Nicolas Sarkozy aime à rappeler à son auditoire que c'est une des grandes lois de son quinquennat. Le 17 mars dernier, en meeting à Lyon, il a notamment qualifié d'"abandon du champ de bataille républicain" la décision du PS de ne pas avoir pris part au vote sur la loi contre le port de la burqa. Il y a un an, le texte interdisant le voile intégral dans l'espace public entrait en vigueur. Non sans avoir essuyé beaucoup de critiques et suscité beaucoup de craintes, finalement infondées.
En un an, le ministère de l'Intérieur a recensé 354 contrôles et 299 verbalisations. "Le texte s'est appliqué dans la sérénité, dans le respect des convictions des uns et de la loi par les autres", affirme le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Pierre-Henry Brandet. Un avis partagé par Patrice Ribeiro, du syndicat de police Synergie. "Ça se passe bien dans neuf cas sur dix, assure-t-il. Il faut dire qu'on ne fait pas d'excès de zèle. Nous ne sommes pas engagés dans une chasse aux femmes voilées. Ce n'est pas notre mission prioritaire."
"Ne pas en faire des martyres"
Côté justice, les procureurs à qui il revient d'engager ou non des poursuites sur la base du procès-verbal s'en tiennent en grande majorité à un simple "rappel à la loi". "Il ne s'agit pas de faire d'elles des martyres", expliquait, en septembre dernier dans La Croix, l'ancien procureur de Nice Éric de Montgolfier. Le ministère de la Justice a toutefois relevé 312 procédures "orientées par les parquets", 10 ont été classées sans suite et 302 ont fait l'objet d'une "réponse pénale", soit une amende pouvant aller jusqu'à 150 euros ou l'obligation d'effectuer un stage de citoyenneté.
Des condamnations qui font le miel des opposants à la loi. Les adeptes du voile intégral n'attendent en effet que d'être condamnés en justice puisque ce n'est qu'à cette condition qu'ils pourront saisir la Cour des droits de l'homme et faire condamner la France. Plusieurs associations en font leur cheval de bataille. C'est le cas de "Touche pas à ma Constitution", présidée par le très médiatique Rachid Nekkaz. Le millionnaire a créé, il y a un an, un fonds doté d'un million d'euros dit de défense de la laïcité et de la liberté dont l'objectif est de financer les amendes dressées aux femmes portant le voile intégral... partout dans le monde. L'homme a tenu promesse. Pour lui, "cette loi, qui avait pour objectif de permettre aux femmes de se libérer de la contrainte de leurs maris qui les obligeraient à porter le niqab, semble s'être trompée de cible, écrit-il sur le site de l'association. Aucun homme (frère ou mari) d'une femme portant le niqab n'a été inquiété par la police. (...) Au lieu de garantir la liberté de ces femmes, la loi a produit l'effet inverse : elle a assigné à résidence 1 900 femmes chez elles (estimation du nombre de femmes portant le voile intégral en France, NDLR), faisant de la France une prison géante de 550 000 km2".
"Porter le voile par défi"
Si certaines ont renoncé à porter le niqab, au vu des difficultés posées par le texte notamment pour les démarches au quotidien dans les services publics (écoles, transports, banques...), d'autres, au contraire, "le portent par défi", note Wassila Ltaeif, secrétaire générale de Ni putes, ni soumises. Avant sa disparition, le ministère de l'Immigration avait, fin octobre 2010, chargé l'association d'assurer les six mois de pédagogie réclamés par le législateur, avant que la loi n'entre en vigueur, le 11 avril 2011. L'organisation avait reçu une enveloppe de 50 000 euros pour chapeauter le projet. Résultat : "Notre mission a permis de colmater les brèches. Nous expliquons à ces femmes que cette loi leur offre un cadre juridique pour se faire entendre, mais notre message est une goutte d'eau dans la mer. Il reste beaucoup à faire."
Selon Rachid Nekkaz, depuis le 22 septembre 2011, où, pour la première fois, deux femmes ont été condamnées à Meaux (Seine-et-Marne) pour avoir porté le voile sur la voie publique, 18 % de musulmanes se seraient voilées pour la première fois.
12/4/2012, Jamila Aridj
Source : Le Point