Andalousie, mon amour est le premier long métrage réalisé par le jeune cinéaste marocain Mohamed Nadif. Cet homme de théâtre, comédien et réalisateur de plusieurs courts métrages est à Alger pour la présentation de son nouveau film. Une comédie déjà primée au cinquième Festival d’Oran du film arabe (FOFA) en décembre 2011. Andalousie, mon amour sera projeté ce soir à 18h, et demain jeudi à 15h30, à la salle Cosmos de Riad El Feth à Alger, à la faveur des premières Journées du film méditerranéen, MediterraCiné, organisées par l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) et la société MD Ciné.
-La scène finale choisie pour l’affiche du film Andalousie, mon amour, semble tout résumer : un rire aux éclats. Faut-il rire de nos drames ?
Un proverbe marocain dit que le surplus de tourments provoque le rire. La vie a un côté absurde. Pourquoi Saïd (Youssef Britel) et l’instituteur (Mohamed Nadif) ont ri à la fin ? La raison est simple : l’histoire va continuer. Avec d’autres, Saïd s’est fait arnaquer d’une manière odieuse. L’instituteur prépare une autre expédition. D’autres vont vivre la même mésaventure : ils pensent qu’ils sont en Espagne, alors qu’ils n’ont jamais quitté le Maroc… La comédie qui évoque les drames est une façon agréable de dire les choses, surtout quand cela est bien fait. On peut transmettre de cette manière beaucoup de choses, lancer des piques… Et le public passe un bon moment de cinéma, il sort de la salle la tête remplie d’idées.
-Il y a, dans votre fiction, un terme qui n’échappe pas au spectateur : «tasbine», qui peut avoir deux signification : «l’espagnisation» du Maroc ou «le nettoyage» du Maroc…
«Tasbine» provient du mot «saboun» (savon en arabe), cela veut dire nettoyer le Maroc de la corruption et de tout ce qui salit. Il s’agit de faire un nettoyage aussi dans les domaines de l’art, de la culture, de l’économie… Nous voulons avoir des villes et des villages propres, une infrastructure solide, des bâtisses durables et belles…
-Evoquer Séville, l’Andalousie, Grenade, cela ressemble à pleurer sur un passé glorieux et lointain, ne trouvez-vous pas ?
Oui, il existe encore des personnes qui vivent toujours sur une certaine nostalgie. Al Andalous (Andalousie) que j’évoque renvoie à une certaine époque durant laquelle les gens se déplaçaient librement. Une période de progrès et de tolérance. Personne, en ces temps-là, ne mettait en avant la religion, Islam, judaïsme ou christianisme, le vivre-ensemble était une réalité. J’ai une nostalgie pour cette époque. Cet Andalou est aujourd’hui inexistant. Même si nous voulons aller pleurer aujourd’hui dans l’actuelle Andalousie, l’Espagne, les portes nous sont fermées !
-Etait-ce facile pour vous d’être derrière et devant la caméra ?
J’ai beaucoup réfléchi à cela. Ce n’était pas facile. Comme j’étais bien entouré et que j’ai bien préparé le film, je me suis pas mal débrouillé. J’ai déjà fait cela au théâtre, puisque je jouais dans les pièces que je mettais en scène. J’ai fait également un test dans mon court métrage, La jeune femme et l’instit. Tout cela était donc comme un avant-goût à ma participation à Andalousie, mon amour en tant que comédien. J’avoue que j’ai hésité un peu avant le début du tournage, mais je ne regrette pas de l’avoir fait.
Vous avez fait participer un comédien algérien, Hicham Mesbah, manière de dire qu’on peut travailler ensemble…
Heureusement qu’on peut travailler ensemble et qu’on peut aller à l’encontre de nos politiciens. On peut commencer par ce genre de partenariats et élargir après à d’autres secteurs de la culture. On va obliger nos politiciens à accéder à nos souhaits de rapprochement au Maghreb.
-Vous êtes passé du court au long métrages, comment s’est fait cette transition, ce passage à un autre niveau ?
Pour moi, le court et le long métrages sont deux genres différents. Cependant, le problème est surtout économique. Nous n’avons pas souvent les moyens d’aller directement vers la réalisation du long métrage. Rares sont les cinéastes qui ont débuté par le long métrage. Beaucoup réalisent des courts métrages avant de tenter l’expérience du long. Quand on rate un court, il y a toujours la possibilité de rebondir, mais ne pas réussir un long métrage risque d’être ruineux. Il sera plus compliqué de convaincre les producteurs ou des chaînes de télévision d’apporter des fonds pour un autre film (…) Andalousie, mon amour est un film à petit budget. La post-production m’a pris beaucoup de temps. Nous avons actuellement au Maroc un système de soutien au septième art qui consiste en l’avance sur recettes accordée par le Centre national du cinéma. Mon projet a été accepté dès le début. Cela m’a permis d’aller au tournage avec l’avance sur recette, faire un premier montage, financer et chercher de l’argent supplémentaire pour achever le film.
-Qu’en est-il de la distribution des films au Maroc ?
Il n’y a pas de problème sur ce plan-là. Après la projection du film au Festival international de Marrakech dans la section Coup de cœur (en décembre 2011, ndlr), j’ai été contacté par plusieurs exploitants de salles pour le projeter. Certains ont même proposé de payer leurs propres copies. Andalousie, mon amour peut bien être apprécié au Maghreb. Le problème qui est traité dans ce film concerne cette région. La fiction est tournée avec un langage qui peut être compris par tous les Maghrébins. Mon souhait est de trouver des distributeurs en Algérie et en Tunisie.
-Quelles sont les grandes tendances du cinéma marocain actuellement ?
Aujourd’hui, il y a un nombre important de films produits au Maroc. Cette année, en termes de production, nous avons dépassé vingt longs métrages et une soixantaine de courts métrages. Il y a beaucoup de films faits par de jeunes réalisateurs. Chacun vient avec son empreinte et ses idées. On est différent, mais on se complète . On peut donc parler d’un nouveau cinéma au Maroc. J’ai actuellement un projet de long métrage que je développe avec la comédienne Asma El Hadrami. J’espère que d’ici fin 2012, le scénario sera prêt. Le titre provisoire est Les pensionnaires du pavillon J…
4/4/2012,Fayçal Métaoui
Source : El Watan
Mohamed Nadif. Cinéaste marocain : «On peut aller à l’encontre de nos politiciens»
Publié dans Médias et migration
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