Les émigrations des juifs marocains avaient toujours un caractère messianique et économique , a affirmé, vendredi soir à Casablanca, M. Mohammed Kenbib, professeur d'histoire à l'Université Mohammed V de Rabat et expert en judaïsme marocain.
Dans une interview accordée à la MAP à l'issue d'une rencontre organisée dans le cadre de la 18ème édition du Salon international de l'édition et du livre, M. Kenbib a déploré l'existence de toute une série d'écrits et de publications qui noircissent le tableau en disant que les communautés juives du Maroc ont vécu dans des conditions difficiles de pression et de marginalisation.
Ces juifs préservent leur identité marocaine même dans les pays d'accueil et ne cessent d'éprouver une nostalgie pour leur pays d'origine, une nostalgie fortement remarquée, surtout auprès de la première et deuxième générations qui retournent au Royaume en pèlerinage en tant que touristes, a constaté l'auteur des Protégés et des relations judéo-musulmanes au Maroc .
Les départs des juifs marocains ont été le résultat d'un long processus, d'une série de facteurs et d'une dynamique interne, a-t-il précisé suite à cette rencontre consacrée à la présentation d'un ouvrage collectif intitulé La bienvenue et l'adieu : migrants juifs et musulmans du 15ème au 20ème siècle .
Même s'il y avait des émigrations, au cours du 19ème siècle, des juifs du nord du Maroc vers l'Amérique du Sud, le départ massif de cette communauté a commencé à partir de 1948, date de création de l'Etat d'Israël et le début de la propagande faite par les organisations sionistes à travers le monde pour attirer les juifs des pays arabes et musulmans.
Comme les communautés juives de l'Europe centrale et orientale ont été détruites par les nazis, ces organisations ont puisé dans le réservoir démographique marocain important , a rappelé M. Kenbib, relevant que le Maroc abritait la plus forte communauté juive au monde arabe (300.000 juifs).
Ces propagandes messianiques et philanthropiques faites à partir des synagogues ont eu de l'effet parce que les Marocains vivaient, en temps de la 2ème guerre mondiale, des conditions de misère et de dénuement dans le cadre de ce qu'on appelait les années du bon ou de rationnement, a-t-il argumenté, concluant qu'il y avait "une sorte de sionisme spirituel chez les juifs marocains qui n'avait rien à voir avec le sionisme politique .
Pour ce qui est des destinations de ces émigrations, à part Israël, M. Kenbib a cité le Canada, surtout le Québec, puisque les juifs marocains, tout au moins ceux qui sont passés par les écoles de l'Alliance israélite universelle, avaient une excellente maîtrise du français . La France, l'Espagne, et même l'Australie et la Nouvelle Zélande ont été aussi des destinations favorites de ces communautés.
Les émigrations de la composante juive, qui est multiséculaire dans la démographie marocaine et dont la présence remonte à plus de 2000 ans, ont constitué une rupture par rapport au schéma traditionnel y compris dans la morphologie générale du pays .
Il y avait un habitat juif partout au Maroc, y compris dans les campagnes, les montagnes comme le Haut Atlas et l'Anti-Atlas et dans les villes , selon l'expert qui a noté la disparition des mellahs (quartiers des juifs) et de certains métiers comme celui de colporteur (Attar), dont le rô le traditionnel est devenu anachronique et obsolète en raison de la modernisation.
La bienvenue et l'adieu : migrants juifs et musulmans du 15ème au 20ème siècle , est un ouvrage collectif qui a sanctionné les travaux d'un colloque international, organisé en 2010 à Essaouira, par le Centre Jacques Berque et le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger sous le thème : les migrations juives : identité et modernité au Maghreb .
Ce livre, en trois volumes, traite notamment des musulmans et juifs dans l'espace de la relation Maroc-Afrique noire et de la colonisation et flux migratoires au Maghreb avec la participation d'un parterre de spécialistes et d'experts en la matière. 11/02/2012
Source : MAPF
Les émigrations des juifs marocains avaient un caractère messianique et économique (universitaire)
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