Les musulmans, majoritairement installés dans les quartiers populaires où le taux d'abstention est très élevé, ont sanctionné Nicolas Sarkozy qui, après les avoir attirés en 2007, les a déçus en courtisant l'électorat du Front National sur le thème de l'immigration.
En Seine-Saint-Denis, département qui abrite le plus grand nombre de musulmans, le président sortant a dégringolé, passant de 26,85% au 1er tour en 2007 à 19,48% en 2012.
Raphaël Liogier, professeur de sociologie à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence, a observé une "variable musulmane dans les quartiers nord" de Marseille. "Il a pu y avoir à un moment donné un vote musulman en faveur de Sarkozy mais avec ce qui s'est passé au sein même de l'UMP, et notamment les sorties de Guaino, ce n'était plus possible", selon lui.
Ancrés socialement à gauche, les musulmans, pratiquants notamment, sont plus proches pourtant des partis conservateurs, observent Samir Amghar, sociologue qui vient de publier "Le salafisme aujourd'hui", et Karim Amellal, maître de conférence à Siences Po Paris, auteur de "Discriminez-moi".
Le nombre des musulmans inscrits sur les listes électorales n'est pas connu. La France compte 2,1 millions de "musulmans déclarés" de 18 à 50 ans, selon l'INSEE. L'institut IFOP évalue cette communauté à 3,5 millions de personnes.
"Ils sont plus proches de la droite sur les questions sociétales (mariage, famille, autorité) mais aussi sur les options économiques puisqu'il défendent le libéralisme, l'économie de marché et se méfient de la fiscalité", détaille M. Amghar.
En plus de défendre ces valeurs, M. Sarkozy "a porté un discours sur la laïcité qui a séduit les musulmans" entre 2003, date à laquelle il a créé le Conseil français du culte musulman (CFCM) donnant un statut officiel à l'islam, et l'élection présidentielle de 2007, où des associations de musulmans ont constitué des comités de soutien à sa candidature, analyse M. Amellal.
"Attaques contre leur religion"
"Mais, poursuit-il, la stratégie de M. Sarkozy a changé depuis 2010". "Le discours de Grenoble sur l'immigration, la convention de l'UMP sur l'islam, la loi anti-burqa et la polémique sur le halal ont été perçus par les musulmans comme des attaques contre leur religion".
Le candidat de l'UMP "a estimé que l'électorat frontiste est plus important et vote plus que dans les quartiers populaires", présume M. Amghar.
Et le 22 avril, "ce n'est plus le même Sarkozy" qui se présente au 1er tour de la présidentielle, abonde M. Amellal. Même s'il "avait certainement prévu de gagner à droite au 1er tour avant de tenter de rassembler au second", selon lui, "il est obligé de poursuivre sur la même ligne puisqu'il ne peut gagner qu'avec les électeurs du FN".
"Chez les musulmans des nouvelles classes moyennes qui sont plutôt conservateurs, il n'y en a plus un seul qui va voter Sarkozy", pronostique M. Liogier.
Avant le 1er tour, des responsables musulmans avaient appelé les fidèles à "participer massivement" à l'élection présidentielle, à l'instar du recteur de la mosquée du 18e arrondissement de Paris, Mohamed Hamza, les invitant à défendre leur "dignité contre l'islamophobie" par "un vote massif halal", sans donner de consigne précise. Sur son site internet, l'Union des Associations musulmanes du 93 a diffusé un appel de l'imam de la mosquée Sunna de Brest, Abou Houdeïfa, demandant aux musulmans de voter pour le candidat du "moindre mal", excluant nommément Marine Le Pen.
Lundi, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a appelé à ne pas laisser l'islam s'immiscer dans le scrutin, ce qui "serait dommageable pour la communauté musulmane".
Trois sondages réalisés avant le 22 avril par l'UAM 93, l'association culturelle J Plus et le site Saphir News donnaient Jean-Luc Mélenchon et François Hollande largement vainqueurs chez les musulmans.
24/4/2012
Source : Le Point/AFP