jeudi 4 juillet 2024 08:21

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«Noirs de France», le film qui rafraîchit la mémoire

Un nouveau documentaire sur la présence des Noirs dans l'hexagone depuis la fin du 19e siècle sera diffusé le 5 février
Quelle a été la vie de la population noire dans la France métropolitaine contemporaine? Peu de réponses à cette question dans les livres d’histoire, car la France a souvent omis d’intégrer ces Noirs originaires d’Afrique ou des départements d’outre-mer dans son roman national.
Le documentaire Noirs de France réalisé par l’historien Pascal Blanchard et Juan Gelas tente en quelque sorte de combler ce manque en retraçant les grandes lignes de l’histoire de la présence des Noirs en France métropolitaine, de 1889 à nos jours.
Ce projet ambitieux a été réalisé grâce à une mosaïque de documents d’archives inédits et de témoignages et d’analyse. Même s’il ne vise évidemment pas l’exhaustivité et met surtout en avant quelques figures et faits symboliques, il a le mérite d’esquisser une histoire qui permettra peut-être aux Français de mieux comprendre comment s’est construit la relation entre les Noirs et les Français blancs de métropole.
Une série sur la France noire
Il s’agit du troisième volet d’une étude approfondie sur le sujet, après un ouvrage de Pascal Blanchard intitulé La France Noire, retour sur trois siècles de présence (ed.La Découverte) et une exposition «Exhibition: l’invention du Sauvage» au musée du Quai Branly à Paris, dont le commissaire général n’est autre que l’ancien international de football engagé dans la lutte contre le racisme, Lilian Thuram.
Le documentaire divisé en trois épisodes couvre une période plus restreinte que le livre: «Le temps des pionniers (1889-1939)»; «Le temps des migrations (1940-1974)» et «Le temps des passions (1975-2011)».
Il nous immerge dans des périodes où les quelques dizaines de milliers de Noirs sur le territoire métropolitain étaient perçus comme des «nègres» ou des êtres «sauvages à civiliser». Des «indigènes» dont certains font la guerre aux côtés des Français tout en étant littéralement effacés des scènes de liesse de la victoire. On avance progressivement vers l'acceptation d'une France multiculturelle à partir du milieu des années 70. Une France que d’autres appelleront «multiraciale», mais qui a fait du thème de l’immigration et de l’intégration un enjeu politique récurrent.
Ce film présente des images inédites, mais aussi des témoignages recueillis pour l’occasion auprès de personnalités françaises noires dans les domaines de la culture, des médias ou de la politique, ainsi que des intellectuels et des historiens.
Parmi elles, l’historien Elikia M’Bokolo, le comédien antillais Pascal Légitimus, le rappeur Soprano (d'origine comorienne), la journaliste antillaise Audrey Pulvar, la militante associative Rokhaya Diallo (française d'origine sénégalaise et gambienne), ou encore les politiques Christiane Taubira (député de Guyane), Harlem Désir (Secrétaire national du Parti Socialiste) et Patrick Lozès (ancien président du CRAN, et candidat à l’élection présidentielle). Tous proposent leur regard et leur expérience sur ce qu’être noir en France aujourd’hui.
De l’histoire des Grands à l’histoire sociale
Noirs de France met en avant l’histoire des Grands. Des symboles culturels controversés, à l’image du clown noir et de la danseuse et chanteuse américaine Joséphine Baker devenue célèbre à Paris à la fin des années 20 et française en 1937.
Le film raconte aussi les pionniers qui ont milité pour les droits des Noirs et leur épanouissement culturel, comme le député socialiste de Guadeloupe Hégésippe Légitimus en 1898, ou les instigateurs du premier congrès des intellectuels africains à la Sorbonne en 1956: les chantres de la négritude de l’après-guerre, comme le Martiniquais Aimé Césaire et le Sénégalais Léopold Senghor ou encore le penseur de la décolonisation Frantz Fanon.
Les grandes personnalités noires de France, sont aussi celles qui ont été les premières à intégrer un domaine exclusivement réservé aux Blancs: le député Blaise Diagne (1914) en politique, ou en sport, le premier capitaine noir de l’équipe de France, Marius Trésor.
Une histoire sociale
Mais ce documentaire essaie aussi d’ébaucher une histoire sociale, celle de l’intégration ou du retour forcé des soldats des colonies après la deuxième guerre mondiale, celle des Antillais, Guyanais et Réunionnais immigrés pour chercher la promotion sociale et pour ensuite pouvoir rentrer dans leur île avec un diplôme.Une immigration organisée notamment dans le cadre de la politique du Bumidom (bureau des migrations des départements d'outre-mer), instaurée par Michel Debré, alors Premier ministre.
On revient aussi sur ces travailleurs africains immigrés des années 70, qui s'entassent dans de petits appartements, victimes de ce qu’on appelle toujours aujourd’hui «les marchands de sommeil», un phénomène médiatisé lors des nombreux incendies mortels dans ces logements insalubres.
Cette série de trois films, qui sera diffusée à partir du 5 février 2012 sur France 5, comble peut-être un manque pour les Noirs de France, français ou étrangers, en quête de racines et de reconnaissance de leur pays. Pour Rokhaya Diallo, cette histoire du regard que la France a porté sur les Noirs «explique que cela soit compliqué pour nous [les Noirs de France] aujourd'hui, parce que l'on ne peut pas, comme cela en un siècle, passer de la condition d'animal enfermé dans un cage à un "je veux être à la tête d'un parti politique"».
Ce documentaire donne surtout à réfléchir sur une société dont les membres ont parfois du mal à se supporter et à se comprendre. Une incompréhension cristallisée par le rejet des étrangers et même des Français d’origine étrangère dont le pan le plus radical de la droite et le Front national (FN) n’en finissent pas de faire l’écho. Un rejet qui a le vent en poupe à l’aube de l’élection présidentielle de 2012, au regard des excellents scores (entre 15 et 20%) que les sondages accordent au parti de Marine Le Pen, passé maître dans l’art de faire de l’étranger noir et maghrébin, un bouc émissaire.
3/2/2012,Fanny Roux
Source : Statesafrique

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