A force d’appeler « populistes » toutes les formations politiques qui, en Europe, flirtent avec l’extrême droite, on finirait par penser que leur semblant de modernité prévaut sur leur (bas) fonds de commerce. La crise est pourtant en train de faire tomber les masques, avec une radicalisation manifeste du discours raciste. Comme en témoignent les sites nés aux Pays-Bas et à présent (aujourd'hui à l'initiative du Vlaams Belang) en Belgique pour inviter la population à la délation contre les immigrés illégaux. Sous le regard bien indulgent des formations conservatrices, pressées sur leur flanc droit. Et en dépit du droit et des valeurs fondantes de nos démocraties.
Ce sont les Pays-Bas qui ont ouvert le ban. Le 8 février dernier, le PVV, le Parti pour la liberté de Geert Wilders qui soutient l’actuel gouvernement de Mark Rutte, a mis en ligne un site sur lequel les citoyens peuvent signaler les « nuisances » soit disant provoquées par les ressortissants d’Europe de l’Est. Roumains, Bulgares, Polonais sont particulièrement visés. Quant aux prétextes invoqués, ils concernent le logement et la concurrence sur le marché du travail. On avait beaucoup glosé sur le fameux plombier polonais lors du référendum de 2005. La Constitution n’a pas été adoptée, mais le vice, lui, est tenace.
Sur le site, les citoyens sont ainsi interpellés à propos des ressortissants de l’Est. « Vous causent-ils des problèmes ? Avez-vous perdu votre emploi au bénéfice d’un Polonais, d’un Bulgare, d’un Roumain ou d’un autre citoyen d’Europe centrale ou orientale ? »
Cette initiative du parti de Geert Wilders a reçu la collaboration (le mot est approprié) de plus de 30 000 « bons citoyens », très réactifs en matière de délation. Le site a aussi rapidement été dénoncée par (heureusement) des milliers d’autres citoyens hollandais, puis par le Parlement européen, le 13 mars.
mardi 10 avril 2012, le parti d’extrême droite flamand, le Vlaams Belang (qui prône l’indépendance de la Flandre), a lancé un site similaire, en s’inspirant du précédent hollandais. http://meldpuntillegaliteit.be . Filip Dewinter, le leader de ce petit parti qui compte tout de même 12 députés et 5 sénateurs, a justifié cet appel à la délation par la présence de milliers d’illégaux dans les grandes villes. Les thématiques invoquées sont toujours les mêmes : travail au noir, criminalité, abus sur les prestations sociales.
Que l’intégration soit bloquée par la crise économique, c’est une évidence. Que l’insécurité et la criminalité soient des problèmes quotidiens aux Pays-Bas, en Belgique et ailleurs, ne fait pas de doute. Mais la question soulevée par la création de ces deux sites est d’une autre nature. Peut-on tolérer, au sein de l'Union, le recours à la discrimination et à la délation ?
10 avril 2012
Source : Sud ouest