisme, “il fautconvaincre sans faire sourire”. La ministre veut lutter contre le sexisme.

Entretien

Vice-Première ministre CDH, et ministre de l’Intérieur, Joëlle Milquet a gardé l’Egalité des chances qu’elle détenait déjà dans le gouvernement Leterme. Sur deux fronts importants - l’égalité entre hommes et femmes et la diversité -, des gardes ont été baissées, constate-t-elle. "L’égalité des chances semble être tout sauf la priorité du moment, tant au niveau politique que dans la société, et d’autant moins qu’on est dans une période de crise et de réformes institutionnelles. Mais, en fait, le combat doit être plus que jamais mené !"

Le racisme et l’inégalité des femmes, ce sont toujours des réalités ?

Mais oui ! Il suffit de voir, suite à la tuerie de Liège, ce qui s’est déversé sur Internet comme propos racistes, xénophobes et rejetant toute une communauté au départ d’un fait criminel évidemment inacceptable. Les frontières de l’acceptable s’éloignent. Et c’est la même chose pour le respect de la femme : cela commence par l’injure, le stéréotype Il suffit de voir la génération de mes enfants pour mesurer les combats à mener : changer l’image de supériorité de l’homme sur la femme, accepter la culture et la religion de l’autre Je dois tout le temps rectifier le tir.

Quelles sont vos priorités en matière d’égalité entre hommes et femmes ?

C’est d’abord la lutte contre la violence intrafamiliale, qui devient une priorité du plan national de sécurité. Il faut un accord de coopération, avec un vrai comité interministériel porté par tous les niveaux de pouvoir. Deuxième priorité, c’est tout ce qui relève du "gender mainstreaming" : il faut mesurer dans chaque prise de décision politique s’il y a un impact ou pas sur l’égalité hommes-femmes. J’ai demandé à chacun de mes collègues d’identifier deux priorités pour tenir compte du genre. Il faut convaincre sans faire sourire.

Mais serrer la vis dans les crédits-temps, comme l’a décidé le gouvernement Di Rupo, c’est d’abord préjudiciable aux femmes…

J’aurais préféré ne pas devoir le faire, mais je me suis battue pour qu’on garde trois ans de crédit-temps : dans les propositions sur la table, c’était limité à un an. Ma troisième priorité concerne d’ailleurs la carrière des femmes : comment avoir une formation égalitaire, où on les oriente vers les sciences, la chimie, le pilotage d’avion, et pas de manière stéréotypée vers la coupe-couture-coiffure ? Le parcours d’embûches commence dès la première primaire, et se poursuit dans l’enseignement supérieur. Il faut éviter le plafond de verre mental dans le choix des spécialisations et, ensuite, garantir aux femmes qu’elles peuvent devenir chefs, directeurs et gagner la même chose que les hommes à fonctions égales.

Ce qui n’est vraiment pas le cas aujourd’hui !

C’est un énorme combat, que je ne peux mener qu’avec mes collègues de l’Emploi et des Pensions. On ne peut pas pénaliser les femmes qui ont accouché, qui s’occupent d’un enfant malade ou d’un parent en soins palliatifs dans le calcul de leur pension. Il s’agit d’assimiler ces périodes à la carrière professionnelle.

Vous dites vouloir lutter contre le sexisme.

Je ne suis pas du tout une féministe exaltée : je m’inscris en faux contre le "il = elle". On est profondément, génétiquement, mentalement différent. Tant mieux et il faut le respecter. En revanche, sur l’égalité des chances, il y a des boulevards à franchir. Le sexisme est une sorte de racisme, de discrimination, consciente ou pas, envers les femmes. Sans jouer les vierges effarouchées, il y a des choses inacceptables. Je suis allée au Salon de l’Auto. Quand je vois de belles mécaniques, "blinquantes", et, à côté, des femmes comme des bimbos, ça me choque : je vois deux objets. Pour le prochain salon, je voudrais qu’il y ait des recommandations. On est en train de travailler à un projet de loi avec l’Institut pour l’égalité entre hommes et femmes pour voir comment définir le sexisme.

Les mariages forcés, c’est une réalité en Belgique. Comment lutter contre cette pratique ?

On ne peut pas accepter que dans notre pays, dans nos écoles, des jeunes filles nées ici et qui ont la nationalité belge se voient imposer un mariage qui les traumatise. Il faut d’abord sensibiliser les parents, de manière positive, sur les valeurs, le socle commun et la charte de citoyenneté qui s’impose à tout qui vit en Belgique. Les parents sont nombreux à avoir le sentiment d’être totalement dans leurs droits en respectant leur culture. Des mamans n’ont pas conscience qu’il s’agit de mariages forcés. On doit être ouverts à la différence homme-femme mais on doit être radical sur l’égalité homme-femme : on ne peut pas laisser passer l’imposition d’un partenaire à une jeune fille, quelles que soient ses origines et sa culture. On n’est pas encore assez clairs sur la responsabilité parentale. Les mariages forcés, c’est une pratique qu’il faut combattre intelligemment, sans caricatures, mais fermement. Ne peut-on pas imaginer quelque chose de spécifique pour empêcher une jeune fille de quitter la Belgique quand l’intention est de l’emmener dans le pays d’origine pour la marier contre sa volonté ?

18/01/2012, Annick Hovine

Source : Lalibre.be

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