Les MRE ont été 20 000 par an à « rentrer » au Maroc en 2009 et 2010. Un nombre largement supérieur à celui de la décennie précédente. Le Maroc se développe et devient attractif ; le profil des MRE séduit les entreprises et la crise européenne pousse un certains nombre d'entre eux à s'installer, même temporairement, au Maroc.
« En 2009 et 2010, nous avons mesuré un flux d’entrée de migrants de retour de 20 000 individus par an », annonce Mohamed Mghari, chercheur et spécialiste de la migration marocaine, selon les premières données d’une enquête démographique à passage répété du Haut Commissariat au Plan (HCP). Un chiffre très important, près de 20 fois supérieur à l’augmentation annuelle moyenne entre 1994 et 2004, de 1380 retours. L’augmentation a surpris les enquêteurs. « Nous pensons qu’il y a un effet conjoncturel, lié à la crise que connaît l’Europe depuis 2008, qui explique le nombre élevé de retours », précise Mohamed Mghari.
Les retours des MRE n’est pas un phénomène récent, son importance avait déjà surpris les chercheurs, quand en 1994, 151 194 migrants de retours avaient été recensés sur tout le territoire. « Nous connaissions l’intention des travailleurs émigrés de revenir au Maroc, mais nous ne pensions pas qu’elle soit réalisée de façon aussi importante », se souvient Brahim Mouaatamid, chercheur au Centre de Recherches et d'Etudes Démographiques (CERED). A cette époque là, « la majorité d’entre eux était des retraités qui venaient finir leur vie au Maroc », indique M. Mouaatamid. En 2006, 87, 7% des migrants de retour étudiés avaient plus de 50 ans.
Depuis le début des années 2000, la présence de personnes en âge de travailler parmi ces migrants de retour est de plus en plus importante. Ils disposent d’un niveau de formation supérieur au niveau moyen des Marocains restés au Maroc. « 8% des Marocains du Maroc ont fait des études supérieures, contre 14 à 16% des migrants de retour », précise M. Mghari. Si la majorité des migrants de retour restent des personnes âgées, « la proportion de population capable d’entreprendre va croissante », estime-t-il.
« Les entreprises marocaines ont aujourd’hui recourt à des MRE « revenus » au Maroc alors que par le passé, elles employaient des européens expatriés lorsqu’elles manquaient de compétences locales », a constaté Elodie Fouquet, responsable en ressources humaines pour la société d’intérimaires Crit, dans le cadre de son travail. Selon elle, dans le contexte de crise en France, les MRE qui reviennent au Maroc « accèdent à des postes qu’ils n’auraient pas pu avoir, du moins pas aussi rapidement dans leur carrière, s’ils étaient restés en France. Ici, ils vendent leur « francitude ». » Moins provocatrice, elle reconnait toutefois que ces émigrés de retour ont une réelle valeur ajoutée, « ce sont des profils très recherchés par les employeurs marocains. »
Toutefois, la crise ne redirige pas seulement vers le Maroc les jeunes gens diplômés actifs et entreprenant, elle renvoie également des personnes, voire des familles, qui ne sont pas parvenues à se faire une place sur le marché du travail européen. Par le nombre d’inscriptions dans les écoles de la mission française, explique Berangère El Anbassi, conseillère élue de l'Assemblée des Français à l'étranger, mesure « le nombre important de retours des anciens émigrés ». Les franco-marocains seraient près de 200 000 aujourd’hui. Depuis 3 ans, le phénomène est net, « beaucoup avaient une situation difficile en France : des familles au chômage qui ne vivaient que du RSA ou des allocations familiales », explique-t-elle.
Dans certains cas, le père reste en France pour toucher le RSA et sa famille part Maroc. Elle y vit moins isolée, avec un niveau de vie supérieur, les enfants peuvent être aidés à être scolarisés dans les missions françaises qui sont des écoles de qualités et elle est aidée par ses envois d’argent, en attendant que la situation se débloque. « Il y a beaucoup de retours temporaires, estime Mohamed Mghari. Ceux qui reviennent poussés par la crise repartent ensuite vers l’Europe en fonction des opportunités économiques. » Ainsi si l’attractivité du Maroc se renforce relativement à l’Europe dont les situations économique est sociale est de plus en plus difficile en temps de crise. Le Maroc croît, l’Europe baisse et les émigrés deviennent immigrés.
11/2/2012, Julie Chaudier
Source : Yabiladi
Crise en Europe : 20 000 retours de Marocains résidant à l'étranger par an
Publié dans Médias et migration
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