La thématique politique de l'intégration des immigrés et de leurs enfants est récurrente en France, après chaque crise, comme lors des drames de Montauban et de Toulouse.
La quasi-totalité des candidats à l'élection présidentielle convient désormais que la maîtrise des flux est un préalable à une bonne intégration, ne serait-ce qu'en raison d'un taux de chômage élevé dans notre pays, encore aggravé par la crise financière de ces quatre dernières années.
Or l'immigration en France est familiale à 80 %. Elle est presque autant masculine que féminine, jeune (32 ans en moyenne) et a vocation à alimenter le marché du travail. Notre pays doit pouvoir aussi réguler cette immigration.
1 - Le gouvernement de notre pays devra soumettre annuellement au Parlement, au vu des capacités nationales d'accueil (école, emploi, logement) le cas échéant déclinées régionalement, un seuil maximum d'immigration qui servirait de référence à la politique d'attribution de visas de long séjour.
2 - Pour répondre à l'objectif de bonne intégration, les Français souhaitant faire venir leurs conjoints étrangers doivent au préalable disposer d'un logement et d'un revenu minimum, comme c'est déjà le cas pour le regroupement familial des conjoints d'étrangers résidant durablement en France
L'un des principaux obstacles à l'intégration est, sans conteste, la concentration des immigrés les plus pauvres et leurs descendants dans l'habitat social dégradé des grands ensembles des années 1960-1970. Ce malaise des banlieues a été marqué par les émeutes dans le département du Rhône aux Minguettes en 1981, à Vaulx-en-Velin en 1990, au Mirail (Toulouse) en 1998, jusqu'aux émeutes trop vite oubliées de novembre 2005.
Dans ces quartiers habitent plus de 4 millions de personnes, 52 % sont des immigrés ou leurs enfants, 64 % en région Ile-de-France. Il s'y développe souvent un entre-soi, parfois communautaire, indifférent au reste de la société, voire, pour les plus jeunes, un rejet violent de tout ce qui est français, même à l'école.
Face à cette lente dérive, le programme de rénovation urbaine, qui mobilise 43 milliards d'euros, fait consensus et devrait être prolongé.
3 - Le moment est venu d'autoriser, sous le strict contrôle des pouvoirs publics, les organismes de HLM à disposer d'informations relatives à la nationalité des demandeurs et des occupants des logements dans l'objectif exclusif d'assurer une réelle mixité dans l'habitat.
4 - Le Haut Conseil recommande que le droit au logement opposable qui vise à reloger des familles en difficulté ne soit plus applicable dans ces quartiers afin de ne pas aggraver les problèmes sociaux qu'ils connaissent et ajouter de la misère à la misère.
Un des défis de l'intégration les plus complexes est celui de l'allégeance affective des immigrés, et plus encore de leurs enfants, à notre pays. Sans nier les handicaps d'ordre culturel, en particulier linguistiques, les enfants de l'immigration, et particulièrement les garçons, sont avant tout marqués par leur origine sociale, pour les deux tiers ouvrière ou employée, alors qu'ils ne sont que la moitié des enfants de la population majoritaire.
L'école aujourd'hui peine à relever ce défi social et culturel.
5 - L'école primaire, et surtout les trois années de maternelle, constitue une étape décisive pour compenser ces inégalités. Il faut donc rendre obligatoire la scolarité dès l'âge de 3 ans, conforter en maternelle, CP et CE1 l'apprentissage du français et y investir en matière d'accompagnement et de soutien.
6 - L'enseignement des langues et cultures d'origine suivi par 80 000 jeunes descendants d'immigrés, conçu il y a quarante ans dans l'hypothèse du retour au pays d'origine, doit être supprimé sans délai. Ces langues s'inscrivent dans le parcours normal d'enseignement des langues vivantes.
7 - Parce que la diversité des origines et convictions est fréquente dans l'école de la République, suscitant plus souvent des tensions, l'Etat doit y appliquer, sans accommodement, le principe de paix sociale qu'est la laïcité, y compris pour les collaborateurs occasionnels du service public. Dans d'autres domaines où s'exprime souvent une discrimination ressentie, en particulier dans l'accès à l'emploi, l'Etat doit engager une politique plus résolue d'égalité de traitement.
8 - C'est le dialogue social qui est le plus efficace pour lutter contre les discriminations dans l'emploi et agir pour la promotion de l'égalité. Les branches et les entreprises doivent, dans ce cadre, s'approprier les outils disponibles de cette politique : recrutement par habiletés, CV anonymes, job dating, parrainage...
9 - Sans recourir aux statistiques ethniques, les entreprises doivent pouvoir mesurer l'égalité de traitement de leurs salariés au moyen d'indicateurs objectifs que sont le sexe, le lieu de naissance, de résidence, l'âge ou la nationalité, comme l'autorise d'ailleurs la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
10 - Il est encore nécessaire de préciser la clause d'insertion sociale dans le code des marchés publics en ajoutant la promotion de la non-discrimination parmi les objectifs de cette clause.
La politique d'intégration ne peut enfin se faire sans moyens conséquents.
11 - Dans un contexte de résorption drastique des déficits publics, s'il n'est pas envisageable de revenir sur les baisses de crédits de ces dernières années, il est possible en revanche d'optimiser l'utilisation des moyens disponibles.
Cela devrait passer par la création d'une seule agence de l'intégration et de la cohésion sociale regroupant les moyens des politiques d'intégration et de la ville qui s'adressent aux mêmes publics pour le même type d'actions.
12 - Afin de revivifier les réseaux de terrain, l'Etat doit réinvestir dans les associations oeuvrant pour l'intégration et leur faciliter l'accès aux financements pluriannuels au travers d'un guichet unique qui pourrait être l'agence pour l'intégration et la cohésion sociale.
13.04.2012 , Patrick Gaubert, président du Haut Conseil à l'intégration
Source : : LE MONDE